
Des armes que la brigade de gendarmerie de Kadiolo a saisies sur quatre braqueurs de Misséni, dans le Sud du Mali (Archives)
Bamako, 22 mar (AMAP) Le commerce illicite aux différentes frontières a entraîné une prolifération d’armes au Mali. Outre les Régions du Centre où de nombreux compatriotes se procurent, illégalement, des armes pour se défendre, la course à cet outil de défense prend des proportions plus en plus inquiétante à Bamako.
Si de paisibles citoyens entrent en possession d’armes pour se protéger et protéger leurs familles ainsi que leurs biens, les bandits et autres criminels s’en servent pour commettre leurs forfaits.
Depuis un certain temps, des voleurs de motos Djakarta appelées «popoman» opèrent aussi avec des armes à feu qu’ils n’hésitent pas à utiliser contre leurs victimes qui tentent de résister. M. T habite dans un quartier de la rive gauche de Bamako. Le jeune homme d’une trentaine d’années, sans être porteur d’uniforme, détient un pistolet automatique (PA) de type «bloc 36».
Notre interlocuteur s’est procuré cette arme très facilement. «On peut avoir une arme à tous les prix, là où on veut et quand on veut», confie-t-il. Le jeune homme nous montre, fièrement, dans son téléphone, une photo où il tient son PA.
Il explique l’avoir eu à travers un lien familial, sans en préciser le prix. «Mon objectif, en portant cette arme, est d’assurer ma propre protection et celle de ma famille», se justifie-t-il, ajoutant que sa maison a été plusieurs fois cambriolée. «Quelqu’un qui est capable de rentrer chez toi et prendre ta moto peut être armé. Et dans ce cas, il faut pouvoir se défendre», pense le jeune homme.
M. T. avoue qu’il n’a pas l’autorisation pour porter une arme. « Je ne peux pas chercher un permis de port d’arme parce que la manière dont j’ai eu mon arme, ne me permet pas d’avoir un papier», avoue le trentenaire, qui n’ignore pas les conséquences de son acte.
M. T. invite les autorités à faciliter l’accès aux armes pour ceux qui sont dans le besoin.
ATTAQUES DE BANDITS – A.C possédait une arme de petit calibre de 12 coups. Vendeur de véhicules de son état, il affirme l’avoir acquise pour se protéger contre d’éventuelles attaques de bandits.
«Je voyageais beaucoup à l’époque. Je partais prendre les voitures dans les pays voisins. Et au cours des trajets, il y avait le risque de tomber sur des malfrats», raconte notre interlocuteur. A. C a dû se débarrasser de son arme à cause de sa famille qui, selon lui, était exposée du fait de la présence de cet outil à la maison.
Le phénomène n’épargne pas non plus l’espace universitaire où des étudiants armés sèment la terreur. La détention d’arme illégale est devenue un fait banal dans nos universités. Beaucoup d’étudiants détiennent frauduleusement des armes à feu surtout ceux qui se réclament de l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM). Certains s’en servent lors des élections de membres du bureau de l’AEEM.

Saisie d’armes et de munitions par le Commissariat du 6ème arrondissement de Bamako (Archives)
En 2017, il y a eu un affrontement sanglant entre deux clans rivaux à la Faculté des sciences et techniques de Bamako (FAST) qui s’était soldé par la mort d’un étudiant par balle. Deux autres ont été blessés, selon des sources officielles. Par la suite, il y a eu l’interpellation de 16 personnes et la saisie de quatre pistolets automatiques de fabrication artisanale par la police.
PERMIS DE PORT D’ARME – Sur la question, le directeur de la sécurité publique, le contrôleur général de police, El Hadj Youssouf Maïga, explique que la sécurité des personnes et de leurs biens incombe à l’État. « Cependant, la situation actuelle que vit le Mali, fait qu’il y a des endroits où les forces de défense et de sécurité sont absentes », dit-il. « Ce qui, poursuit-il, a amené beaucoup de personnes à entrer illégalement en possession d’armes à feu pour se protéger ».
Il explique qu’au Mali, la détention d’arme est règlementée par une nouvelle loi. Il s’agit de la loi n° 2021-028 dont le décret d’application autorise les civils à détenir une certaine catégorie d’armes, sous réserve d’avoir le permis de port d’arme. Ces armes sont, notamment les pistolets, les revolvers et les fusils de chasse.
Notre interlocuteur a ajouté que cette autorisation est donnée par le ministère en charge de la Sécurité. «Toutefois, la détention d’armes dites de guerre est formellement interdite aux civils», précise l’officier supérieur de police.
« Pour avoir l’autorisation, précise-t-il, il faut avoir au moins 18 ans. Mais aussi, des raisons valables pour ce faire ». À ce propos, le directeur de la sécurité publique indique que lorsqu’on mène certaines activités, on peut être souvent exposé à un certain nombre de dangers, pouvant amener à se procurer une arme. « Comme par exemple, les personnes qui font de grands retraits bancaires ou qui exercent des activités qui les laissent, souvent, en possession de beaucoup de liquidités », explique El Hadj Youssouf Maïga. Avant d’ajouter que lorsqu’on détient une arme sans en avoir la qualité et l’autorisation, on doit être traduit devant les juridictions compétentes. « Quand les services de sécurité se rendent compte que quelqu’un détient une arme, ils l’interpellent et le présentent au juge », assure notre interlocuteur.
Selon M. Maïga, les armes qui circulent proviennent du commerce illicite aux différentes frontières. Mais, également, elles sont infiltrées par les groupes terroristes et les groupes d’autodéfense en plus de celles subtilisées dans les stocks nationaux d’armes par des agents véreux.
«Lors de plusieurs évènements au Mali, il y a eu beaucoup de magasins d’armes qui ont été pillés», reconnaît-il. Il ajoute les armes fabriquées et vendues illégalement par les fabricants artisanaux qui ne respectent pas souvent les règles de vente en la matière.
«Nous sommes en train de chercher à inverser la tendance avec le maillage territorial en occupant pratiquement l’ensemble du territoire national», assure le directeur de la sécurité publique.
BD/MD (AMAP)