Par Mariam A. TRAORÉ
Bamako, 26 mai (AMAP) La gestion des aide-ménagères, ces mains utiles et indispensables dans les foyers de Bamako et des capitales régionales, est, aujourd’hui, un casse-tête pour beaucoup d’employeurs. Ceux-ci craignent une déshumanisation de ce secteur et un risque d’exposer ces pauvres filles au danger du mercantilisme.
L’apport de celles qu’on appelle, les «bonnes» à tout faire dans nos foyers, est inestimable. Ces jeunes filles, venues de différentes localités de l’intérieur du Mali, participent à la stabilité de nombreux foyers ici. Elles interviennent, du début à la fin de la chaîne, dans la réalisation des tâches ménagères de la maison. Plusieurs raisons les poussent à venir en villes. Si ce n’est pas pour assurer la survie de leur famille au village avec le fruit de leur trvail qu’elles économisent, c’est gagner de l’argent pour acheter le trousseau de mariage ou même découvrir le monde. C’est toujours un aspect de l’exode rural.
Une fois à Bamako, la capitale malienne, elles sont entièrement à la charge de leurs employeurs. Beaucoup de ces jeunes filles innocentes sont victimes de maltraitance et d’abus.
Des organisations de défense se sont impliquées dans leur protection et la promotion de leurs droits. Dans cette démarche, ces structures de placement des aide-ménagères ont apporté beaucoup d’amélioration aux conditions de vie des aide-ménagères notamment sur le plan salarial. D’année en année, leur salaire grimpe.
En effet, leur rémunération diffère selon que l’on loue leur service par le canal d’une des nombreuses agences de placement de Bamako ou qu’on discute directement avec elles. Leur tuteur ou tutrice sert souvent d’intermédiaire.
Mieux, la zone de résidence de la «bonne» influence le montant du salaire. Ainsi, le traitement diffère selon que l’employeur vive sur la Rive droite ou sur la Rive gauche du fleuve Djoliba (Niger) à Bamako. Les employeurs dans la première zone, considérée comme des nantis, paieraient mieux que les habitants de la seconde.
Il n’y a pas de prix standard en la matière. Actuellement, les «bonnes» ont des salaires compris entre 12 500 Fcfa et 30 000 Fcfa voire plus, selon que l’employeur soit du secteur informel, pour la plupart le principal employeur, ou formel.
Dans les quartiers huppés de Bamako, elles sont payées à la tâche. Mme Mariko Assanatou loue les services de deux aides ménagères. La première, 20 000 Fcfa, est une emme de 23 ans. Elle s’occupe de la restauration et de l’entretien de la maison. Âgée de moins de 16 ans, la petite, qui s’occupe des enfants et des petits travaux domestiques, se console avec 12 500 Fcfa. Leur intermédiaire verse les salaires aux employées, chaque fin de mois, dans l’agence de placement.
La gestion salariale de ces filles-là fait débat dans notre pays. C’est un casse-tête pour les employeurs. De nombreuses bonnes réclament plus que le Salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) malien. Elles sont aidées et soutenues dans ce combat par les organisations de défense de leurs droits.
QUESTION D’EPOQUE – Le débat se déroule sur les réseaux sociaux, dans les marchés et dans les lieux de regroupement des femmes. Chacun y va de son avis, commentaire et stratégie. Il est plus qu’urgent qu’il soit ouvert officiellement afin de trouver une solution.
Mme Coulibaly Assan, s’étonne de ce qui se passe autour de la gestion salariale des bonnes. Elle rappelle qu’à leur époque, elle louait les services d’une femme mariée. «J’admets que les choses ont évolué. Avant, on bénéficiait des services d’une dame mariée avec souvent des enfants. Elle venait nous aider dans nos tâches quotidiennes. En retour, on leur donnait un repas. À la fin de chaque mois, la dame recevait entre 2 500 à 3 000 Fcfa», se souvient-elle. Notre vieille dame indique qu’autrefois, c’était plus par solidarité. Elle reconnaît que l’aspect humain a cédé la place, aujourd’hui, à toutes sortes de dérives dans la gestion des aides ménagères à Bamako.
Face à la surenchère du salaire des «bonnes», Mme Bouaré Ina demande, aux uns et aux autres, de savoir raison garder. Elle soutient ceux qui veulent que les aide-ménagères soient payées au SMIC. Supposons qu’il en soit ainsi, dans ce schéma, les aide-ménagères ne doivent bénéficier que leur salaire. «Je me dis que si nous devons leur payer au-delà de 20 000 Fcfa, elles ne peuvent plus demander qu’on leur achète des médicaments quand elles tombent malades, des pommades et autres accessoires», dit-elle.
Notre interlocutrice raconte qu’elle a deux bonnes payées chacune à 12 500 Fcfa par mois. Elle assure par mois leur coton et pommade hygiénique. Il lui revient de payer des tresses et de leur acheter des chaussures. «Mieux, elles ont toutes les deux un téléphone. Je leur achète, de temps en temps, des crédits pour communiquer avec leurs parents au village. Ce n’est pas tout. Elles sont habillées pendant les fêtes et tous les événements heureux qui se déroulent chez moi», explique-t-elle.
Mme Bouaré se fait aussi un devoir de soutenir ces «filles lorsqu’elles décident de rentrer au bercail. «Je peux leur payer 30 000 Fcfa, mais je serai plus exigente si elle venait à casser des trucs à la maison. Si elles doivent se prendre entièrement en charge, il ne leur restera pas grand-chose des 30.000 Fcfa», prévient notre interlocutrice.
Mme Djourté Hélène nous raconte son cas. Elle louait les services d’une bonne à 12 500 Fcfa. Elle était satisfaite. «Elle était comme ma première fille. Les étrangers ne faisaient pas de différence entre elle et mes enfants. Par malheur, elle tomba gravement malade. Cela lui a valu une hospitalisation de plus de 20 jours», raconte notre interlocutrice. La jeune fille sera entièrement prise en charge par son employeur.
Au moment de rentrer au bercail, la patronne lui donna l’entièreté de son salaire de trois ans avec bonus, des habits, des ustensiles de cuisine. «Ni la jeune fille, ni ses parents n’en revenaient pas. Que ceux ou celles qui s’agitent pour les droits des domestiques pensent à tous ces facteurs. On doit tout faire pour ne pas déshumaniser ce domaine au risque d’exposer ces pauvre filles au danger du mercantilisme», conseille notre interlocutrice.
Mme Diallo Oumou n’aime pas le nom aide-ménagère ou bonne. Ces filles ont besoin d’encadrement. C’est pour cette raison qu’elle est devenue la tutrice de plusieurs jeunes filles à Bamako. «À leur arrivée du village, je les place chez des personnes de confiance. Je veille à ce qu’elles soient bien traitées et mieux payées», explique-t-elle. Comment s’est elle retrouvée dans ce rôle de tutrice ? Elle a employé une jeune fille du Wassoulou pendant quatre ans. Elle a tout fait pour rentrer en contact avec ses parents. Par bonheur, sa protégée a trouvé un prétendant à Bamako. «J’ai présenté la jeune fille comme étant ma fille adoptive. Le mariage a eu lieu chez moi. J’ai fait ce qu’une maman doit faire. Son salaire de trois ans lui a permis de commencer un petit commerce. Aujourd’hui, elle gère sa boutique de friperie. Elle gagne bien sa vie et aide ses parents au village», dit-elle.
Elle pouvait agir autrement si la fille avait été trop exigeante. «Que les agences de placement revoient leur stratégie, conseille-t-elle. Le salaire qu’elles fixent ne peut pas couvrir les dépenses de ces jeunes filles. »
Pire, ces stratégies nuisent aux jeunes filles, qui essaient aussi de contourner les agences de placement. Elles se retrouvent plus exposées. Il urge de poser véritablement cette problématique des aide-ménagères. Que les agences de placement soient plus regardantes quand à la protection et le paiement intégral des salaires de leurs protégées.
Il faudra, aussi, songer à uniformiser les salaires et fixer des règles de conduites pour les aide-ménagères et leurs employeurs.
MAT/MD (AMAP)