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Des Maliens fins observateurs se poseraient bien des questions en passant devant deux édifices, à Bamako et Kati, l’un assez récent et l’autre ancien. Le premier est situé sur la route de l’Aéroport, en face du siège de la Direction de la Météorologie. Sur la façade on peut lire : « SMTD ». Ce qui attire le passant, c’est l’aspect moderne, voire futuriste du Bâtiment dont le style architectural ne colle pas beaucoup au type de bâtiments publics que l’on aperçoit à Bamako. C’est le siège de la Direction générale de la Société malienne de Transmission et de Diffusion, construit en 2014 par le partenaire chinois dans le cadre du projet Mali numérique porté par le Ministère en charge de la Communication et de l’Economie numérique. Le deuxième édifice évoqué ci-dessus est situé sur la route de Kati, visible depuis Bamako à cause de la hauteur de nombreux pylônes dressés en son sein. Il s’agit du Centre émetteur de Kati. Ce haut lieu de la diffusion de la radio et de la télévision, est célèbre avec son jumeau situé à quelques encablures sur la colline du Point G. Connu depuis plusieurs décennies comme propriété de l’ORTM, le centre émetteur de Kati est passé sous pavillon SMTD depuis la création de cette nouvelle société en 2015. L’enseigne de l’ORTM a laissé la place à celle de la SMTD-SA et présentement un bâtiment R+3 est en construction pour abriter la Direction générale appelée à quitter son site actuel sur la route de l’aéroport. 

Au-delà de ces enseignes, il est loisible de se demander pourquoi la SMTD-SA parle peu, pour ne pas s’interroger sur sa raison d’être. Alors que fait la SMTD-SA ? 

Son histoire résulte de la volonté de la République du Mali de mettre en œuvre l’Accord GE06 de l’Union internationale des télécommunication (UIT) qui a imposé aux pays membres de cette agence onusienne de réussir la transition de l’analogique au numérique.  Au cours de sa Conférence régionale des radiocommunications de 2006 (CCR-06) à Genève, l’UIT a adopté un traité (Accord GE06) incluant un plan de fréquences pour le service de radiodiffusion de terre et fixant la date du 17 juin 2015 pour l’arrêt des émissions analogiques. Applicable à l’Europe, l’Amérique et l’Asie, cet accord s’est imposé au monde entier notamment au cours des conférences mondiales des radiocommunications de 2007 et 2012. C’est ainsi que le Mali va entamer un long processus de mise en place de la stratégie nationale de transition de l’analogique au numérique, notamment dans les domaines la radiodiffusion et la télévision. Il s’agit d’entrer dans l’ère de la télévision numérique terrestre (TNT). 

LA TNT, la première raison d’être 

La Société Malienne de Transmission et de Diffusion (SMTD-SA), Société d’Etat à capital détenu à 100% par l’Etat du Mali voit ainsi le jour dans le cadre de la stratégie nationale de transition de l’analogique au numérique, elle-même vite diluée dans un vaste projet de transformation numérique du Mali dénommée Mali numérique 2020 élaboré au niveau du département en charge de l’économie numérique. La SMTD-SA a été créée par Ordonnance n°2015-037/P-RM du 2 octobre 2015 et n’a commencé ses activités qu’en 2017. C’est un organisme personnalisé placé sous la tutelle du ministère en charge de l’Économie numérique. 

Elle a pour missions, entre autres, d’assurer la transmission, la diffusion des multiplex de programmes de service public de télévision et de radiodiffusion en mode sonore et numérique. Elle est chargée en outre d’exploiter, d’entretenir et de développer les réseaux de transmission par satellite, par fibre optique en gérant les infrastructures nationales de fibre optique. De 2017 à ce jour, la jeune société compte un personnel qui avoisine trois cent employés et a eu trois directeurs généraux dont l’actuel est Dr Cheick Oumar TRAORé. 

La SMTD-SA a hérité du patrimoine de diffusion issu de la restructuration de l’ORTM et assure aujourd’hui la diffusion des programmes radio -télé (ORTM1, ORTM2 et Radios Mali, Chaîne 2) sur l’ensemble du territoire national et à l’étranger pour la diaspora (Afrique, Europe, Amérique du Nord). C’est la première mission qu’elle est chargée d’assurer pour la satisfaction de l’intérêt général, à savoir, le droit à l’information et le droit d’être informé des populations. 

En plus de la gestion des infrastructures de diffusion, la société s’attèle à mettre en place le réseau de distribution des chaines de télévision et de radios à travers un bouquet. Si l’émetteur numérique est disponible avec un premier groupage de chaines nationales, il n’en demeure pas qu’à ce niveau il n’y a rien encore d’officiel en termes de commercialisation et de mise à disposition des foyers maliens. La TNT a la souplesse d’être reçue sans parabole mais avec un système de réception composé d’une antenne et d’un boitier appelé décodeur. La SMTD en partenariat avec d’autres structures étatiques mettra à disposition du public des décodeurs de haute qualité le moment venu. « Tout compte fait, en tant que société publique, nous nous devons de remplir nos obligations qui veulent qu’on assure la mise à disposition de multiplex de programmes de service public de télévision et de radiodiffusion en mode sonore et numérique. Sur ce point il y a déjà un bouquet gratuit en essai avec les chaines publiques du réseau ORTM et d’autres chaines privées maliennes. Le principal défi de la TNT, c’est en plus de la qualité de l’image (cela est assurée) il faut que les chaines offrent du contenu en termes de programmes attrayants et répondant aux attentes du public. Nous sensibiliserons nos partenaires sur ce point » affirme le Directeur général Dr Cheick Oumar TRAORE. 

Le 20 décembre 2018, la SMTD-SA a signé un contrat majeur avec le groupement THOMSON et CAMUSAT pour le déploiement d’un réseau national clé en main de télévision numérique terrestre (TNT). Cette mission comprend la fourniture, l’installation et la mise en service de 51 sites de radiodiffusion  et d’une station terrienne. A terme ce projet stratégique fournira un système audiovisuel fiable et de haute qualité à la population malienne. A ce jour, si certains sites de diffusion ont été entièrement numérisés, un bon nombre reste à encore à l’être à cause de contraintes liées à la crise du COVID 19 et surtout à l’embargo de la CEDEAO et de l’UEMOA. « Au niveau des plus hautes autorités du pays, des efforts considérables sont en train d’être menés pour acheminer au pays le matériel resté dans les pays côtiers limitrophes afin d’accélérer le processus TNT » rassure le Directeur général.  Il est envisagé un lancement partiel de la TNT au courant du mois de novembre prochain en vue d’en expliquer la portée et de permettre au Mali un déploiement plus concret de la télévision numérique au Mali.

Au cœur de la souveraineté numérique du Mali

A sa création, le département en charge de l’Économie numérique n’a pas eu besoin d’un plaidoyer poussé pour convaincre le législateur d’ajouter à la mission originelle de déploiement de la TNT une autre non moins importante et stratégique, à savoir la télécommunication. Aussi, la deuxième mission de service public qu’elle est chargée d’accomplir est relative à la fourniture et la location des infrastructures de télécommunication. Par la gestion de la Fibre optique, la SMTD-SA fournit de la connexion Internet à l’Administration publique, des Collectivités territoriales et services connexes. La société dispose d’un réseau de fibre déployé sur plus de 3000 Kms à travers le Mali, du sud au nord. 

Ce réseau de fibre repose sur un bon maillage à Bamako et dans les capitales régionales.
et sa redondance permet à la SMTD-SA de répondre aux besoins de transmission et à ses exigences.

La SMTD-SA offre des options de location de bande passante sur des courtes et longues distances. Avec un réseau de transmission protégée et doté d’une infrastructure de transmission IP également fortement maillée, la SMTD-SA met à la disposition de ses clients des solutions de réseaux privés virtuels. Les données du client transiteront par le réseau de la SMTD-SA de façon transparente et 100% sécurisée sans aller sur internet. Ce qui améliore et garantit une meilleure qualité de service et des SLA (service level agreement) compétitifs. « Nous sommes une Société publique créée par l’Etat pour faire face à certaines de ses missions dans des domaines spécifiques comme la diffusion ou la transmission. A ce titre nous entendons être le fer de lance de la souveraineté numérique du Mali en plus de ce que les autres acteurs du secteur privé font.

 Nous nous devons d’être là pour satisfaire les besoins en infrastructures de diffusion de qualité, pour un accès facile et de qualité des services publics à la connexion internet haut débit avec une fibre de qualité », renchérit le DG qui insiste sur l’impérieuse nécessité pour la SMTD-SA et les composantes de l’Administration publique, des grandes institutions étatiques, des organisations privées de travailler ensemble pour faire du Mali un pays solidement debout dans le concert des nations les plus connectées d’Afrique, donc les plus innovantes car ajoute-t-il « le numérique est l’âme des états modernes ». C’est pourquoi il insiste sur la modernisation de l’administration par le stockage des données numériques à travers le recours au centre de données de sa structure qui dispose d’une capacité de stockage de 150 terras octets à la disposition des clients et partenaires. 

La troisième mission de service public est afférente à l’installation, l’exploitation et l’entretien des systèmes de vidéosurveillance tant sur la ville de Bamako que sur certaines capitales régionales.

Un fleuron qui ne doit se faner

A cet égard, la SMTD-SA joue un rôle central voire primordial pour l’Etat du Mali opérant dans un domaine régalien. Cependant, force est de constater que de sa création à 2021, la société a éprouvé de grosses difficultés de gouvernance dont les conséquences néfastes pèsent aujourd’hui sur sa survie.

Un rappel succinct des difficultés constatées dans le système de gouvernance de la société à travers un état circonstancié permettra de mieux appréhender la problématique.

Les principales structures nationales d’audit et d’inspection de la gestion et des comptes sont passées à la SMTD-SA au cours de cette année 2021 non sans épingler la gestion dont les périodes vérifiées, remontent pour la plupart avant l’arrivée de l’actuel directeur. Dans un souci de transparence, la Société a rendu public en mai 2022 – inédit pour une structure publique – un communiqué de presse dans lequel la société prenait le pari « d’une dynamique de bonne gouvernance administrative et financière. Elle exhorte chaque jour l’ensemble du personnel à un engagement sans faille pour faire de la SMTD-SA, un fleuron dans le domaine du numérique et pourquoi pas la vitrine du Mali ». Sur ce point le DG se veut pragmatique : « l’administration est une continuité. Même quand une gestion incriminée ne relève pas du temps de votre exercice, en tant que premier responsable vous devez assumer. Nous avons pris des décisions drastiques pour sauver la jeune société qui était au point d’être sur les genoux. Depuis que nous sommes arrivés, le défi principal est d’apurer les dettes car sans cela, nous ne pourrons poser aucune pierre pour relancer la marche de la société. Notre devoir est de protéger le personnel et le patrimoine afin d’être à la hauteur des missions assignées par l’Etat » explique le Directeur. 

Des perspectives optimistes

Du point de vue de la Direction générale de la SMTD-SA, la vision reste axée sur le déploiement de la fibre optique sur l’ensemble du territoire national pour servir les besoins de l’État et les opérateurs de télécommunication pour le bien-être des populations. « Avec l’appui des plus Hautes Autorités, nous avons l’ambition de réparer les parties du réseau vers le septentrion qui sont endommagées par des attaques de bandits et continuer le déploiement sur le reste du pays. A terme il faut avoir un maillage complet du pays » explique le DG non sans un grand brin d’optimisme pour le moyen terme. 

Parmi l’ensemble des infrastructures dites critiques, la Fibre optique semble être à la croisée de deux domaines jugés vitaux : les télécommunications et l’énergie. Les activités sensibles de l’Etat et des structures privées reposent essentiellement sur ce moyen de transmission. De plus, la société et l’économie dépendent de plus en plus du transfert de données intercontinentales. Individus, entreprises et administrations requièrent en effet une connectivité permanente au reste du monde, à 90 % réalisée par la fibre optique. La SMTD-SA envisage de relier les liens de connexions à Fibre optique ou par VSAT dans les régions du Nord de notre pays en vue de permettre aux Administrations (Gouvernorats, Préfectures, Mairies, Tribunaux) d’avoir accès à la connexion Internet sécurisée avec des espaces de stockage dans le Data center pour les besoins de l’archivage. Cette perspective est partagée par le Gouvernement qui lui permettra d’être en contact permanent avec les acteurs des Administrations pour le partage des données à temps, la communication sécurisée et les plateformes d’échanges sans oublier l’accessibilité à la télévision et la radio nationale.

Une perspective optimiste et réaliste sur laquelle la direction de la SMTD-SA entend garder le sourire large, c’est le recouvrement des créances de la société qui s’élève à plus de quatorze milliards de FCFA, pour la plupart auprès des structures de l’Etat. Ce pactole peut aisément aider la jeune société à faire face aux impératifs d’investissement afin de garder son envol, sinon de voler plus haut.