La légumineuse est aussi exportée vers des pays voisins pour faire des profits. La pâte qui en découle entre dans la composition des mets de plusieurs ethnies dans notre pays et la sous-région

Par Fatoumata M. SIDIBÉ

Bamako, 06 oct (AMAP) «Venez acheter de l’arachide», «Vous en voulez ?». Des vendeurs d’arachides hèlent, presqu’en chœur, la clientèle au marché de Ouolofobougou, en Commune III du District de Bamako, la capitale du Mali. Aux différentes entrées de cette place firte de négoce, ces hommes exposent des sacs de 100 kg d’arachides. En cette période, ce produit s’écoule très bien à Bamako.

Assis sur une chaise, Oumar Sangaré accepte de se confier. Il importe l’arachide de Garalo, une localité située à 55 Km de la ville de Bougouni, dans le Sud du Mali. Le commerçant achète le sac de 100 kg à 15.000 Fcfa. Ses fournisseurs le livrent à Bamako où il revend avec une marge bénéficiaire. Il explique clairement qu’il peut avoir en stockenviron 2 000 sacs. Il relève aussi que ce négoce est avantageux en période d’hivernage, mais comporte aussi des risques.

Les cacahouètes peuvent, par exemple, pourrir quand le véhicule de transport tombe en panne. Parfois, on peut aussi avoir des graines non mûres. Mais notre vendeur se préoccupe de la récolte globale de l’arachide cette année. «La saison paraît moins productive que les autres années. Les producteurs ont eu des difficultés pour acheter de l’engrais. Ainsi, certains n’ont pu emblaver les superficies habituelles», dit-il. Et d’ajouter que l’abondance du produit sur le marché profite moins aux vendeurs.

La quantité écoulée sur les marchés de Bamako dépasse de loin les besoins. Ce qui justifie les exportations vers un pays voisin, en l’occurrence le Sénégal pour faire des profits. Pour les vendeurs, c’est une alternative pour compenser les pertes dues à la mévente sur nos marchés. Depuis plus de 10 ans, Aguibou Diarra s’est installé dans ce domaine comme rabatteur. Il invite la clientèle à s’approvisionner chez un vendeur qui propose de l’arachide de qualité en provenance du Wassoulou, de Bougouni (Sud) et de Niono (Centre). Celui-ci est fourni par les grands commerçants. «Et nous le vendons au prix du marché», laisse entendre Aguibou Diarra. Il dit réaliser un bénéficie de 1.000 Fcfa sur chaque sac d’arachide vendu. Grâce à son entregent, le vendeur arrive à écouler une cinquantaine de sacs certains jours. Ce qui lui rapporte une somme substantielle souvent.

« Quand il y a surabondance d’arachides sur le marché, dit-il, les grossistes demandent aux livreurs de limiter l’approvisionnement pour leur permettre d’écouler les stocks ».

Daouda Traoré, étudiant à la Faculté des sciences économiques et de gestion (FSEG), qui cumule une expérience de 8 ans dans le commerce d’arachide qu’il pratique pendant les vacances.

Assis devant sa marchandise, il échange avec des clients. Il note qu’il y a peu d’arachides sur le marché mais pense que cette situation est liée à la conjoncture économique. Pas avare en commentaires, il apprécie bien la qualité de l’arachide cette année du fait de l’abondance de pluie.

« Des Sénégalais et Nigériens viennent acheter notre arachide pour le revendre chez eux », indique-t-il. «Les Sénégalais représentent le plus gros contingent de notre clientèle d’arachide. Ils peuvent acheter entre 50 à 60 sacs». Des femmes aussi s’approvisionnent chez nous. Celles-ci achètent par jour souvent 2 sacs :, poursuit M. Traoré. «Les cacahouètes qui entrent dans la production de la pâte d’arachide sont cédées à 70.000 Fcfa le sac de 100 kg», rappelle le jeune étudiant de 24 ans.

Certains importent l’arachide de la Côte d’Ivoire entre novembre et mai. La production nationale inonde le marché entre juin et octobre. « Cette période, renchérit-il, coïncide avec la récolte de l’arachide au Mali qui s’étend de juillet à octobre ».

Par jour, l’étudiant peut gagner 15 000 Fcfa de bénéfice. Il s’en réjouit puisqu’il est soutien de famille. Ce gain lui permet de faire face à certaines dépenses. « Cette année, regrette-t-il, le prix de l’arachide a augmenté à cause de la hausse du carburant ».

Alima Traoré, foulard noir sur la tête, sépare le bon grain de l’ivraie. La jeune fille de 18 ans quitte Kati (sur les hauteurs de Bamako) pour s’approvisionner en arachide, tous les quatre jours, chez Daouda Traoré, pendant la saison des pluies. Elle achète le grand seau d’arachide à 5.000 Fcfa. La vendeuse d’arachide grillée, depuis 5 ans, précise que le marché est timide cette année par rapport aux années précédentes. Elle cède l’arachide à partir de 50 Fcfa et y trouve son compte. Parce qu’il lui arrive de faire 1 500 à 2 000 Fcfa de bénéfice.

Au Marché de Niaréla, Fatoumata Dacko possède plusieurs fours traditionnels pour la grillade d’arachide. A côté d’elle, une dizaine de femmes sont à l’œuvre. Elle explique louer ces fours à ces femmes et travaille dans ce secteur depuis plus de 20 ans. «L’arachide coûte cher cette année. Nous nous approvisionnons à partir des marchés de Ouolofobougou et «Soukounikoura». Aujourd’hui, j’ai acheté le sac de 50Kg à 10 000 Fcfa. On parvient à écouler le produit en trois ou quatre jours», affirme Maman Tangara, parmi le groupe de femmes. Elle dit que ce travail leur permet de subvenir à leurs besoins. «Je peux gagner 3 000 Fcfa à 4 000 Fcfa de bénéfice par sac», indique-t-elle.

Niakalé Fadiga est une vendeuse de pâte d’arachide depuis trois ans à Bozola, en Commune II du district de Bamako. Elle achète deux sacs pour en tirer de la pâte d’arachide et revendre dans des seaux de 5Kg à 7 500 Fcfa l’unité, mais aussi de 10 Kg à 15 000 Fcfa l’unité.

Selon le chef de la statistique, suivi et évaluation à la Direction nationale de l’agriculture (DNA), Samba Barry, la production d’arachide pour la campagne agricole 2021 était de 367.822 tonnes sur une prévision de 512.785 tonnes, soit 71,73% de réalisation. «Cette production était en baisse de 20,8% par rapport à la campagne 2020 qui était de 464.538 tonnes. Ce qui s’explique en partie par des difficultés pluviométriques », dit M. Barry.

Les superficies semées en arachide, pour cette année, sont de 339.764 hectares pour les hommes et 188.299 hectares pour les femmes soit un total de 528.063 hectares. Et ce, sur un objectif de 508.749 hectares pour un taux de réalisation de 104%  contre celle de la campagne passée à la même période qui était de 500.277 hectares», précise-t-il. L’objectif de production est 432.436 tonnes, mais vu l’état d’évolution de la campagne cet objectif sera dépassé.

Pour lui, Kayes (Ouest) et Koulikoro (Près de Bamako) constituent les régions les plus productives d’arachide avec 14% du taux de production. «Au plan de l’exportation, l’arachide contribue à améliorer le Produit intérieur brut (PIB) à travers la vente de l’arachide coque et d’huile. Au plan alimentaire, l’arachide entre dans la composition des mets de plusieurs ethnies au Mali et dans la sous-région», a déclaré Samba Barry. Avant d’ajouter que l’arachide constitue l’un des moteurs de l’économie nationale.

«La promotion de cette filière contribuera à l’atteinte de la lutte contre la pauvreté et à l’amélioration de l’état nutritionnel de la population», a noté le chef de la statistique, suivi et évaluation de la DNA.

FMS (AMAP)