Gao : la pénurie du carburant persiste

L’insécurité, le blocus de l’axe Gao-Sévaré et la cupidité des commerçants sont-ils des facteurs de la flambée du prix du carburant à Gao ?

Par Abdourhamane TOURE

Gao, 22 mar (AMAP) Dans la Cité des Askia, Gao, dans le Nord du Mali, le baril de 200 litres d’essence, en provenance de l’Algérie coûte à 280 000 voire 300 000 Fcfa dans les garages des arabes et le litre est vendu entre 1 600 et 2000 Fcfa dans les bouteilles chez les petits revendeurs.

Il est de notoriété publique que la Région de Gao est approvisionnée en carburant par les deux pays voisins (l’Algérie et le Niger). Et le commerce de ce liquide précieux en provenance de l’Algérie et du Niger reste toujours dans l’informel. Malgré son importation illégale par les commerçants, son prix reste toujours inaccessible pour les clients alors que courant 2015 et 2016, il a été vendu à 400 Fcfa le litre dans toutes les stations d’essence à Gao.

Chaque année, à l’approche de mois béni de Ramadan, le prix des denrées alimentaires, en particulier le carburant, prend l’ascenseur sur le marché de Gao. Cette situation est devenue une habitude chez les commerçants de Gao. Naturellement, le carburant semble être le produit dont la hausse du prix tire automatiquement vers le haut celui de tous les autres sur le marché.

Le correspondant de l’AMAP, a pu noter qu’actuellement, dans la ville de Gao, la station d’essence de la société Néma et frère (SONEF) est la seule qui vend le litre d’essence à la pompe à 850 Fcfa. Son responsable de Gao, Ibrahim Moussa, a déclaré que la société dispose à la pompe d’un ancien stock de carburant qu’elle continue à vendre à 850 Fcfa le litre.

Selon lui, la quantité disponible ne pourra pas tenir longtemps parce que la demande est forte. « Malgré la crise de l’essence dans la ville, notre société continuera à céder le litre de l’essence à 850 Fcfa aux populations de Gao », a-t-il promis. Pour lui, si les autorités veulent que le prix du carburant à la pompe reste stable, ils doivent interdire la sortie de l’essence de la ville de Gao.

Dans les jours à venir, si la mesure d’interdiction de sortie du liquide précieux n’est pas appliquée, la pénurie d’essence sera pire et le litre d’essence à la pompe pourra atteindre 3 000 Fcfa.

Selon le responsable de la station d’essence de la SONEF, si le baril d’essence de 200 litres se vend à Gao à 350 000 Fcfa, la même quantité est revendue à une trentaine de kilomètres de la ville à 500 000 Fcfa.

Abdoul Wahab, rencontré à la station d’essence de la SONEF, tenant les guidons de son engin à deux roues, comme beaucoup d’autres clients en file indienne, sous un soleil ardent, est à la recherche du carburant. Il dit être venu acheter de l’essence ici parce que c’est moins cher par rapport à d’autres points de vente où le litre d’essence est cédé à 1 500 voire 2 000 Fcfa.

PENURIE ET INSECURITE – Abass Maiga dit Saramaya est un revendeur-détaillant de carburant, en face de l’Assemblée régionale de Gao. Il affirme avoir acheté le baril de 200 litres d’essence à 280 000 Fcfa pour vendre au détail dans les bouteilles, à raison de 1 500 Fcfa. « Souvent, le baril ne vaut pas 200 litres », se plaint-il.

Il explique la pénurie de carburant par l’insécurité. « Parce que, souvent, les terroristes interceptent les chauffeurs de camions-citernes, les tuent et brûlent les leur véhicule. » Le revendeur détaillant estime que la seule solution pour l’approvisionnement de la ville de Gao en carburant, est de libérer l’axe Gao-Sévaré et Gao-Niger.

Le directeur régional de la Société des télécommunications du Mali à Gao, Issa Dembélé, pense que la flambée du prix du carburant est due aux conditions (insécurité) de ravitaillement de la région.

Aguissa Touré, un agent du gouvernorat de Gao soutient que, chaque année, à la veille du mois de Ramadan, le prix du carburant à la pompe, comme au dépôt, augmente sur le marché de Gao.

Le président du Conseil communal de Gao, Aguissa Cissé, rappelle que chaque année à la même période, le prix du carburant prend l’ascenseur. « C’est pourquoi, nous avons décidé de trouver, à l’amiable, un point d’accord avec les vendeurs de carburant », a-t-il dit.

Selon le président des jeunes dans la commune, il s’agit de vendre le litre d’essence à la pompe à 1000 Fcfa quelques soient les difficultés. « Cette année, le même phénomène s’est répété mais la hausse du prix du carburant a été signalé depuis l’Algérie. C’est pourquoi le baril de 200 litres d’essence coûte à Gao 340 000 Fcfa »,  a révélé  M. Cissé. « Nous continuons à négocier avec les commerçants arabes qui approvisionnent la ville en carburant et les revendeurs pour que le prix du litre ne dépasse pas 1 500 Fcfa », a dit le président du Conseil communal de Gao.

Le président de la société civile de Gao, Soumaïla Soumaré, explique que les commerçants doivent respecter les règles du négoce. Pour lui, « c’est inadmissible que le prix du carburant monte, à chaque approche du mois de carême alors que le prix d’achat a beaucoup diminué, suite à l’arrêt des activités de certaines organisations non gouvernementales dans la région », Et d’annoncer : « Avec l’ensemble des forces vives de la région, des dispositions sont en cours pour rabaisser le prix du carburant. ».

Le directeur régional du Commerce, de la Concurrence et de la Consommation, Mansa Coulibaly, a dit que toute la chaine de ravitaillement et de vente du carburant sur les deux axes Niger-Gao et Algérie-Gao est dans l’informel. Selon lui, tous ceux qui vendent du carburant dans les barils, au niveau des dépôts (garage) et dans les bouteilles « sont appelés dans notre jargon des délinquants. »

La vente du carburant dans les bouteilles est illégale, soutient M. Coulibaly qui précise que le carburant doit être vendu à la pompe (la station d’essence) et cette vente, elle-même, obéit à des normes. « En effet, la flambée de prix du carburant est dû au fait que le pays voisin, le Niger, qui ravitaille la région de Gao, connaît la même crise d’essence », explique-t-il. « Quant à l’Algérie, c’est un pays dans lequel tous les produits sont subventionnés, sauf les dattes. C’est pourquoi, elle n’accepte pas l’exportation de ses produits. Donc, toutes les marchandises qui proviennent de ce pays rentrent à Gao par le trafic », a encore dit le directeur régional du commerce, de la concurrence et de la consommation de Gao.

« En août 2024, devant la flambée de prix du carburant, le gouverneur de la région de Gao, le général de division Moussa Moriba Traoré a pris une décision pour interdire aux vendeurs la vente du litre d’essence à un prix déraisonnable.

Selon cette décision tout contrevenant s’exposait à une amende de 300 000 Fcfa contre la délivrance d’une quittance par la direction régionale du Commerce, de la Concurrence et de la Consommation.

« Durant cette période, trois commerçants ont été pris la main dans le sac et tous ont payé l’amende due. Mais la décision de l’exécutif régional n’a pas vécue longtemps », a révélé M. Coulibaly de la direction régionale du commerce.

Pour lui, la seule solution à la hausse du prix du carburant à la pompe que les autorités des deux pays mettent en place un cadre formel et permanentant d’approvisionnement.

A cause de la pénurie d carburant, on constate moins de véhicules dans la circulation à Gao alors qu’un camion transportant plus de 120 barils de 200 litres de carburant quittant la ville pour une destination inconnue s’est renversé, à une vingtaine de kilomètres, en direction de Intahakat, vers un site d’orpaillage.

AB/MD (AMAP)