Par Fadi CISSE
Bamako, 12 avr (AMAP)Pendant le ramadan, la femme est très sollicitée tant pour la préparation du «suhour» (le repas pris avant le jeûne) que pour les mets de rupture, comme la bouillie. Certaines nouvelles mariées n’arrivent pas faire les granulés de mil pour faire la bouillie. Elles ne représentent pas la majorité, mais ne peuvent pas non plus contenir dans un train de voyageurs.
La problématique s’est invitée sur les réseaux sociaux, notamment sur Tik tok et Facebook. Les internautes, à travers des vidéos, exposent les difficultés que beaucoup de nouvelles mariées rencontrent dans leurs belles familles.
La préparation de ce repas liquide semble causer des soucis à certains d’entre elles. Une vidéo aimée par plus de 200.000 personnes, en un seul jour, présente une nouvelle mariée tenant une calebasse dans ses mains et qui demande à sa maman au téléphone comment vite faire les granules de la bouillie, avant l’heure de la rupture. Dans les commentaires, des femmes ont aussi reconnu être confrontées à cette situation.
Mariam Diarra, l’une des commentatrices explique en substance qu’elle ne savait rien faire de ses dix doigts. Elle pleurait, constamment, en incriminant sa mère parce qui lui avait fait du tord en ne lui apprenant pas à cuisiner.
Malheureusement, elle finit par divorcer et retourner chez son père où elle semble désormais mettre à profit toutes les occasions pour apprendre et mieux s’exercer dans l’art culinaire. Aujourd’hui, elle invite avec suffisamment de recul à suivre les conseils de la tik-tokeuse pour échapper au déshonneur. Selon Mariam Diarra, savoir cuisiner participe de l’équilibre du foyer, autrement dit de la vie du couple.
PRÉVENANCE DES MÈRES –Ces conseils ne sont pas tombés dans des oreilles d’un sourd puisque de nombreuses jeunes filles, sur les réseaux sociaux, ont exprimé leur volonté d’apprendre à cuisiner, afin de ne pas se retrouver dans la même situation que Mariam.
Les différentes vidéos mettent l’accent sur la situation délicate de nouvelles mariées qui ne sont pas des cordons bleus et qui ne savent même pas préparer une simple bouillie. À en croire Anna Touré, une sexagénaire, « ce sont des réalités actuelles de notre société qui interpellent. »
La vieille femme n’a pu s’empêcher de faire une comparaison des époques. Jadis, c’était une saine émulation pour les mamans d’apprendre à leur progéniture la cuisine, notamment des spécialités maliennes comme des plats à base de céréales, la bouillie et autres. « Malheureusement, il y a une négligence coupable des mères de famille qui, par prévenance, développent une mansuétude à l’endroit de leurs filles, tout en sachant bien qu’elles sont appelées à se marier », déplore-t-elle.
En termes clairs, notre interlocutrice accuse les mères de ne plus s’occuper de l’éducation culinaire de leurs filles avant le mariage. Celle qui est de la vieille génération exprime son amertume de voir certains repères se perdre.
Seyba Diabaté, un chef de famille, met un bémol. Il trouve que le fait de ne pas pouvoir bien préparer ne doit pas être un motif de divorce ou de répudiation de la conjointe. Il estime simplement que dans le cas d’espèce, il y a nécessité d’accorder un temps d’apprentissage à la nouvelle mariée, par exemple à faire les granulés et préparer la bouillie.
Yahaya Camara, chauffeur, évoque l’incapacité des jeunes filles à faire ce repas. Dans la famille Kanté à Djicoroni para, en Commune IV de Bamako, les belles-filles font la cuisine à tour de rôle. Celles qui ne savent pas faire la bouillie ont une solution toute simple. Elles achètent les «monicourou» (granulés) emballés dans des sachets et s’exercent auprès de celles qui passent pour des expertes en la matière.
Aïché Traoré est formatrice au Centre Aoua Keïta. La quinquagénaire met de l’énergie et la pédagogie à partager son art de la cuisine avec les jeunes filles, notamment dans la préparation des mets traditionnels. Elle qui vend le «monicourou». Elle dit que pendant le ramadan, elle reçoit beaucoup plus de commandes. Sa clientèle vient de l’intérieur comme de l’extérieur du Mali.
Aux détaillants, elle cède le sachet à 1.500 Fcfa l’unité contre 1.250 Fcfa pour les grossistes.
FC/MD (AMAP)