Par Fatoumata NAPHO

Certains jeûneurs n’hésitent pas un seul instant à se mouiller le corps lors des ablutions
Bamako, 25 mar (AMAP) Seule la foi peut aider les jeûneurs à tenir pendant cette forte poussée de chaleur. Pour ceux qui ne se ménagent pas sous le soleil, il y a un gros risque de déshydratation qui peut avoir de graves conséquences.
Selon les exégètes, le musulman est paré de nombreuses vertus dont la patience et l’endurance susceptibles de l’aider à affronter les peines et les difficultés mais, aussi, à consentir des sacrifices pour se rapprocher d’Allah, le Clément et Miséricordieux. C’est donc une épreuve difficile pour le musulman de jeûner dans des conditions caniculaires.
« Pas du tout facile ce mois de Ramadan », lance le cordonnier Sékou Sylla tout en secouant la tête. Il confesse être simplement aidé par la foi pour continuer à observer le jeûne, sinon il aurait renoncé. Comme lui, de nombreux fidèles confirment toutes les difficultés à jeûner pendant cette poussée de chaleur. Le soleil ne facilite aucunement la tâche. Et « le délestage chronique » n’est pas fait non plus pour arranger la situation des jeûneurs.
Concilier le jeûne et le travail relève de l’ordre normal des choses. Mais, certains semblent avoir des difficultés à concilier les deux ou, du moins, à pouvoir travailler sous la forte chaleur surtout avec de longues séquences de coupure d’électricité un peu partout au Mali. Adama Coulibaly, mécanicien de son état et chef de garage soutient la thèse. Il dit franchement avoir des difficultés à travailler pendant la canicule encore plus dans les conditions actuelles. « Le jeûne lors de ces deux dernières années se fait dans des conditions difficiles », explique le mécanicien. Pour se couvrir des rayons solaires, il porte une casquette noire qu’il plonge dans de l’eau de temps en temps avant de la remettre. Il répète à satiété cette gymnastique ou essaie de trouver le réconfort dans des ablutions faites avec de l’eau fraiche. « Je fais tout cela pour tenir parce qu’un vent chaud et sec souffle », souligne-t-il. Il explique boire suffisamment à la rupture du jeûne pour étancher sa soif mais, aussi, éviter d’être déshydraté.
Non loin du garage d’automobiles de notre mécanicien se trouvent des cambistes reconnaissables avec les liasses de billets de banque qu’ils agitent au nez et à la barbe des usagers de la voie publique. Ceux-ci confirment aussi avoir des difficultés à concilier le Ramadan et la canicule. Tous les moyens sont bons pour se préserver d’un coup de chaleur. Oumar Samaké, casquette sur la tête se verse à intervalle régulier un sachet d’eau. Il fait des émules puisqu’un collègue, Bourama Camara, accomplit le même rituel. Il explique avoir du mal à s’éloigner de son bidon d’eau à la rupture.
Sur ces entrefaites, Oumar Ouattara arrive sur sa moto. Il enroule autour de son cou une serviette mouillée pour se rafraichir. « Le soleil est vraiment brûlant. C’est ma manière d’y faire face », explique-t-il sur le ton de la plaisanterie. Il explique utiliser cette petite serviette depuis le deuxième jour du Ramadan.
Seydou Guindo est un agent de sécurité qui assure la garde 12h sur 24H (6h à 18h) sur son lieu de travail. « En cette période de forte chaleur, ce n’est pas facile de travailler à jeûn », dit-il. Pour souffler un peu, il ne se gêne pas souvent de s’asseoir à l’ombre d’un mur.
Quant à Kadiatou Diallo, vendeuse de sachets d’eau, elle confirme se frotter les mains dans la vente de glaces en ce mois de Ramadan. Et d’expliquer écouler souvent 15 paquets de sachets d’eau et réalise sur chaque paquet un bénéfice de 250 Fcfa.
Non loin d’elle se trouve un vendeur de dattes, Issouf Dicko. Pour qui le mois de Ramadan est rentable sur le plan financier. Il vend sa denrée alimentaire sous un arbre pour être à l’abri du soleil, parce que ce n’est jamais facile de concilier le travail avec le jeûne. Il ne sort sa tête que pour prendre des ablutions.
A côté de lui, Fatoumata Traoré propose des poissons à la clientèle. Elle révèle la timidité du marché en ce mois de Ramadan alors qu’à la même période l’année dernière, c’était encore beaucoup mieux. La canicule y est peut-être pour quelque chose. « Je peux acheter plus de 5 000 Fcfa de glace par jour » pour conserver les poissons. Elle, au moins, est sous un hangar pour se protéger du soleil.
Boukary Karambé, qui entretient aussi les véhicules, se dit apte à travailler même sous une forte chaleur. « Je ne me verse pas d’eau, encore moins me mettre une petite serviette mouillée sur la tête », soutient-il.
Mohamed Guindo vendeur de cartes de recharge a sa serviette toute trempée au cou lorsque nous l’avons rencontré. Il avoue faire ses ablutions avec de l’eau fraiche.
Des environs du ministère de l’Education nationale jusqu’au « Rail da », presque tous les marchands ambulants avaient un sachet d’eau en main. Certains se mouillaient uniquement la tête tandis que d’autres se le versaiten sur tout le corps. Les femmes ne sont pas en reste. La plupart de celles dont nous avons croisé le chemin, avaient de gros glaçons posés sur la tête ou sur le corps.
Les ménagères ont également des difficultés à faire la cuisine le soir parce qu’elles suffoquent sous la chaleur. C’est le cas de Mme Diallo Néné qui avoue avoir eu du mal à faire la cuisine, les deux premiers jours du Ramadan. Finalement, elle a abandonné le jeûne.
Pendant le Ramadan, les jeuneurs se bousculent dans les mosquées bien climatisées. Ils y restent avant et après les horaires de prière. On observe le même spectacle dans l’enceinte des banques. Certains clients ne boudent pas leur plaisir d’y profiter de l’air conditionné.
A la maison, tout le monde se retrouve, surtout le week-end, sous les arbres. Et ceux qui ont des climatiseurs ne sortent pas de leur chambre. C’est le cas de la vieille Mariam Dembélé qui a même prévenu son fils de s’attendre à une facture d’électricité assez relevée à la fin de ce mois.
Pour mieux gérer ce mois, les spécialistes de la santé recommandent de beaucoup boire et surtout de se protéger du soleil. Dr Ousmane Touré, médecin généraliste à l’hôpital Gabriel Touré, conseille à la population, en général, de boire beaucoup d’eau et de privilégier les aliments légers lors des repas.
Il est donc très important de se protéger au maximum de la chaleur, en passant plusieurs heures par jour dans un endroit frais ou climatisé et en se mouillant régulièrement le corps pour abaisser la température corporelle.
Le médecin conseille le port de chapeaux ou de casquettes qui contribuent à diminuer la température sur la tête. Il indique que la forte chaleur peut provoquer une déshydratation, de la fièvre, des maux tête et des complications de certaines maladies chroniques.
Concernant l’attitude de ces jeûneurs qui s’aspergent d’eau fraiche ou y trempent leurs pieds, le prêcheur Ahmadou Diallo déclare que ceci ne compromet en rien leur jeûne. Il a souligné que ces jeuneurs agissent ainsi par ce qu’il fait très chaud et que c’est pour se soulager.
Par contre, prévient-il, en voulant se soulager si l’eau pénètre par la bouche, le nez ou les oreilles, le jeûne est rompu à ce moment. Il a tenu à ajouter qu’il y a 7 catégories de personnes qui ont le droit de rompre leur jeûne. Ce qui veut dire que le jeûne n’est pas une exigence pour ces personnes, notamment celles qui sont dans une situation de voyage, les femmes enceintes, les malades et les allaitantes.
Enfin, il y a les personnes âgées mais, aussi, celles qui ne supportent pas la faim ou la soif.
FN/MD (AMAP)