Par Bembablin DOUMBIA
Bamako, 1er nov (AMAP) Mercredi dernier, il est environ 10 heures à Bamako. Nous sommes au Centre secondaire d’état civil de Magnambougou, où les opérations de révision des listes électorales de la Commune VI se déroulent.
En cette matinée ensoleillée, il n’y a pas d’affluence autour des agents chargés de ces opérations. La cour du Centre est presque vide. Salia Sangaré, président de la commission administrative de la révision des listes électorales du centre et son équipe s’emploient, activement, à faire les radiations qui consistent à enlever les noms des personnes décédées au cours de l’année et celles condamnées et ne disposant plus du droit de vote. Et ce, sur la base du registre de décès de la mairie de la Commune VI.
Salia Sangaré pense clairement que ce travail est alambiqué. «S’il faut regarder dans les registres puis fouiller sur la liste électorale pour voir si la personne y existe ou pas, c’est vraiment un peu compliqué», renchérit-il.
Notre interlocuteur pensait que sa structure allait être doté d’un ordinateur par la Délégation générale aux élections (DGE). Cela, afin de pouvoir, une fois qu’ils ont un nom, faire la recherche sur la liste électorale au lieu de fouiller dans les papiers. « Il peut y avoir des homonymes, mais si vous avez la machine pour vérifier cela, c’est plus facile», estime-t-il.
Par ailleurs, Salia Sangaré signale que son service n’a reçu la liste de validation, qui consiste à intégrer les nouveaux électeurs, que mardi dernier. « Toute chose qui n’est pas normale », déclare-t-il, avec une pointe d’amertume.
Notre interlocuteur dit, en outre, que du 1er octobre à mercredi dernier, son service a enregistré 221 cas de transferts (qui permettent aux gens qui ont changé de domicile de pouvoir voter dans leurs nouveaux lieux de résidence) et 211 radiations. Selon lui, le manque d’affluence autour de ces opérations est dû à un problème de communication. Il déplore aussi le fait que les gens attendent toujours la dernière minute pour venir.
A notre passage dans ce centre, un électeur du nom de Lassine Traoré s’était présenté à la commission administrative. Ce commerçant d’une quarantaine d’années était venu transférer son lieu de vote de Sogoniko à Diandjiguila en Commune VI du District de Bamako, où il réside désormais.
Comme au Centre secondaire d’état civil de Magnambougou, l’affluence n’était pas au rendez-vous au niveau des commissions administratives des Communes V, IV et III. Au passage de notre équipe de reportage sur ces sites, aucun n’usager n’était présent. Les agents de ces services s’activaient à faire des radiations sur la base du registre des mairies. Les responsables de ces commissions indiquent n’avoir reçu, pour leur part, les listes de validation que ce mercredi. En Commune V, si les radiations et les transferts étaient, respectivement, au nombre de 105 et 129 à la date du mercredi, ils étaient, par contre, de 188 et 27 au niveau de la Commune III. Quant à la commission administrative de la Commune IV, elle peut enregistrer 10 à 20 transferts par jour, selon ses responsables.
NOUVEAUX ELECTEURS – Il convient de souligner que les validations ne sont que des formalités. En effet, il n’est pas obligatoire que quelqu’un se déplace pour valider son inscription sur la liste électorale. Lorsqu’on atteint 18 ans, l’individu est automatiquement intégré dans le fichier électoral de la DGE.
Toutefois, les intéressés pourront aller vérifier et corriger auprès des commissions s’ils sont inscrits ou pas sur la liste électorale ou pour signaler une erreur. « Sinon, ce n’est pas une opération de validation proprement dite ou si l’intéressé ne vient pas, il est radié », précisent-ils.
Ainsi, il ressort des données officielles que les nouveaux électeurs de l’intérieur comme de l’extérieur sont au nombre de 341.653. De ce fait, la révision annuelle des listes électorales pour 2022 s’effectue sur un fichier contenant 8.515.057 électeurs. Il convient de rappeler que le fichier électoral de l’année dernière comportait 8.173.404 électeurs.
Dans un rapport d’audit publié en 2018, l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) indiquait que «seuls 22% des jeunes et des femmes de 18 à 30 ans figurent sur le fichier électoral de du Mali alors que ceux-ci constituent plus du tiers de la population».
De son côté, dans un rapport qu’elle a récemment publié, la Mission d’observation des élections au Mali (Modele-Mali) a salué le démarrage des opérations de révision dans la majorité des communes des 49 cercles et dans les 6 communes du District de Bamako. Cette révision intervient dans un contexte marqué par l’installation des membres de l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE) «qui doivent superviser les opérations, suivant l’article 57 de la loi électorale».
Cependant, notre équipe de reportage n’a pas constaté leur présence dans le dispositif, mercredi.
Toutefois, la Modele-Mali a noté que ces opérations suscitent une très faible mobilisation auprès des populations pour diverses raisons. Elle faisait allusion au manque d’informations nécessaires sur l’importance de ces opérations de révision. L’organisation, qui a noté des défis logistiques ayant émaillé les activités sur plusieurs parties du territoire national, a demandé l’envoi diligent des documents de travail aux commissions administratives. S’y ajoutent l’intensification des activités d’information et de sensibilisation autour de cette révision et le renforcement de la sécurité dans les zones à risque pour permettre aux citoyens d’avoir accès aux commissions.
Depuis mars 1991, notre pays s’est inscrit dans la voie de la démocratie qui nécessite une bonne organisation des élections. Ainsi, «pour qu’il y ait des élections justes, transparentes et apaisées, il faut un fichier électoral fiable», précise le directeur général de l’Administration du territoire, Abdoul Salam Diepkilé.
Il rappelle que la révision annuelle des listes électorales est une opération prévue dans la loi 2022-019 portant loi électorale en son article 51 et suivants. Cette révision annuelle des listes électorales a pour objectifs de permettre aux personnes omises sur la liste électorale ou aux jeunes qui viennent d’avoir 18 ans, de pouvoir s’inscrire sur la liste électorale et de radier les personnes qui sont décédées ou qui ont perdu leurs droits de vote. Mais aussi de permettre aux concitoyens qui ont changé de lieux de vote de se faire transférer sur leurs nouveaux lieux de vote.
Par exemple, quelqu’un qui vivait à Kidal et qui se retrouve, aujourd’hui, à Kayes a besoin de se faire transférer. De ce fait, il s’adresse à la commission administrative de révision des listes électorales à Kayes. Et quand les élections arriveront, ce dernier aura la latitude, désormais, de voter dans cette localité. « Il passe de son statut d’électeur à Kidal à celui d’électeur à Kayes », explique le patron de la DGAT. En résumé, dit Abdoul Salam Diepkilé, la révision annuelle des listes électorales est une opération qui permet de rendre plus fiable le fichier électoral. Elle concerne aussi bien l’intérieur du pays que les missions diplomatiques et consulaires.
Par ailleurs, notre interlocuteur a signalé que ce sont 748 commissions administratives qui ont été déployées à l’intérieur du pays et 46 dans les missions diplomatiques et consulaires pour ces opérations. D’après lui, cette activité rentre dans le cadre de l’organisation des élections en vue.
« Chaque année, qu’il y ait élection ou pas, la révision des listes électorales a lieu », précise-t-il. Mais, cette année, la spécificité est que nous abordons, à partir de 2023, des élections référendaires, des collectivités territoriales et législatives. Donc, tous ces scrutins doivent se tenir sur la base des chiffres qui sortiront de cette révision en cours, souligne Abdoul Salam Diepkilé..
SENSIBILISATION – Le directeur général de l’Administration du territoire déplore le manque d’engouement autour de ces opérations qui concernent aussi bien l’Etat que les acteurs politiques. «Nous avons, aujourd’hui, 274 partis politiques qui sont tous membres des commissions administratives de révision des listes électorales, plus ceux que l’Etat lui-même désigne. Avec cette situation, il ne pourrait y avoir de problèmes de communication», renchérit-il.
Cela est d’autant regrettable que l’éducation électorale et civique relève, principalement, de la classe politique et des organisations de la société civile. En outre, ce sont les partis politiques qui cherchent le suffrage des populations.
«Certes, l’Etat joue sa partition et nous l’avons fait à travers des campagnes de sensibilisation. Mais cette question de sensibilisation et de communication revient surtout à la classe politique et aux organisations de la société civile», ajoute M. Diepkilé. Avant d’inviter les partis politiques à s’impliquer davantage dans ce sens.
Notre interlocuteur trouve que le retard accusé dans la délivrance des listes de validation est dû au travail de traitement sérieux, qui a pris du temps. D’après lui, le Centre de traitement des données de l’état civil (CTDEC) fait d’abord un premier traitement en s’assurant que le fichier est bon. Après, ce fichier est transmis à la DGE qui, à son tour, procède à un autre traitement pour éviter qu’il y ait des doublons et l’inscription de personnes par erreur sur la liste électorale, explique le patron de la DGAT.
« C’est à l’issue de ces traitements que nous avons pu avoir 341.653 nouveaux électeurs qui doivent intégrer le fichier électoral au terme de la révision annuelle des listes électorales», a dit Abdoul Salam Diepkilé.
Selon lui, les radiations se font sur la base de preuves. «Par exemple, si vous avez un parent décédé, vous vous adressez à la commission avec son acte de décès et vous demandez à ce que l’intéressé soit radié», explique le patron de la DGAT. Dans notre pays, si les déclarations de naissance à l’état civil sont à hauteur de plus de 80%, celles liées au décès sont moins de 20%, note M. Diepkilé.
Ce qui voudrait dire que dans le fichier électoral, il y a des personnes décédées. Car, les commissions administratives ne peuvent décider de radier quelqu’un de leur propre chef pour ne pas rayer une personne vivante. Du coup, elles attendent que les gens viennent faires les déclarations de décès de leurs parents. Abdoul Salam Diepkilé trouve que ce travail n’est pas fait de façon souhaitable. C’est pourquoi, il invite « l’ensemble des populations à faire l’effort d’approcher les commissions afin de procéder à la radiation des personnes décédées. »
BD (AMAP)