Par Makan SISSOKO
Bamako, 10 Déc (AMAP) La daba à la main en train de biner des planches, la ménagère Fatoumata Traoré est une femme battante qui a aménagé une parcelle à Kalaban-coura pour en faire un jardin potager. Dans ce petit jardin, elle cultive la menthe, la salade, la carotte, le piment, l’oignon et de nombreuses plantes culinaires pour soutenir sa famille. Elle n’est pas la seule à pratiquer cette activité pour joindre les deux bouts.
Les maraichers font pousser de la salade, de la tomate, du gombo, du concombre, de l’aubergine… en plusieurs endroits dans la périphérie de la capitale. Ils contribuent ainsi à l’approvisionnement de la ville en légumes et en tirent des revenus substantiels.
Dans plusieurs quartiers périphériques de la capitale, le jardinage est un business lucratif pour de nombreux ménages. Hommes et femmes s’adonnent principalement à la culture et à la vente des produits pour subvenir à leurs dépenses quotidiennes. Et cela depuis des années. A Niamakoro «Kôda» en Commune V du district de Bamako, le jardinage occupe une place de choix. Nombre d’habitants, avec leurs maigres moyens, s’adonnent corps et âme à l’entretien de jardins potagers. A quelques encablures d’un marigot, se trouve le jardin de Oumar Timbiné. L’espace est clôturé avec des manguiers et d’autres arbres, notamment l’anacardier pour le protéger contre les animaux errants. Le quinquagénaire, père de 7 enfants, exploite à Niamakoro plus d’un ha de jardin potager, contenant plusieurs types de laitues, notamment des salades des feuilles vertes, tomates et gombos. En franchissant le seuil de cet immense jardin, on aperçoit une nature verdoyante et le visiteur se retrouve entièrement plongé dans un calme bienfaiteur. Des manguiers, des bananiers et des papayers plantés dans les parages font de ce jardin un paradis sur terre. A notre arrivée aux environs de 17 heures, l’arrosage des plantes battait son plein. Visiblement très épuisé, Oumar Timbiné se reposait sous un manguier. Pendant qu’un jeune homme d’environ 17 ans s’occupait à faire le tour entre deux mares aménagées pour arroser les plantations.
Équipé de deux arrosoirs bien remplis d’eau, le jeune homme, fils ainé de Oumar Timbiné, assiste constamment son père dans cette activité. Avec enthousiasme, Oumar Timbiné explique qu’il pratique le jardinage depuis plus de deux décennies.
Une activité dans laquelle, il parvient à tirer son épingle du jeu. « Dans ce travail, je trouve de quoi manger. Chaque matin, je viens dans le jardin et je retourne à la maison vers le crépuscule. Dans ce pays, il n’y a pas de travail, je me suis lancé dans le jardinage pour m’épanouir financièrement. Après quelques années, les affaires ont prospéré et je me suis entièrement consacré à ce travail jusqu’à ce jour », indique-t-il. Pour lui, l’activité de jardinage nourrit son homme mais reste très pénible. Il sollicite plus d’attention pour les jardiniers, en termes de formation sur les nouvelles pratiques et techniques culturales enfin de mieux rentabiliser leurs revenus.
Au côté de ces jardiniers, les femmes viennent s’approvisionner en légumes frais, notamment en carottes, en tomates, en piments et d’autres fruits tels que la papaye et la banane pour ensuite les revendre en ville et dans différents marchés de la capitale. Rencontrée, dans le jardin de Oumar Timbiné, Fatoumata Coulibaly ménagère était venue cueillir des feuilles culinaires et des papayes. Elle confie être dans cette activité depuis plus de 10 ans.
« Chaque soir, je quitte Sirakoro, pour venir m’approvisionner en légumes et en fruits dans les jardins pour ensuite les revendre au marché de Sénou et dans la ville de Sirakoro», explique Fatoumata Coulibaly. Pour qui, le marché est actuellement moins florissant.
Sur la route de l’aéroport, en direction de Kalaban-coura, de nombreuses femmes portaient sur leurs têtes des sacs et des seaux remplis de légumes frais et de feuilles vertes provenant des jardins situés à proximité de l’aéroport. Kadiatou Diarra, l’une de ces femmes, explique qu’elles reviennent de la cueillette pour le marché du lendemain.
Plus loin, dans la zone aéroportuaire vers Gouana, le jardinage est une véritable aubaine pour les habitants de cette localité. Cette zone difficile d’accès à cause des tas de déchets déversés partout sur les voies, est considérée par nombre de personnes comme le fief des jardiniers. Des familles y sont installées depuis plus de 20 ans. Et cela, uniquement à cause des travaux de jardinage. Selon de nombreux témoignages recueillis sur place, le jardinage est pratiqué dans cette localité depuis plus de quinze décennies.
Amara Koné habite dans cette localité avec son frère ainé et sa famille. « Autrefois, mon grand frère était le seul qui venait dans le jardin après le décès de notre père. J’ai remarqué que c’est un travail pénible pour une seule personne. Nous avons hérité de ces espaces de notre défunt père qui pratiquait le jardinage bien avant que nous ne soyons de ce monde. À travers le jardinage, nous arrivons à nous nourrir », souligne Amara Koné. Dans ce jardin de plus de deux ha, Amara et son frère possèdent deux machines de pompage, installées dans des puits à grand diamètre pour faciliter l’arrosage des plantations. L’utilisation de ces machines peut souvent coûter plus de 5 à 6 litres d’essence par jour. Concernant les difficultés, il a souligné le manque d’eau qui survient généralement en saison sèche. Il a aussi signalé la mauvaise qualité de certaines semences qui n’arrivent pas à germer. Notre interlocuteur se rappelle récemment, d’une énorme perte qu’ils ont subie à cause de l’utilisation d’une mauvaise qualité de semence de carotte qui a coûté plus de 150.000 Fcfa.
Un peu plus loin, dans le même alignement, nous sommes dans le jardin de la famille Sangaré. Cette famille détient plus de 5 ha. Selon le patriarche de la famille, Moussa Sangaré, bien avant l’aménagement de l’aéroport, ces terres étaient exploitées par leur défunt père.
Pour lui, le jardinage est un travail de tous les jours, qui demande beaucoup d’efforts d’entretien des plantes. Cependant, il ajoute que les efforts sont rentabilisés une fois que les plantations arrivent à maturité. « Quand la récolte commence on peut vendre entre 100.000 à 175.000 Fcfa par jour», estime Moussa Sangaré. Il explique que la majorité de la clientèle est composée des femmes. Tout comme, le précèdent interlocuteur, Moussa Sangaré évoque également la problématique d’eau qui fait qu’en général les activités tournent au ralenti après l’hivernage.
En ce qui concerne l’entretien des plantations, il explique utiliser généralement du fumier organique extrait des parcs à bétail qu’il achète à 1.500 Fcfa le chargement de charrette. Pour lui, contrairement aux engrais chimiques, dont le sac coûte 19.500 Fcfa, le fumier organique renforce le sous-sol.
MS (AMAP)