
Le service de neurologie du Centre hospitalo-universitaire (CHU) du Point G
Par Aminata DJIBO
Bamako, 08 janv (AMAP) Une mère est au chevet de son fils au service de neurologie du Centre hospitalier universitaire (CHU) Point G, à Bamako, au Mali. «Mon fils souffre à l’école puisque les autres s’éloignent de lui et ont peur de ses crises». Elle même en souffre pour son rejeton. Aïssata et son enfant sont loin d’être les seuls à affronter le regard presque stigmatisant de la société à cause de l’épilepsie. Dans les pays en développement, en général et au Mali en particulier, cette pathologie représente un problème majeur de santé publique.
Sory Diarra a rencontré beaucoup de difficultés dans son couple. «J’ai eu des problèmes dans mon mariage. Ma belle-famille croyait que j’étais atteint d’une maladie contagieuse ou mystique. On me stigmatisait », nous confie-t-il. Il y a de nombreux mythes et idées reçues sur le sujet, car la maladie a des manifestations spectaculaires. Aïcha, mère de famille, pense que c’est même un problème mystique qu’il faut traiter comme tel. « Cette maladie, selon elle, est trop dangereuse pour être traitée à l’hôpital. » Comme elle, de nombreux compatriotes ont une mauvaise perception de la maladie.
Les différences de perception et le manque de communication peuvent compromettre directement la prise en charge globale du patient. Pour bon nombre de nos compatriotes, la médecine traditionnelle semble mieux indiquée que la médecine conventionnelle pour la prise en charge des épileptiques. Même si cette prise en charge assurée par les tradi-thérapeutes semble constituer un fardeau psychologique pour le patient.
Mariam, mère d’un enfant épileptique et ayant opté pour la médecine traditionnelle, partage son expérience en la matière. « Convaincue que la médecine traditionnelle détenait les réponses, j’ai consulté un tradi-thérapeute local. Malheureusement, les remèdes prescrits n’ont apporté qu’un soulagement temporaire. Mon fils continue d’être ostracisé à l’école. Et la stigmatisation persiste. Malgré cela, je reste attachée à la médecine traditionnelle, espérant qu’elle révélera un jour son efficacité », dit-elle.
Contrairement à elle, Ousmane fait confiance à la médecine moderne. Elle raconte : « Mon fils suit un traitement prescrit par un neurologue. Nous avons constaté une amélioration significative. Cependant, la société ne comprend pas toujours. Certains membres de ma famille ont remis en question cette approche, préférant la médecine traditionnelle. Malgré les défis, nous restons convaincus que l’éducation et la sensibilisation peuvent changer les mentalités.»
Pour le médecin en spécialisation en neurologie médicale, Dr Cheickna Sangaré, « l’épilepsie n’a rien de surnaturel, le problème est cérébral, c’est une maladie chronique caractérisée par la répétition des crises d’épilepsie ». Dr Sangaré explique que l’épilepsie est une maladie qui a des conséquences neurologiques, cognitives, psychologiques et psycho-sociales.
Il indique qu’elle survient fréquemment avant 10-15 ans ou après 65 ans. « Généralement, précise-t-il, pendant l’enfance, car les neurones de l’enfant sont immatures. Près de 80% des personnes atteintes d’épilepsie vivent dans les pays en développement, affirme le médecin. »
« Dans notre pays, regrette-t-il, les statistiques manquent par rapport au nombre de personnes souffrant de cette pathologie. Mais, des études sont en cours pour apporter des précisions. »
Selon la Ligue internationale de lutte contre l’épilepsie, cité par Dr Cheickna Sangaré, « cette maladie a plusieurs causes dont les plus fréquentes sont les causes infectieuses. » Selon le praticien, ce serait d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle la maladie est fréquente dans notre zone «car nous n’avons pas encore fini avec certaines causes infectieuses comme le paludisme»
Il y a plusieurs types de crises épileptiques, « mais le plus connu est la crise tonico-clonique généralisée dont les manifestations cliniques sont spectaculaires et assez remarquables », explique-t-il. «C’est quand le patient commence à convulser, il salive anormalement, ses yeux révulsent et il peut perdre l’urine, après il perd connaissance pour un petit moment. Ce sont ces manifestations qui poussent la population à croire aux causes mystiques », constate Dr Sangaré, ajoutant que l’épileptique sous traitement évolue bien dans 80% des Cas.
Et d’assurer que certains patients ou compagnons rapportent que depuis l’instauration du traitemen.t il n’y a eu plus de crises ou qu’il y a une diminution significative de la fréquence des crises.
Dans le contexte où la stigmatisation persiste, indique Dr Cheickna Sangaré, des experts médicaux locaux s’unissent pour éduquer la communauté sur la réalité de l’épilepsie déconstruisant les idées fausses et encourageant l’inclusion.
Pour convaincre les superstitieux face à cette maladie, relève-t-il, « plusieurs combats sont menés notamment la réalisation des émissions radio et télé pour sensibiliser et expliquer à la population que la maladie au lieu d’être mystique est cérébrale ». « Des fois on montre même la preuve aux parents à travers les résultats d’Électro encéphalogramme (EEG), (examen qui confirme l’épilepsie), ou des lésions sur l’imagerie engendrant les crises. Mais je pense qu’il est essentiel d’aller vers les zones rurales », propose le futur neurologue.
En termes d’avancées médicales, de nouveaux traitements contribuent à changer la donne pour les personnes vivant avec l’épilepsie à Bamako. « Il y a eu de nouveaux médicaments antiépileptiques qui entraînent moins d’effets secondaires. Mais qui sont malheureusement très chers. La majorité de nos compatriotes ne peut s’en procurer. On peut aussi procéder par intervention chirurgicale », explique Dr Cheickna Sangaré.
Il y a 50 millions d’épileptiques dans le monde dont 80% dans les pays en développement. La méconnaissance de la maladie aboutissant souvent à des stéréotypes, complique la vie de ceux qui en sont atteints.
AD/MD (AMAP)