Ramadan et travaux durs : Des croyants contraints d’abandonner le jeûne!
Par Moussa M. DEMBELE
Bamako, 18 mars (AMAP) Nombre de nos concitoyens attendaient avec impatience le mois de ramadan, une période sacrée de l’Islam ! Mais dès apparition du croissant lunaire qui annonce cette période sacrée, la joie cède la place à l’inquiétude et à l’anxiété. Surtout quand le Ramadan coïncide avec la saison sèche et chaude, l’observation du jeûne devient une rude épreuve pour plusieurs croyants. Car, on voit mal certaines personnes, s’abstenir de manger et de boire, de l’aube ou aurore jusqu’au coucher du soleil, pour raison de maladies ou d’autres circonstances.
Quand il fait excessivement chaud, comme en cette période de canicule, la tentation est grande chez certains de faire entorse aux règles religieuses, en buvant de l’eau afin d’étancher leur soif ou d’éviter la déshydratation. Et ceux qui souffrent de problèmes d’estomac ou de tension ont du mal à supporter la faim. Par manque de force physique, certaines personnes ont du mal à mener correctement des activités physiques.
Pendant ce temps, ceux qui font des travaux pénibles, notamment, la maçonnerie, les exploitants de sable et de carrière, les orpailleurs traditionnels et les fabricants de briques sont souvent contraints d’abandonner le jeûne au profit pour pouvoir exercer leurs activités, et assuré leur survie.
Par contre, selon d’autres, c’est un mois qui se prépare et les gens doivent garder à l’esprit qu’ils sont appelés à accomplir un devoir religieux dont les bénéfices sont grands y compris les conduire au paradis.
Il fait exactement 17 h 06 minutes en ce lieu de vente de sable distant d’au moins 100 mètres de la route de Ségou, dans le quartier de Tiéguena, une banlieue située entre le District de Bamako, et la Commune de Baguineda. Ils sont au nombre de huit jeunes, tous munis de pelles pour charger un camion-benne. Ils sont motivés, les visages ruisselant de sueur ainsi que d’autres parties de leur corps. Interrogé sur l’observation du ramadan et ces travaux physiques, un jeune costaud, de taille moyenne, le chef du groupe, nous repond ceci, sans interrompre son effort : “ Nous sommes au onzième jour du mois de ramadan. Mais, j’ai observé le jeûne deux fois seulement, précisément durant mes jours de repos”. Et notre interlocuteur anonyme de poursuivre en ces termes : “C’est vrai, le jeûne est une obligation pour tout musulman. Mais, des gens comme nous qui font des travaux durs, sont souvent obligés d’oublier le jeûne pour travailler, afin de faire face aux dépenses familiales”.
On aperçoit des camions bennes alignés près des monticules de sable. Les chargeurs s’organisent en petits groupes pour remplir ces engins de dix ou six roues. Sept sur dix ouvriers n’observent pas le jeûne. Ils avancent, tous, les mêmes arguments pour se justifier. Certains estiment qu’il fait très chaud, que le soleil brille fort, d’où des difficultés pour jeûner, tout en passant toute la journée à travailler.
À côté d’eux, se trouve une grande cour située à l’ouest. Le sable entre dans la confection des briques de construction et de bâtiments. Contrairement aux chargeurs de sable, qui travaillent uniquement pendant la journée, ces jeunes ouvriers débutent leur travail à 3 heures du matin pour terminer, au plus tard, à 10 heures. Malgré ces horaires, certains n’arrivent pas à concilier le jeûne et le l’effort. Tel est le cas de Moussa Sidibé, qui confirme que “le jeûne ne peut pas aller avec notre travail. C’est très difficile de tenir 12 heures sans boire de l’eau ni manger. Notre travail demande beaucoup d’énergie”, argumente-t-il.
Ce jeune étudiant de la Faculté des sciences économiques et de gestion (FSEG), qui fait le manœuvre pour un maçon afin de gagner les frais de transport pour aller à l’université, abonde dans le même sens que ses prédécesseurs. Yacouba Mallé, âge de 26 ans, pour qui, il est difficile d’exécuter des travaux de chantier pendant le mois béni de ramadan. “Quand je pars à l’école, je jeûne mais s’il s’agit d’aller au chantier, ce n’est pas facile parce que cette activité exige trop d’efforts physiques ”, dit l’étudiant en licence d’économie.
« Seule la foi en Dieu permet à Ses créatures de s’organiser pendant ce mois béni, pour accomplir leurs obligations religieuses et seulement en trente jours par an, donc c’est juste une question de préparation », estime Oumar Dembélé, chargeur de sable. « Je n’abandonne jamais le jeûne au profit de mon travail. Avant ce mois béni, j’ai fait beaucoup d’économies pour faire face à mes multiples dépenses, sans suspendre mon activité. C’est une question de croyance et de foi en Dieu qui motive chacun à réagir. »
Bourama Doumbia, employé d’une entreprise de fabrication de briques destinées à la construction de bâtiments, fait aussi partie de ceux qui pensent que les travaux durs ne doivent pas empêcher un vrai croyant d’accomplir ses devoirs religieux.
Sur le plan sanitaire, jeûner et faire des efforts physiques intenses peut avoir des conséquences si la personne n’est pas du tout habituée. En tout cas, c’est ce que nous explique Dr Issa Keriba Bakayoko, neurologue à l’hôpital Gabriel Touré. “C’est une question très difficile à répondre. Mais, comme on le dit souvent, l’habitude est une seconde nature. Donc, une personne qui est déjà habituée à travailler dure, pourra beaucoup supporter l’épreuve qu’une personne qui vient juste de commencer avec le ramadan. Mais, on peut conseiller d’éviter l’exposition prolongée au soleil ou à des sources de chaleur qui peuvent vite entraîner une déshydratation pouvant déboucher sur beaucoup de complications, parfois fatales”, explique-t-il.
Que dit le Coran au sujet du jeûne et les travaux durs ? Amadou Dieng, islamologue donne des éclaircissements. “ Un croyant ne doit pas abandonner le jeûne à cause des travaux durs. C’est une obligation pour tous les pratiquants de la religion. Ils doivent tous jeûner mais, dans la journée, si ça ne va pas, ils peuvent rompre le jeûne. C’est Dieu qui nous a créé tous, donc notre survie dépend de lui. » « L’homme doit prendre des dispositions pour accueillir ce mois béni”, conclut-il.
MMD/KM (AMAP)