Alimentation : La tradition de la  boisson « manchi » se perd sur les rives du fleuve Niger

La boisson « manchi » est un produit issu du « bourgou », la matière première, récoltée en période de basses eaux

Par Mohamed GAKOU

Gourma Rharous, 08 (AMAP) Le manchi » est la principale boisson traditionnelle, commune à tous les constituants du peuple Songhoy, traditionnellement, tous implantés sur les rives du fleuve Niger, d’où le nom de « Issa Bôrô », qui signifie, « gens du fleuve », autrement, les riverains. Toutes ces sous-composantes Songhoy, boivent ce sirop, issu d’un fourrage aquatique, appelé « Bourgou », depuis des dizaines de siècle.

Cette plante pousse, dans le lit du fleuve, parfois, sur ses berges, pendant la crue du fleuve. Elle sert de fourrage aux animaux, pendant les périodes de soudure, et est en même temps, transformé en boisson pour la consommation humaine, selon un procédé de sélection, immuable depuis des siècles. « Manchi » est un dérivé alimentaires du « bourgou », scientifiquement appelé « Echinocloa stagnation ». Cette boisson multi-séculaire, est désaltérante, tonifiante et est, un délice pour le palais, à cause de son goût caramélisé. Le processus de production de cette boisson est laborieuse et passe par, de nombreux procédés.

La boisson « manchi » est un produit dont la chaîne de production est basée sur une parfaite connaissance du « bourgou », la matière première. Celle-ci, est récoltée en période de basses eaux et, dès cet instant, les producteurs, véritables initiés, sélectionnent les tiges qui serviront à confectionner la précieuse boisson. Celles-ci, sont d’apparence épaisses. Elles ont une couleur verte, qui tirent vers le brun foncé, quand elles sont sélectionnées, elles  prennent désormais le nom de « koundou », et mises à sécher au soleil. Les gerbes constituées par les tiges sont disposées de façon savante au soleil pour le séchage, qui est rigoureusement suivi, pour éviter l’excès de déshydratation de celles-ci. 

Il faut noter que, la chaîne de fabrication de cette boisson, implique les hommes aussi bien que les femmes à toutes les étapes, sauf pour la coupe du « bourgou » qui est exclusivement réservée aux hommes. Quand, les gerbes sont séchées à point, elles sont mises à fumer, pendant une période déterminée, dans de grands fours en terre séchée. Ce procédé permet au « koundou » de se bonifier à souhait. Le fumage se fait généralement avec, les crottes de chameaux séchées. Elles ont la particularité de donner au « koundou », un fumet particulier, qui rappelle, celui du caramel.

Le concassé de « koundou » est mis dans un récipient plat et délicatement aspergé d’eau. Gorgé d’eau, il suinte à un rythme espacé et régulier, dans la jarre

Le fumage terminé, il revient, alors,  aux femmes de concasser finement les tiges . Elles sont méticuleusement entassées, dans de grands mortiers où les gerbes sont écrasées grâce à de lourds pilons. Le produit obtenu de ce concassage ressemble, à un mélange homogène de fines brindilles et de poudre, à la couleur blanchâtre. Au goût, il est  sucré. Cette substance devient, alors, l’ingrédient basique du « manchi ». La préparation, proprement dite de celle-ci, peut commencer. Cette opération de distillation, revient aux femmes. 

Le concassé de « koundou » est mis dans un récipient plat et délicatement aspergé d’eau. Quand il est bien imbibé, il est soigneusement entassé, au point de prendre l’aspect d’une pâte épaisse, dans un panier cylindrique, percé au flanc et au fond, de plusieurs trous. Quand le panier est bien garni, il est délicatement déposé, sur l’ouverture d’une jarre en argile. Le contenu est arrosé d’eau, de façon intermittente. Le « koundou », ainsi gorgé d’eau, suinte à un rythme espacé et régulier, dans la jarre. 

Le liquide ainsi libéré, est le « manchi ». Il est de couleur marron foncé, presque moiré. Son goût est sucré et rappelle celui du caramel. À le humer, de près, il sent la brise fluviale. Le fond du liquide, dans la jarre, est concentré et s’appelle « katou ». Il peut être considéré comme la confiture de « koundou ». Étalé sur les galettes ou le pain, il est délicieux. On l’utilise, également, pour garnir les fonds des outres en peau, dans le but de mieux conserver, le beurre de vache et lui donner un goût, particulièrement, bon. Le sirop de « koundou » appelé « manchi », est une boisson désaltérante, qui tonifie l’organisme, surtout après une journée de travail harassante ou pour rompre le jeûne. Il fait intégralement partie du patrimoine culinaire des Songhoy. 

Aujourd’hui, cette boisson est en voie de disparition. Elle est méconnue et oubliée. Nombreux sont les héritiers de  la culture Songhoy qui ne connaissent, aujourd’hui, cette boisson, que par ouï-dire. Sa quasi-disparition est causée, également, par le désintérêt des producteurs qui préfèrent s’adonner à d’autres activités plus lucratives. La vulgarisation des boissons manufacturées a, aussi, fortement, contribué à la disparition du « manchi ». Celui-ci, fait aujourd’hui, presque figure de « boisson de musée ». Il faut sauver ce breuvage historique, en reprenant sa production et en le mettant au jour.

MG/MD (AMAP)