
Dr Abdoulaye Diallo, : « Très productif, les grains de cette variété sont utilisés pour la consommation humaine et ses tiges et feuilles pour le bétail »
Par N’Famoro KEITA
Bamako, 15 sept (AMAP) L’agriculture, nourrir tous les Maliens, doit relever un double défi : accroître la production et la productivité et l’intégrer à l’élevage. Les chercheurs du Mali, notamment ceux du programme sorgho au Centre régional de recherche agronomique (CRRA) de l’Institut d’économie rurale (IER) de Sotuba travaillent sur ces questions.
Fruit de leur recherche : Tiandougou-coura, une variété hybride, est un sorgho à double usage : ses grains sont utilisés pour la consommation humaine et les pailles (tiges, feuilles) qui sont jugées riches en fer, zinc, calcium et protéine, servent d’aliment pour le bétail.
Le but visé est de réussir l’intégration de l’agriculture et de l’élevage. Cela à travers la mise au point de variétés de sorgho combinant le haut potentiel de rendement grain, la qualité de grain et une bonne qualité de paille plus digestible pour les animaux.
Mardi 30 août dernier. Un soleil doux berce la cour de l’IER à Sotuba, en Commune I de la capitale, Bamako. D’une superficie de 264 hectares, cette quasi-forêt classée embaume les lieux de son odeur. Son climat doux et humide attire des oiseaux qui gazouillent sans discontinuer. Chercheur et chef au programme sorgho de l’IER, Dr Abdoulaye Diallo, et son équipe se dirigent vers les parcelles destinées aux différents types de sorgho à double usage.
Sous un ombrage dense, s’entrecoupent plusieurs pistes parsemées de flaques d’eaux. Elles mènent chacune à une parcelle de culture. Ces variétés de sorgho à double usage ont été améliorées par les chercheurs de l’IER. Leur état végétatif est impressionnant, à tout point de vue. Parmi elles, le Tiandougou-coura est le plus convoité par les cultivateurs.
Le chercheur basé au CRRA de Sotuba explique le centre détient actuellement 4 hectares de semences de base de Tiandougou-coura, une variété photosensible de taille réduite (2,5 m) par rapport aux variétés locales (4 à 5 m). « Ce qui, précise Dr Abdoulaye Diallo, lui confère une résistance à l’averse contrairement aux variétés de haute taille ». « Sa paille renferme plus de protéines brutes et moins de cellulose que les variétés locales. Donc plus digestible par les animaux que les variétés locales », ajoute-t-il.
DES TONNES DE PAILLES PAR HECTARE – Selon lui, son rendement est, tout aussi, intéressant. Tiandougou-coura produit 2,5 tonnes de graines et 15 tonnes de paille par hectare. « Elle n’est cultivée que dans les conditions pluviales entre les isohyètes (lignes de même pluviosité) 800 et 1000 mm », explique Dr Abdoulaye Diallo. Il précise la floraison de cette espèce a lieu entre fin septembre et début octobre quelle que soit la date de semis. «La variété résiste à la sècheresse post florale», assure le chercheur en agro-pastoralisme. « C’est pourquoi elle continue de gagner du terrain depuis son homologation en 2012 », sourit le chercheur.
« Les agriculteurs l’apprécient également grâc, notamment, à sa qualité culinaire, sa résistance à la sécheresse, au striga et à sa qualité fourragère», renchérit-il. Les paysans sont unanimes que la consommation de ses grains est bénéfique pour les femmes allaitantes et les personnes atteintes de diabète.
Tiandougou-coura est une variété caractérisée par son trait «stay green» c’est-à-dire la majorité de ses feuilles restent vertes jusqu’à la maturité physiologique lui conférant ainsi le caractère de double usage.
« Pour conserver son fourrage, conseille-t-il, les pailles (tige et feuilles) récoltées sont séchées soit à l’ombre ou étuvées puis stockées dans un endroit sec ». «Pour alléger la charge des producteurs contre la flambée des prix de l’engrais, on améliore un système de 45 kg d’engrais par hectare, ce qui fait 2 grammes par poquet», explique le chercheur. « Pour éviter les petits problèmes, ajoute-t-il, il est demandé aux paysans d’avoir un ou un voire trois pieds de plants par poquet ». Le sarclage est fait trois fois, tous les 15 jours. « Après la récolte, indique notre interlocuteur, ses grains doivent être séchés au soleil avant de les garder dans un endroit propre ».
RICHES EN NUTRIMENTS – « Plusieurs recettes, développées en collaboration avec le Laboratoire de technologie alimentaire de Sotuba sont faites à base Tiandougou-coura », s’émerveille Diallo. Il cite la brisure de sorgho aux légumes, du couscous de sorgho malté, Soral instant (sorgho-arachide-lait), le pain de sorgho aux légumes et la bouillie de sorgho aux arachides. Le chercheur sexagénaire estime que ces recettes qui sont riches en nutriments, peuvent constituer une source de revenus pour les femmes.
Autant d’atouts qui lui valent l’appréciation des producteurs. Djanko Coulibaly cultive Tiandougou-coura à Kéniéroba, Commune de Boudofo, Région de Kita. Joint au téléphone, il confirme avoir cultivé 1,5 hectare de sorgho à double usage. Pour l’entretien de son champ, il recourt au service d’ouvriers qu’il paie à 1 500 voire 2 000 Fcfa par jour. Le travail dure de 8 à 16 heures. «Il pousse robustement sur notre sol. Ma production est de 2 à 4 tonnes par hectare selon la façon d’aménager le lopin de terre», indique-t-il, attestant que son fourrage est très nutritif pour le bétail.
Et depuis deux ans, Djanko Coulibaly nourrit ses ovins avec du fourrage de Tiandougou-coura, avant de les vendre à la veille de la fête de Tabaski. « Grâce à l’utilisation de l’engrais organique, se réjouit-il, la parcelle donne un bon rendement ». «Je peux, souvent, décharger 400 charretées dans le champ», explique le sexagénaire. Il invite les cultivateurs à suivre les conseils utiles des spécialistes et à choisir la variété céréalière améliorée. Depuis une trentaine d’année, Djanko Coulibaly collabore avec l’IER qu’il a connu grâce à son père.
Conseiller d’agriculteur et vendeur de semences à Dioïla, près de Bamako, Yalali Traoré, nous confirme au téléphone que de nombreux producteurs achètent la semence de Tiandougou-coura dans sa localité. Il ajoute que « ces agriculteurs font de bonnes productions et arrivent à assurer leur approvisionnement en aliment bétail ».
Outre Tiandougou-coura, les chercheurs de l’IER ont amélioré d’autres variétés mais peu connues du grand public : Sassilon, le Double usage 17 (U-17) et le Soubatami, etc.
NK/MD (AMAP)