Pr Ali Nouhoum Diallo : « La pluralité et la diversité du Mali doivent être davantage amplifiées »

Le Pr Ali Nouhoum Diallo s’exprime, aussi, sur la question de la militarisation de la police nationale ainsi que les réformes politiques et institutionnelles en cours au Mali 

Par Bembablin DOUMBIA

Bamako, 11 oct (AMAP) L’ancien président de l’Assemblée nationale du Mali, le Pr Ali Nouhoum Diallo, s’est réjoui de deux progrès dans la conduite de la Transition malienne, depuis le 18 août 2020.

Dans un entretien avec le quotidien national « L’Essor », publié mardi, l’ancien président de l’Assemblée nationale, par ailleurs membre de l’Association Alliance pour la démocratie au Mali (ADEMA), a indiqué que «le premier progrès est très important : il n’y a plus un seul soldat français sur le sol malien. »

L’homme politique, qui s’est réjoui de cette avancée rappelle «les efforts déployés par tout le peuple malien pour que le dernier soldat français, à la demande du président Modibo Keïta, quitte notre sol, en janvier 1961».

«Je sais également comment les colons peuvent venir, mais aussi combien il est difficile qu’ils partent. Quand j’ai appris qu’en plus des camps de Kidal et de tous les autres camps qu’ils avaient intégrés avec fierté, en disant, à la demande du Mali lui-même, je me suis demandé comment nous allons faire pour qu’ils partent», a confié le Pr Ali Nouhoum Diallo tout en félicitant l’équipe dirigée par le colonel Assimi Goïta d’avoir pu rééditer ce moment d’indépendance militaire en faisant partir la force Barkhane.

Le deuxième succès, selon l’ex-titulaire du perchoir, « est la prise de conscience que le Mali est un et indivisible, pluriel et divers sur les plans politique, culturel et linguistique ». «Mon souhait est que cette prise de conscience de la pluralité et de la diversité du Mali soit amplifiée», a ajouté notre interlocuteur.

Evoquant le dossier des militaires ivoiriens détenus au Mali,  le Pr Ali Nouhoum Diallo a dit que l’ADEMA Association trouve que cette affaire n’aurait jamais dû connaître ce développement. «Nous avions félicité l’équipe du colonel Assimi Goïta d’avoir pu démontrer à la face du monde qu’on ne peut pas venir dans notre pays et se livrer à des activités, quelles qu’elles soient, à l’insu du Mali», a renchéri l’ancien président de l’Assemblée nationale. Notre interlocuteur s’est également réjoui du travail des services de renseignements qui ont découvert que les 49 soldats n’étaient pas peut-être tous des Ivoiriens.

« Cependant, a-t-il nuancé, une fois tout cela fait, on aurait dû immédiatement envisager une autre dimension ». « Le Mali peut-il se permettre d’être en conflit avec la Côte d’Ivoire, après un embargo de six mois ? », s’est interrogé le Pr Ali Nouhoum Diallo.

L’ancien président de l’Assemblée nationale a aussi indiqué que pour l’ADEMA Association, il fallait renvoyer, élégamment, tous ces éléments au président Alassane Dramane Ouattara en lui disant ceci : «Grand frère, ce que tu as fait est vilain et tes petits frères te montrent qu’ils sont de vrais militaires. Alors, ne recommencez plus, parce que ça ne marchera pas». «Et il n’y aurait pas eu toute cette tension», a-t-il estimé. En définitive, il a souhaité vivement que cette situation prenne fin.

S’agissant de la question de militarisation de la police nationale, notre interlocuteur a rappelé que ce corps a été démilitarisé à la demande des policiers eux-mêmes. «Et nous trouvions cela normal parce qu’à l’époque où on les avait militarisés, c’était des militaires qui étaient à la tête du pays», se souvient l’ancien président du Parlement. «Très souvent, on dit que la classe politique a mal géré… On n’oublie que les militaires ont plus géré le Mali que les hommes politiques. Donc, aujourd’hui, qu’on veuille militariser la police, surtout en temps de guerre, ne me dérange pas», a-t-il laissé entendre.

Parlant des réformes politiques et institutionnelles, notre interlocuteur n’est pas allé par quatre chemins, affirmant ne pas croire qu’on ira à une nouvelle Constitution au Mali. Le Pr Ali Nouhoum Diallo a poursuivi que « les élections ne seront, peut-être, pas organisées au bout des 24 mois ».

Il s’est dit convaincu qu’il y a, aujourd’hui, deux classes politiques au Mali : la classe politique militaire et celle civile. Ajoutant que la classe politique militaire est loin d’être «analphabète» en politique. « On se demande souvent si elle ne maitrise pas mieux les mécanismes de la politique que des hommes politiques chevronnés », a dit le Pr Ali Nouhoum Diallo. Il a affirmé, ensuite, son «désaccord» avec ceux qui pensent que les militaires ne doivent pas faire la politique. « Mais, qui a fait une école de politique parmi nous ? », a-t-il interrogé. Étayant ses propos, il a cité en exemples les anciens présidents Thomas Sankara du Burkina Faso, Jerry Rawlings du Ghana et Gamal Abdel Nasser d’Egypte qui étaient tous des militaires.

D’après l’ancien président de l’AN, « nous devrions sortir des sentiers battus et regarder la réalité en face en se demandant qui sont capables de gérer le pays. »

BD/MD (AMAP)