Transports en commun à Bamako : les taxis tricycles dans la danse

Reportage de Oumar DIAKITE

Bamako, 02 décembre (AMAP) Des motos tricycles, adaptées artisanalement avec un hangar fait de bâches au dessus de la tête des passagers et deux bancs fixés au plancher qui se font face, font le taxi, dans certains quartiers de la ville de Bamako, sur des axes précis. Elles peuvent prendre six à dix passagers, selon les capacités et les types de ces engins à trois roues.

L’explosion démographique à Bamako, avec composition de différentes couches sociales se reflète sur les moyens de transports urbains de la ville. Au-delà des traditionnelles SOTRAMA et taxis ordinaires, des taxis tricycles ont fait leur apparition, ces dernières années, sur certains axes de la circulation routière sur la rive droite.

Ces motos tricycles, de marque chinoise, initialement, transportaient des bagages, Au fil du temps, elles ont été transformées en véhicule de transport de personnes. Après l’achat d’engin neuf, des professionnels du secteur confectionnent un hangar couvert de bâche, tout en aménageant, soigneusement, deux bancs à l’intérieur pour les passagers. Une place supplémentaire se trouve auprès du conducteur de la moto. En effet, les tricycles, avec un moteur de capacité 175 (1 mètre 75 centimètres de longueur), peuvent contenir 10 passagers. Les 150 de capacité prennent 8 personnes et le maximum des motos de capacité 125 ne dépasse pas 6 personnes.

ALLER-RETOUR EN TAXI TRICYCLE – A l’ancien marché de Niamakoro, nous avons emprunté un taxi tricycle, à son point de stationnement, en face des Halles de Bamako à Faladiè. Sur le siège à côté du conducteur. Le président de l’Association des professionnels du tricycle du Mali, Jean Touré, nous conduit. Avec dix passagers, le taxi tricycle a déjà atteint sa capacité en voyageurs. Parmi ces passagers, il n’y a que deux hommes. Le reste, huit femmes qui, visiblement, viennent des courses à l’ancien marché de Niamakoro. Elles tiennent, chacune, en main un panier de ménagère.

Comme dans les SOTRAMA, ceux qui ont l’habitude de se déplacer avec ce moyen de transport en commun, le savent : les passagers débattent de sujets d’actualité. « Stop, je descends », signale une dame, après seulement cinq cent mètres de course. La passagère, en quittant l’engin, tend 100 Fcfa au conducteur. Ainsi de suite, jusqu’au terminus de notre taxi tricycle, en face des Halles de Bamako, à Faladiè, les usagers  demandent l’arrêt, lorsqu’ils arrivent à leur destination. On se rend, compte du coup, qu’il n’y a pas d’arrêt fixe pour ces motos taxi. Nous arrivons au Terminus des tricycles aux Halles de Bamako avec seulement deux dames à bord.

« Maintenant, il y a moins de conducteur imprudent parmi vous », dit une jeune dame au conducteur, au moment de lui donner le prix son du transport. C’est une étudiante. Elle part, chaque jour, à son établissement scolaire en taxi tricycle. « Une fois, nous avons failli être écrasé par un gros porteur. Un jeune conducteur, visiblement, sous l’effet de la drogue, sans regarder des deux côtés de la route, s’est jeté devant le véhicule poids lourd. On a eu la chance ce jour-là…», révèle l’étudiante.

BREBIS GALEUSES – « Justement ! Raison pour laquelle nous avons créé l’Association des professionnels du tricycle du Mali», nous explique le président de l’association, Jean Touré. Selon lui, le secteur était truffé de petits délinquants. « Des jeunes, dit-il, quittaient directement l’auto gare pour se convertir en conducteur de taxi tricycle. Alors que nombre d’entre eux consomment de la drogue, fument du chanvre indien, entre autres ». Il a fallu le conseil d’un officier de la police nationale pour mettre de l’ordre dans le secteur. « En 2017, Sidy Mohamed Diallo, officier de la police en service au commissariat du 10ème arrondissement nous a préconisé de mettre en place une organisation pour assainir le milieu. C’est ainsi que nous avons cherché tous les documents administratifs et crée l’Associations des professionnels du tricycle du Mali. Sinon, personnellement je faisais ce métier depuis 2011 », raconte Jean Touré.

C’est avec cette organisation que les conducteurs de taxi tricycles des Halles de Bamako, comptent enlever la mauvaise graine en leur sein.

« Le message est clair à l’intention de tous les conducteurs de taxi tricycle: interdiction de fumer et de prendre la drogue. « Celui qui persiste, on lui met la pression pour le faire quitter définitivement notre secteur. Cette attitude a mis un peu d’ordre, diminuant du coup les accidents avec les véhicules. Mais, c’est grâce aux conseils de l’officier Sidy Mohamed Diallo du commissariat de police du 10ème arrondissement », confie Jean Touré.  Comme en témoigne l’ordre qui règne, au regard du respect du tour de départ des taxis tricycles, au niveau des Halles de Bamako.

Les taxis tricycles de l’Association des professionnels du tricycle du Mali circulent sur les axes Halles de Bamako-ancien marché de Niamakoro et Halles de Bamako-Kalaban-Coura. Le tarif est fixé à 100 Fcfa  pour toute distance, jusqu’aux points de stationnements finaux. Le taxi tricycle ne transporte, directement, personne chez elle, mais il débarque et embargque, tout au long, sur son trajet. « Le tarif est 100 F cfa. On ne transporte pas de bagages mais seulement des petrsonnes», souligne le premier responsable de l’Association des conducteurs.

A l’en croire, la multiplication des taxis tricycles dans la circulation, avec la crise qui prévaut, joue sur leur gain journalier. « Présentement, on ne peut pas gagner plus de  3.000 Fcfa par jour. S’il faut prélever les charges, parfois on tombe aussi en panne, on n’a pas de recette », déplore Touré. Et de signaler que certains conducteurs sont payés, à la fin du mois, puisqu’ils ne sont pas propriétaires de leur moto tricycle.

Ces motos tricycles sont chères. Par exemple, aux dires de Jean Touré, le tricycle avec  moteur de capacité 150 et de longueur un mètre cinquante (1m50) est vendu, sortie d’usine, à un million cent quatre-vingt milles (1.180.000) Fcfa.  Le hangar est fabriqué à soixante-dix milles (70.000) Fcfa et la bâche de couverture à trente-cinq milles (35.000)  Fcfa par engin.  Ce qui fait une somme totale d’un million deux cent quatre-vingt-cinq milles (1.285.000) Fcfa.

SOLUTION CONTRE LE CHOMAGE ! Pour retourner à l’ancien marché de Niamakoro, nous avons eu la chance d’être un des passagers du premier conducteur de taxi tricycle sur ce trajet. Il s’appelle Mamadou Sissoko, alias ‘Rougeot’. On s’assied près de lui. Son engin est neuf. Son taxi n’est pas [nein, Qu’importe ! ‘Rougeot’ décide de prendre le départ. Il ne se montre pas moins bavard. « Je suis le premier à commencer ce travail dans la ville. Je le fais depuis 2010. Je suis marié à deux femmes et père huit enfants. J’arrive à subvenir aux besoins de ma famille avec le peu que je gagne », confie Mamadou Sissoko. Cette ancienneté lui a d’ailleurs valu la 1ère vice-présidence de l’Association des professionnels du tricycle du Mali.

Il est propriétaire de son taxi. « J’ai acheté cette moto tricycle, il y a deux mois. J’ai vendu mon ancien tricycle et complété ce que j’ai gagne dans cette opération pour acheter une moto taxi » relate-t-il. « Depuis que j’ai commencé, je n’ai eu qu’un seul incident. C’était avec un véhicule particulier mais il a reconnu qu’il a tort », raconte « le plus vieux conducteur de taxi tricycle de Bamako ». Il nous apprend que plusieurs jeunes évoluent, aujourd’hui, dans la profession. « On peut compter, actuellement, plus de 150 taxis tricycles sur les tronçons Halles de Bamako-ancien marché de Niamako et Halles de Bamako-Kalaban-Coura. C’est grâce à cette profession que ces jeunes ne sont plus désœuvrés », dit, fièrement ‘Rougeot’.

TAXES VARIABLES – Selon le président de l’Association des professionnels du tricycle du Mali, Jean Touré, leur préoccupation est le prix de la vignette. « Nos difficultés demeurent le coût des vignettes », évoque-t-il. D’après lui, le prix de la vignette était fixé, dans le temps, à 12.000 Fcfa, à la mairie du District de Bamako. « Mais, déplore-t-il, en 2016, on nous a reversés aux impôts ». A partir de cet instant, les prix des vignettes sont devenus variables, conformément, aux différentes capacités des engins. La vignette des tricycles dont les moteurs ont une capacité  200 est fixée à 60.000 F CFA par an ainsi que les moteurs 175. Par contre, ceux qui ont les motos avec capacité 150 paient la vignette annuelle à 46.000 Fcfa. Et les détenteurs d’engins a capacités 125 déboursent 33.000 Fcfa pour la vignette annuelle.

« Nous souhaitons que le gouvernement soutienne les efforts des conducteurs de tricycles à mieux s’organiser. Nous supplie l’administration de réviser le montant de la vignette si possible et de revenir à un prix fixe allant de 10.000 et 20.000 Fcfa », selon les capacités des engins, plaide Jean Touré.

QUITTER L’AMATEURISME ! Les conducteurs de taxi tricycle souhaitent, de la part des autorités compétentes, un accompagnement pour professionnaliser le personnel. Sur ce point, ils préconisent l’instauration du permis de conduire pour davantage minimiser les accidents et leurs dommages. « Si l’Administration peut nous comprendre à ce niveau. Très généralement, les conducteurs de tricycles sont des gens qui ont quitté le village, des non scolarisés et, parfois, des émigrés de retour au pays. Ce sont des gens qui ne connaissent pas la circulation », confessee le premier responsable de l’Association. Et de proposer : « nous souhaitons l’introduction du permis de conduire pour les tricycles taxi. Car, ce document impose l’inscription à une auto-école pour se perfectionner et connaitre les règles de la circulation routière.  Cela évite de rouler, à tue-tête. Si nous avons notre permis de conduire, je suis sûr qu’on ne va pas nous interdire certaines voies dans la ville de Bamako. Parce que nous n’allons pas créer de désordre ».

Ces chauffeurs taxi tricycle remercient la Jeune chambre internationale (JCI) Bamako Elite. « Cette organisation nous accompagne dans l’adoption de bons comportements  dans la circulation et à faire face à certains dangers. Dans leur plan d’actions de lutte contre la pauvreté et le chômage au Mali, la JCI Bamako Elite a fait bénéficier aux conducteurs de tricycle des formations sur la protection civile. « Plusieurs professionnels de notre domaine savent assurer les premiers secours, en cas d’accident avant l’arrivée des agents de la protection civile sur les lieux. Ils nous ont, aussi,  appris à utiliser l’extincteur en cas d’incendie ou si le tricycle prend feu.

« En plus, toujours grâce à l’appui de la JCI Bamako Elite, nous avons été formés à l’Office national des transports (ONT), aux significations des différents panneaux de la circulation routière et leur respect. Il n’y a pas un conducteur professionnel aujourd’hui qui ne peut pas vous expliquer le panneau d’interdiction, le panneau d’obligation et le panneau de danger. Elle prévoit d’autres accompagnements comme la micro finance, l’assurance, entre autres », annonce le président de l’Association des professionnels de tricycle du Mali.

OD/MD (AMAP)