Par Mohamed D. DIAWARA

Bamako, 30 sept (AMAP) Jeudi dernier, aux environs de midi sur la Route nationale (RN8), les passagers attendent un car à Madina Kouroulamini, un village, à une vingtaine de kilomètres de Bougouni (Sud), pour rejoindre Bamako.

«Pon, ponnn !», klaxonnait bruyamment un car avant de se garer au bord de la route. Aussitôt garé, les clients se sont rués vers les deux portières du véhicule. L’apprenti, vêtu d’un blouson noir ne cessait de héler les clients arrêtés au bord de la route. «Allez-vous à Bamako ?», s’égosillait-il. Les passagers ont embarqué. Mais à l’intérieur du véhicule, point d’espace pour se frayer un chemin encore moins de siège vacant à occuper. Il faut rester debout en attendant de trouver une place.

Soudain, une personne en charge de la collecte des frais de transport tend au passager, nouvellement embarqué. un tabouret en plastique bleu. «Il y a des passagers qui descendent à Bougouni. Vous pourrez occuper un siège dès qu’ils descendront», s’empresse-t-il de dire, pour rassurer les clients qui s’inquiètent de leur inconfort.

A l’arrivée du véhicule, á Bougouni, la Cité du Banimonotié, les choses se sont passées comme prévues. Les passagers assis dans l’allée centrale se sont précipités pour occuper les sièges laissés vacants par ceux qui sont descendus. Quelques minutes plus tard, le car est encore plein comme un œuf et l’allée centrale prise d’assaut. A l’entrée de Ouéléssébougou où le car s’est arrêté à un poste de contrôle, les vendeuses de nourriture, la plupart des jeunes filles, se bousculaient pour atteindre les passagers dans le véhicule. Qui pour proposer des œufs, qui du maïs grillé ou encore de l’eau.

Dans ce tintamarre de souk, la chaleur devient étouffante. Des passagers laissent éclater leur mécontentement. «Sortez s’il vous plaît», ordonne un passager aux vendeuses. Certaines très entêtées ont quand même pu écouler quelques marchandises avant qu’un responsable du véhicule, tenant une courroie de moto en main, enjambe les passagers de l’allée centrale pour les chasser comme des bêtes nuisibles.

Tout au long de la route, le véhicule embarque les passagers pour occuper les espaces restées libres dans l’allée centrale. Dans cette situation d’inconfort, se voir offrir un tabouret devient un luxe. Puisque sans ce siège, le client doit rester debout, en attendant de trouver une place libérée. Les bisbilles autour de cet objet entre les passagers ne manquent pas. Un homme, turban autour du cou, explose. « Vraiment, il est très pénible d’emprunter ces cars », dit-il avant de se saisir d’un tabouret pour s’asseoir. Une dame portant un masque, dans un accent ivoirien, furieuse, s’indigne « les propriétaires des cars prennent le tarif normal à ceux qui sont sur les tabourets ».

Un petit sac posé sur les cuisses, Moussa Ouattara, un agent minier, a embarqué depuis Yanfolila, vers 10 heures. «Il est 15 heures et on n’est pas encore arrivé à Bamako», reproche-t-il. Selon lui, une telle lenteur est regrettable. Tous les compartiments du car sont surchargés. De l’intérieur de la cabine à l’allée centrale occupée par les passagers et leurs bagages à main. Les soutes à bagages sont pleines à craquer et le toit du véhicule est, aussi, surchargé. Le véhicule, dont la carrosserie ridée et les suspensions en souffrance, ploie littéralement sous le poids de la surcharge. En plus du mauvais état des véhicules, les surcharges rendent ce voyage très pénible et périlleux.

Moussa Ouattara estime que le mauvais état de la voiture ne devrait pas encourager une telle pratique. « Là où le bât blesse, s’indigne notre minier, c’est le silence des agents de contrôle » qui, selon lui, « se préoccupent peu de la sécurité des passagers ».

Ouattara dit emprunter ces cars parce qu’il n’a pas d’autres choix. Selon lui, la plupart des cars de l’axe Bamako-Yanfolila n’obéissent pas aux règles de sécurité. Les responsables des compagnies de transport doivent veiller à l’observation stricte des règles de sécurité pour les passagers.

A notre arrivée à Bamako, le chauffeur gare son véhicule à côté d’un autre sur un site qui n’a rien d’une place d’une compagnie de transport. Ici, aucune présence de guichets, ni local pour accueillir les clients. Quelques minutes après le déchargement, le chauffeur et un autre homme échangeaient sur les recettes engrangées sur les passagers qui occupaient l’allée centrale du car.

Pourquoi vous autorisez que les passagers occupent l’allée centrale ? « C’est la seule manière, justifie-t-il, pour avoir des bénéfices ». Selon lui, les recettes tirées de la vente des seuls tickets de voyage ne suffisent pas à combler les frais liés au transport. A l’en croire, le trajet Bamako-Yanfolila devrait coûter 4500 Fcfa, au lieu de 3000 Fcfa. L’occupation de l’allée centrale participe, de ce fait, à combler tant soit peu le déficit. C’est pourquoi, il est devenu courant de voir, sur nos routes, des véhicules surchargés au mépris des règles élémentaires de sécurité et au grand dam des passagers qui empruntent ces engins vétustes.

Entre la hantise et la nécessité de se rendre à sa destination, la question demeure : cela vaut-il le coup de vendre son âme à ces marchands de la mort, au mépris des règles élémentaires de sécurité ?

MDD/MD (AMAP)