Dossier mouton de Tabaski : Le pourquoi de la hausse des prix

Les parcs de vente de la capitale sont bien approvisionnés en mouton. Mais les bêtes sont chères

Par N’Famoro KEITA

Bamako, 07 juin (AMAP) Le «Chaba Terrain» à Lafiabougou, Commune IV du District de Bamako, la capitale malienne, est transformé momentanément en aire de vente de moutons. Ce marché grouille de monde, de jour comme de nuit, en cette veille de fête de Tabaski. Les vendeurs rivalisent d’adresse pour attirer les acheteurs. Ce 1er juillet, l’ambiance était morose mais le temps clément à cause de la pluie abondante de la veille qui avait arrosé la ville.

À l’entrée du site, des vendeuses de fourrage bloquent le passage. Des feuilles d’arbres fraîches et d’arachide séchées sont étalées par terre. Les bêlements des bêtes sont assourdissants. Difficile d’accéder à l’aire de vente.

Notre équipe de reportage a dû se frayer un chemin pour accéder à cette cour. Les visiteurs qui arrivent soupèsent du regard les troupeaux de bœufs, de moutons et de chèvres disséminés.

Devant un troupeau de moutons, Abdoulaye Coulibaly discute avec un client du prix d’un bélier. Sans accord sur le prix,  le potentiel acheteur prend congé du commerçant et se dirige vers un autre vendeur.

À la question de savoir pourquoi le client s’est retiré, Abdoulaye Coulibaly explique que le marché de cette année est différent de celui des années précédentes, à cause du prix élevé de l’aliment bétail. 

Malgré cela, le quadragénaire se réjouit d’avoir vendu quelques têtes depuis son  arrivée du village de Tatla, dans la Région de Ségou (Centre). Il ne précise pas le nombre exact de moutons vendus. Abdoulaye Coulibaly indique que le prix de ses animaux varie entre 60 000 et 150 000 Fcfa.

À quelques mètres sous un petit hangar, Amadi N’Diaye est allongé et observe ses bêtes. Le regard sérieux, le natif de Banamba admet la morosité du marché. 

Contrairement au précédent interlocuteur, N’Diaye trouve que le marché est trop lent. En réponse aux clients qui leur font porter le chapeau de la cherté des bêtes, il justifie ce désagrément par plusieurs raisons. Notre interlocuteur explique que le sac de tourteau qui était vendu à 5 000 Fcfa, est aujourd’hui cédé à 17 500 Fcfa. 

Le son de maïs est vendu à 15 000 Fcfa le sac. L’année dernière, il était cédé à 2 500 Fcfa.  N’Diaye dénonce les effets néfastes de l’homme sur la forêt rendant difficile l’alimentation des animaux. «Nous n’avons plus de pâturage à cause des feux de brousse. Nous sommes obligés d’acheter cette nourriture pour assurer la survie de nos ovins. Nous pouvons dépenser 500 000 Fcfa dans leur alimentation, sans compter le transport de notre village à Bamako», déplore-t-il.

ATTAQUES RÉPÉTÉES – Selon Abdoulaye N’Diaye, le transport d’un mouton qui coûtait 500 Fcfa s’élève aujourd’hui à 3 000 Fcfa. À ces difficultés, il ajoute les tracasseries de certains agents des postes de contrôle qui exigent le paiement de 5 000 Fcfa au passage. 

Ces facteurs sont à l’origine de la hausse des prix. Cet habitué du marché du mouton de Tabaski compte 15 ans d’expérience dans cette activité. Abdoulaye vend cette année ses béliers entre 75 000 Fcfa et 300 000 Fcfa. 

Nous arrivons vers 11 heures, au «garbal» de Lafiabougou kôda, toujours en Commune IV du District de Bamako. Il est très animé. Les clients se promènent troupeau à troupeau, à la recherche du mouton de leur choix.  Le vendeur Salif Belem est un natif du Cercle de Koro, dans la Région de Bandiagara (Centre). Il réside à Bamako depuis quelques années.

Des propriétaires, de son village, lui envoient des animaux. L’homme au visage serein, qui s’apprêtait déjà pour la prière du vendredi, raconte son calvaire : «Nous sommes confrontés aux difficultés de transfert des animaux vers le Sud du pays. Les attaques sont régulièrement perpétrées par les terroristes contre les véhicules transportant les forains».

 Le vendeur Salif Belem, triste, raconte que les bandits confisquent les animaux et les biens. Et, souvent, il y a même mort d’hommes. À cause de la hausse  du prix du carburant, les bêtes sont transportées à 4 000 Fcfa par tête.

Par ailleurs, Salif Belem est nostalgique du marché fructueux des années passées. 

Il se souvient qu’autrefois, un client pouvait acheter 15 à 20 têtes en une seule fois. «Mais, cette année, nous avons du mal à avoir trois achats par jour», révèle le marchand de moutons, reconnaissant que les prix du bétail ont augmenté. 

«Tous les béliers qu’on pouvait acheter à 75 000 et 100 000 Fcfa sont aujourd’hui cédés à 125 000 voire 150 000 Fcfa», confie Salif. Il invite les clients à comprendre les motifs qui  ont conduit à cette situation. 

Bourama Keïta habite Sébénicoro, Commune IV du District de Bamako. Il a déjà acheté deux béliers à Djicoroni-Para,  respectivement, à 80 000 et 110 000 Fcfa. Il est heureux en déclarant : «J’ai eu mon choix et je n’ai pas de regret». Il est content d’avoir accompli son devoir de père de famille.

NK/MD (AMAP)