Les marchands sont déterminés à assurer l’approvisionnement de la capitale en moutons

Par Abdourahmane TOURE

Gao, 22 juin (AMAP) La fête du mouton approche à grands pas. Il est prescrit à tout   musulman ayant les moyens d’en acquérir pour accomplir le rite sacrificiel.

Au Mali, plus précisément à Gao (Nord), acheter un mouton de fête pour les bourses moyennes relève d’une équation presque impossible. En effet, à l’embargo et l’insécurité qui sévissent sur l’ensemble du territoire national, s’ajoutent les prix exorbitants du mouton de sacrifice à l’occasion de cette fête religieuse. 

Notre équipe de reportage s’est rendu sur le marché à bétail de la Commune urbaine de Gao. La tête enveloppée d’un turban de couleur blanche, le revendeur de moutons Assadeck  assure qu’il exerce ce métier depuis une quinzaine d’années. «Souvent, j’achète les moutons dans la Commune rurale de Djebok pour les revendre dans la Cité des Askia (Ndlr, Gao) », dit-il.

« Cette année, j’ai acheté la plupart de mes moutons à 60.000 Fcfa au marché de Djebok, un village distant de 40 km du Cercle de  Gao. Je débourse 500 Fcfa comme frais de transport pour chaque tête. Le bourgou (Ndlr, fourrage herbacé très prisé par les animaux) ou l’aliment-bétail coûte très chers cette année. Et pour réaliser un bénéfice, je compte revendre chaque bête à 70.000 Fcfa », dit le négociant. Selon lui, à cause de l’insécurité et du manque d’herbe, les prix des animaux ont flambé.

« Du fait du blocage de la Route nationale 16 (RN-16), reliant Gao-Sevaré-Bamako, les rues de la Cité des Askia sont bondées d’animaux venus d’Ansongo et de Maradi (Niger) », révèle le chef de la voirie de la municipalité de Gao, Amadou Maïga. En temps normal, ces vendeurs transitent par Gao pour rejoindre la capitale. « Avec 75.000 Fcfa, on peut acheter un bon bélier et un moyen à 30.000 Fcfa sur le marché de Gao », ajoute M. Maïga. 

Plus pessimiste que notre premier interlocuteur, Mohamed Haïdara pense que le prix d’un bon géniteur sur le marché de la ville varie de  80.000 à 100.000 Fcfa. Mohomodou Idrissa est un commerçant. Il estime, de son côté, que malgré l’insécurité sur l’axe Gao-Sevaré-Bamako, le prix du mouton sur le marché de bétail de Wabaria, situé à 15 km de la ville, n’a pas baissé. « Mardi passé, raconte-t-il, jour de la foire du bétail de Wabaria, j’ai été, là-bas pour me procurer des moutons de Tabaski. Après plusieurs tours, je suis tombé sur un éleveur qui fait de l’embouche, avec qui j’ai réussi à négocier trois gros béliers à raison de 92.500 Fcfa chacun », nous dit-il.

«Avant la crise, on pouvait s’acheter un bon bélier à 40.000 Fcfa. Actuellement, les prix sont exorbitants. Cela s’explique par le fait que cette année, le prix du sac de 40 kg d’aliment bétail, qui se vendait à 7.500 Fcfa, a atteint 10.000 Fcfa voire 12.500 Fcfa. Et le prix du tas de bourgou est passé de 1.250 à 1.500 Fcfa. Tous ces facteurs concourent à la hausse du prix de la bête», explique le commerçant Mohomodou Idrissa. 

Selon lui, la cherté fait partie des habitudes de la ville de Gao. Il corrobore sa thèse par ce qu’il a vécu l’année dernière. Il assure avoir été témoin d’une spéculation inexpliquée sur le prix du mouton. Un marchand a acheté un bélier à 150.000 Fcfa à Gao pour le revendre 100.000 Fcfa plus cher soit à 250.000 Fcfa à un étranger sur le marché à bétail de Wabari. 

Le porte-parole des vendeurs de moutons, Abdoulaye Touré, confirme que quatre camions chargés de 160  à 180 têtes de bétail ont quitté Gao pour rallier Bamako. Selon lui, ces camions sont déjà arrivés à Douentza où ils seraient bloqués

Par ailleurs, trois autres sont en route, ils ne sont pas loin de la localité de Gossi, selon ses dernières informations.

« Pour les frais de transport de Gao à Bamako, nous avons payé 1.800.000 Fcfa par camion sans compter le prix des nattes et des pailles pour les animaux », révèle le porte-parole.

Certains vendeurs de la zone de Bamba ont emprunté les pinasses pour rallier Bamako par Mopti. Malgré les difficultés rencontrées sur les marchés primaires pour acheter les animaux et celles liées au trajet Gao-Bamako, les marchands sont déterminés à assurer l’approvisionnement de la capitale en moutons. La détermination des prix, au final, dépendra fortement de tous les aléas parcourus (tracasseries routières, insécurité).

Les chefs de ménage appréhendent déjà avec angoisse les préparatifs de cette fête. Beaucoup d’entre eux se résoudront à vider leur portefeuille pour satisfaire les exigences des enfants, tout en évitant l’opprobre de n’avoir pas son mouton de fête.

AT/MD (AMAP)