
L’électricité a tendance à devenir un confort qui n’est accessible qu’aux seuls détenteurs de groupes électrogènes de secours
Par Abdourhamane TOURÉ
Gao, 13 avr (AMAP) Les coupures d’électricité font le bonheur des vendeurs et réparateurs de groupes électrogènes à Gao, dans le Nord du Mali. Tout comme les marchands de carburant et de pièces de rechange qui affichent le sourire. La clientèle est abondante, car les habitants aisés ne lésinent pas sur les moyens pour échapper à la canicule, en ce mois de ramadan, en pleine saison sèche.
L’électricité devient, de plus en plus, un luxe presque inaccessible aux abonnés du réseau d’Énergie du Mali (EDM-SA). Les coupures d’électricité sont devenues monnaie courante et sévissent, de jour comme de nuit. Les abonnés en souffrent d’autant plus qu’ils sont confrontés à des températures caniculaires insupportables. L’électricité a tendance à devenir un confort permis aux seuls détenteurs de groupes électrogènes de secours. Ceux qui n’en disposent pas sont condamnés à croiser les doigts et à patienter que EDM-SA rétablisse la fourniture d’électricité et, cela, de façon aléatoire. Dans la Cité des Askia, Gao, le délestage affecte tous les domaines d’activité.
Le directeur de la société EDM-SA de Gao, Mahamane Cissé, a expliqué les raisons de cette difficulté aux autorités régionales. En effet, la centrale thermique de la société produit 3 mégawatts qui sont repartis sur quatre lignes. Il est évident que cette production est insignifiante au regard de la forte demande. Selon M. Cissé, la Commune urbaine de Gao a besoin de 11 mégawatts.
Lors de la récente visite du Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga, à Gao, le gouverneur de la 7èmerégion administration a égrener, devant le chef du gouvernement, quelques préoccupations des populations parmi lesquelles, la faible desserte en eau et en électricité.

Manifestations contre les coupures et le manque d’électricité (Archives)
Le directeur général de l’hôpital régional, Hangadoumbo Moulaye Touré, de Gao, Dr Youssouf Almoustapha Touré, soutient que la structure sanitaire est la première victime du délestage et cela dure depuis 15 mois.bSelon Dr Touré, l’hôpital régional dispose de quatre services qui fonctionnent uniquement avec l’électricité. Il s’agit du bloc de réanimation, du bloc opératoire, du service d’urgence et de l’imagerie.
Des groupes électrogènes de 180 Kva et 440 Kva tournent en permanence et dont la consommation en gasoil est estimée à 47 litres par heure. Pour le responsable de la structure sanitaire, il est évident que les charges inhérentes au fonctionnement de ces groupes constituent une source de préoccupation dans la mesure où les recettes ne font pas le poids. Cette situation est, aussi, source d’insomnies pour Dr Touré qui avoue son impuissance à alléger la souffrance des patients en besoin de soins.
SUR-SOLLICITÉS – Si les patients continuent à souffrir du délestage, les vendeurs et les dépanneurs de groupes électrogènes se frottent les mains. A Gao, le bruit sourd d’un groupe électrogène en marche fait partie de l’ambiance sonore. À la moindre coupure d’électricité, les groupes électrogènes reprennent automatiquement le relais au niveau des marchés, des services publics ou dans certaines familles en déversant des tonnes de décibels.
Cette solution palliative a pour objet de faire fonctionner le climatiseur dans les boutiques et les appareils électroniques et informatiques dans les services publics ou les réfrigérateurs, les climatiseurs et autres appareils électroménagers dans les domiciles. Ce confort génère à son tour des opportunités d’affaires pour d’autres catégories d’acteurs comme les réparateurs qui font de leur mieux pour dépanner ces machines sollicitées au-delà de leur capacité de fonctionnement.
Français installé à Gao, Jacques Mauret est considéré comme l’un des premiers dépanneurs de groupes électrogènes ou portatifs de la Région. «Il y a de cela 40 ans, que j’ai appris ce métier à travers la réparation d’engins à deux roues puis de motopompes. Ces interventions sur ces machines m’ont conduit, petit à petit, vers la réparation de groupes électrogènes », explique-t-il.
« Mes premiers dépannages de groupes électrogènes ou groupes portatifs ont porté sur les marques française Bernard et russe Tomax et autres marques telles que Robin et Honda », se rappelle-t-il.
Selon M. Mauret, les groupes électrogènes de 7 à 16 Kva ne peuvent pas fonctionner 24 heures sur 24 sans avoir une panne, parce qu’ils ont besoin de repos pour se refroidir. Or, les propriétaires pensent que le groupe doit tourner 24 heures sur 24. Ces machines sont conçues juste pour pallier une panne de quelques heures. Il explique qu’un groupe portatif de 7 Kva qui démarre à 17 heures jusqu’à 22 h, aura besoin d’un temps d’arrêt pour son refroidissement.
CARBURANT DOUTEUX – En dehors du besoin de refroidissement, les pannes des groupes électrogènes sont dues soit à la mauvaise qualité du carburant soit au manque de pression ou encore de bobine.
Le dépanneur est beaucoup sollicité mais il a du mal à se faire payer par certains clients. L’astuce de Jacques Mauret pour les impayés est de se rattraper sur les prix des pièces de rechange. «Pour une panne, qui ne dépasse pas une journée de travail, je demande 5 000 à 10 000 Fcfa », dit-il.
« Comme vous pouvez le constater, dans mon atelier, il y a des groupes électrogènes disposés un peu partout. Certains sont là depuis deux mois et d’autres depuis dix ans et plus. Certains clients ne sont plus revenus à cause de manque d’argent et moi je n’ai plus de places pour les ranger. Même ma cour déborde de groupes électrogènes réparés mais que le temps a ranci en dégradant les couleurs », poursuit le dépanneur.
« Dans les années 1970, je gagnais bien dans le dépannage et la vente des pièces de rechange. Actuellement, le marché est saturé de réparateurs et de boutiques de vente des pièces de rechange», se plaint Mauret.
Zackaria Maïga est un autre jeune réparateur de groupes électrogènes qui évolue dans ce secteur depuis plus de dix ans. Il est chef d’atelier. «Je répare les petits groupes électrogènes d’essence de 7 à 16 Kva, mais je n’ai jamais dépanné les gros groupes électrogènes. La panne de la plupart des groupes que je reçois ici est due à la mauvaise qualité du carburant», révèle-t-il.
« Le carburant, qui se vend sur le marché de Gao, contient du Jet et cette qualité d’essence contient un produit très diluant », croit savoir le dépanneur. Souvent, ce sont des pannes dues à une faiblesse de la pression. Ses frais de dépannage varient selon la capacité de la machine. Un groupe électrogène de 5 Kva est réparé à 5 000 Fcfa, celui de 13 Kva à 15 000 Fcfa et 16 Kva à 2 .000 Fcfa.
« Dans la journée, je peux recevoir une quinzaine de groupes portatifs ou petits groupes électrogènes », confit notre interlocuteur. À n’en pas douter, Zackaria Maïga tire bien son épingle du jeu, car il « gagne bien sa vie ». Ses revenus lui ont permis de se marier, de construire une maison en dur et il gère une boutique de vente de pièces de rechanges de groupes électrogènes. Il possède même une voiture pour ses déplacements.
ORPAILLAGE, MARCHÉ LUCRATIF – Un peu plus loin de Zackaria, la quincaillerie de Mohamed Ould vend des groupes électrogènes de capacités 5 à 200 Kva. Selon lui, le marché évolue en dents de scie. Il lui arrive de passer une quinzaine de jours sans vendre un seul groupe électrogène. Mais, ce mois de Ramadan s’est révélé être une période faste où il lui est arrivé de vendre 5 groupes électrogènes de 5 Kva pour 675 000 Fcfa l’unité. Les groupes électrogènes de 180 Kva et 200 Kva. qui coûtent un peu chers, ne sont pas très sollicités, car une unité de ces machines se vend à près de 19 millions de Fcfa.
Abou Haïdara est gérant dans la boutique de son père qui importe ses groupes électrogènes du Nigéria. La boutique propose aussi des pièces de rechanges de ces machines. Un petit groupe électrogène de 2 Kva est cédé à 225 000 Fcfa.
En cette période de chaleur, Abou peut vendre 3 à 7 petits groupes par jour et ses clients potentiels sont les orpailleurs. Il lui arrive de satisfaire des commandes de particuliers pour les besoins domestiques mais, en général, il s’agit beaucoup plus de pièces de rechange
Tidiane Haïdara est l’heureux propriétaire d’un tout nouveau groupe électrogène qu’il a acheté chez Abou Haïdara. Il était tout à sa joie de mettre en marche sa machine pour alimenter son supermarché qui propose des denrées alimentaires nécessitant une chaine de froid ininterrompue.
Le délestage pendant ce mois de Ramadan lui a donné des sueurs froides et causé des pertes importantes. «Je viens d’ouvrir mon commerce et les produits frais au frigo sont régulièrement avariés avec les coupures intempestives d’électricité. J’ai été obligé d’acheter ce groupe électrogène de 3 Kva à 22 .000 Fcfa », explique-t-il .
« Cet équipement limitera les dégâts causés par les coupures d’électricité. Les avaries de produits alimentaires ne me hantent plus », assure-t-il, sourire en coin.
AT/MD (AMAP)