Par Mariam F. DIABATE
Sikasso, 08 janv (AMAP) La Région de Sikasso, dans le Sud du Mali, tout comme le reste du Mali sinon le monde entier, fait aujourd’hui face aux effets des changements climatiques. Aucun secteur n’est épargné par les conséquences sur notre planète. Pour toucher du doigt la réalité, notre équipe de reportage s’est intéressé à un certain nombre de secteurs dans la région de Sikasso. Il s’agit notamment de l’agriculture, l’environnement, l’élevage et la santé.
« L’arrivée précoce des pluies, celle tardive, les poches de sécheresse en début d’hivernage et l’abondance des pluies lors de l’hivernage », le président de la Chambre régionale d’agriculture, Abdoulaye Bamba, dresse le tableau des défis auxquels les producteurs de Sikasso font face à cause des effets des changements climatiques.
Le phénomène a quasiment bouleversé le calendrier des producteurs. Il leur cause de grosses pertes. Il s’agit de l’assèchement de certains plants ou encore la destruction totale d’autres à cause de l’abondance de l’humidité du sol ou encore des inondations. « Cette année l’humidité du sol a détruit ma parcelle de 2ha de papaye », confie Abdoulaye Bamba. Il renchéri avec le cas de la parcelle de riz de la plaine de Loulouni qui a été submergée par l’eau (90% des plants de riz ont été détruits) et celui des orangers qui ont été déracinés par la tornade à Hérémakono.
Par ailleurs, le président de la chambre régionale d’agriculture dit que de nos jours, le secteur de l’agriculture de la région est frappé de plein fouet par ces effets. Il reconnaît que Sikasso est une zone tropicale humide mais les producteurs ne sont pas habitués à ces intempéries. « Avant, l’hivernage débutait au mois de mai pour prendre fin en septembre mais actuellement, il commence en juillet et se termine jusqu’en novembre ». Il invite les producteurs à suivre les conseils des techniciens de la direction régionale de l’agriculture, de la Compagnie malienne de développement des textiles (CMDT) ainsi que de la météo qui les encadrent.
BOULEVERSEMENTS – Tout comme l’agriculture, l’environnement est également touché. Le directeur régional de l’assainissement du contrôle des pollutions et des nuisances (DRACPN), Moussa Ballo, affirme que l’environnement à Sikasso est confronté à un certain nombre de défis. Il s’agit de la diminution de la biodiversité et des ressources naturelles, de la pollution de l’air et du déversement du contenu des latrines lors des inondations (ce qui a des impacts sur la santé humaine).
Pour réduire les effets des changements climatiques sur l’environnement, M. Ballo préconise la réduction de la quantité des déchets. A cet effet, il a mis un accent particulier sur la transformation des cartons en alvéoles, des plastiques blancs en d’autres éléments…Ce qui contribuera à diminuer considérablement la production du gaz carbonique et du méthane (les gaz à effet de serres).
Sur le même registre, le responsable de la DRACPN de Sikasso souligne que les exploitants des charrettes doivent verser le contenu des latrines dans les stations de vidange. C’est de là que ces contenus seront transformés en engrais organiques pour les champs de culture. Toute chose qui permettra à la population du Kénédougou de consommer des produits bio (bons pour la santé).
Sur le plan sanitaire, l’Étude de cas sur le Mali dénommé « Comment le changement climatique et environnemental aggrave les conflits et les inégalités » précise que la hausse des températures et du nombre de journées très chaudes aboutira à des canicules plus fréquentes.
La population touchée par, au moins, une vague de chaleur par an passera de 2% en 2000 à entre 3,6 et 9% en 2030 au Mali. Ce qui, selon l’étude, pourra se traduire par une hausse de la mortalité liée à la chaleur.
BETAIL A LA PEINE – « Cette année, les fréquentes inondations du fait des changements climatiques ont causé des dégâts au cheptel de la région. Il s’agit principalement des animaux dans les localités de Zangaradougou, Finkolo, Kignan et Loulouni », déclare le directeur régional des productions et industries animales, Jean Martin Kamaté. Selon lui, dans les zones de pâturage, les crues ont réduit le mouvement des animaux tout en leur rendant difficile l’accès aux marchés de bétail. « Toute chose qui impacte négativement sur le circuit d’approvisionnement des marchés de bétail », explique-t-il.
Les vents violents, également causés par les changements climatiques, détruisent les arbustes et dégradent la nature. Cela complique l’alimentation du bétail. Pour remédier à la situation, M. Kamaté appelle les éleveurs de Sikasso à la résilience.
Quant à la présidente de l’Association des femmes engagées pour la lutte contre les effets néfastes des changements climatiques (AFECC) du Mali, Aïssata Keita, elle apporte des éclaircissements. Pour le cas du Mali, elle soutient que le pays est exposé aux aléas climatiques qui perturbent considérablement les activités économiques. Cela, à travers des sècheresses récurrentes, la raréfaction des ressources naturelles et les phénomènes extrêmes.
« Tous les secteurs sont impactés mais l’agriculture, l’élevage et l’environnement restent largement tributaires de ces aléas », indique–t-elle.
En termes de perspectives, la présidente de l’AFECC priorise notamment l’éducation, l’information et la sensibilisation du public sur les causes et les conséquences des changements climatiques, tout en mettant en lumière les questions urgentes liées au phénomène. Aïssata Keita invite, également, les médias à diffuser des messages de plaidoyer sur les effets du phénomène en direction des décideurs.
POLITIQUE NATIONALE – Selon l’assistant technique de l’Agence de l’environnement et du développement durable (AEDD), Abdrahamane Dème, le gouvernement du Mali est conscient des grands risques et enjeux des changements climatiques. « C’est pourquoi la vision de sa politique nationale sur les changements climatiques est de définir d’ici 2025 un cadre de développement socio-économique durable. Ce qui intègre les défis des changements climatiques dans tous les secteurs de son développement afin d’améliorer le bien-être des populations », dit M. Dème.
Cette politique se développera autour des cinq piliers opérationnels définis à Bali lors de la COP13 en 2007: la vision partagée, l’adaptation, l’atténuation, le transfert de technologies et le financement, tout en associant de manière intégrée l’ensemble des programmations et acteurs du monde.
Egalement, suite à l’accord de Paris, le Mali a mis en œuvre sa Contribution déterminée au niveau national (CDN) dans quatre secteurs : « A l’horizon 2030, elle fixe les ambitions nationales de réduction de gaz à effet de serre à 39% pour les changements d’affectations des terres et la foresterie, 31% pour l’énergie, 31% pour les déchets et 25% pour l’agriculture.
Par ailleurs, l’assistant technique de l’AEDD a ajouté qu’en matière de lutte contre les effets des changements climatiques, le gouvernement du Mali a, entre autres, élaboré la Politique nationale sur les changements climatiques (PNCC), la Stratégie nationale sur les changements climatiques (SNCC) et le Plan d’action national climat (PANC).
MFD/MD (AMAP)
Encadré
Les chiffres de la station météo interpellent
Le coordonnateur de la station météo de Sikasso, Salif Diabaté précise que le cumul de précipitations était de 1149,5 mm en 2023 contre 1408,2 mm en 2024. Quant à la température minimum absolue, celle-ci était de 15,8°c à la date du 4 janvier 2023 contre 15,0°c le 8 décembre dernier. La température maximum absolue était de 40,7°c le 27 mai 2023 et 44,2°c le 24 mars dernier. Les multiples variations de ces chiffres sont dues aux changements climatiques.
Les changements climatiques constituent les variations à long terme des températures et des conditions météorologiques. Les spécialistes précisent que ce sont les modifications du climat accompagnées d’une augmentation générale des températures moyennes à un niveau mondial.
Ces modifications sont dues à l’augmentation de la concentration des gaz à effets de serres présents dans l’atmosphère. Il est établi que les activités humaines constituent l’une des principales causes des changements climatiques.
« Sur les dix dernières années, 86% des émissions des gaz à effets de serres provenaient de l’usage des combustibles fossiles (charbon, pétrole et gaz), le reste était issu des changements d’usage des sols notamment la déforestation », nous révèle le livre (l’économie africaine 2023 dans son chapitre II, titre : l’Afrique face au changement climatique), publié sur le site shs.cairn.info
MFD/MD (AMAP)