Par Oumar SANKARE
Bamako, 12 oct (AMAP) Le soleil est déjà haut dans le ciel, en cette matinée. Des ménagères, paniers sur la tête pour certaines, transpirent à grosse goutte, le long de la route reliant Bancononi à Djalakorodji. Aux abords de la voie sont installés de nombreux commerces. Certains marchands portent le cache-nez rendu rouge par la poussière. Même leurs cheveux, leur barbe et leurs sourcils ne sont pas épargnés.
La route Nionsombougou-Banconi, en passant par Djalokorodji et Safo, est aujourd’hui en très mauvais état. De gros trous béants sont visibles par endroits. Les eaux de pluies y sont, certainement, pour quelque chose. Les quelques Sotrama (minibus de transport en commun), qui osent s’aventurer sur cette piste de rallye, font vivre le calvaire aux passagers. «Ouille!», «que Le Puissant nous assiste! » «Quelle misère !» répètent en chœur les passagers d’un Sotrama, dandinant dans tous les sens. «Vous n’avez encore rien vu», leur lance un passant.
Mohamed Diarra, réparateur de moto, la trentaine révolue, est assis dans son atelier. Il regard fixé sur la route. «Nous en avons assez de cette route. Les canaux d’évacuation d’eau sont bouchés de tous les côtés. En cas de pluie, l’eau inonde les maisons et les boutiques», raconte-t-il. « Des femmes ont fait des fausses couches sur cet axe, long d’environ 10 km », renchérit Bamoye Sow, court de taille, teint noir.
Son collègue Alhassane confie : «Un ami a abandonné sa nouvelle maison construite dans le quartier pour retourner dans la grande famille à Médine, avec toute sa famille, à cause de l’état de la route». Comme lui, plusieurs habitants des quartiers desservis par cette voie retournent en location, abandonnant carrément leur habitation.
De l’autre côté de la route, se trouve la résidence du chef de quartier. Traverser cette voie, même à pied, est pénible à cause des trous. Taille moyenne, barbe grisonnante, Yacouba Koné, fils du chef de quartier de Layebougou, nous reçoit. Coiffé d’une casquette, un turban blanc au tour du cou, il décrit la souffrance de la population. «En saison sèche, nous sommes envahis par la poussière. En saison pluvieuse, nous pataugeons dans les eaux stagnantes et boueuses. Les véhicules s’embourbent, les motos patinent. Conducteurs et piétons trébuchent. Des personnes âgées se relèvent avec des fractures», témoigne Koné.
IMPORTANCE CAPITALE – Abdoulaye Diallo, un habitant de Dialakorodji, fait le même constat. «Quatre années après le début des travaux de construction de la route, le chantier est à l’abandon. On a l’impression de circuler sur une piste rurale drainant sur des familles, toutes les eaux venant des collines», décrit Sahidou. «Sur cette route, plusieurs vies ont été fauchées. Les Sotrama roulent à vive allure soulevant la poussière, obstruant ainsi la visibilité. Et bonjour les dégâts ! Nous sommes fatigués d’enterrer les nôtres », dit le jeune commerçant Seydou Dembélé.
Le maire de Dialakorodji rejette toute responsabilité dans cette situation. «La population s’en prend à la mairie à tort. Même dans les Sotrama, on m’insulte», regrette Oumar Guindo, précisant que la construction des routes au Mali relève de la compétence du gouvernement.
La construction de la route Nionsombougou-Banconi a été initiée par les autorités en vue de permettre aux gros camions venant du Sénégal ou de la Mauritanie d’entrer à Bamako , la capitale malienne, sans passer par Kati. C’est une voie de contournement pour les poids lourds afin d’accéder au port sec de la Zone industrielle, en Commune I du district de Bamako. «C’est une route CEDEAO qui est d’une importance capitale pour l’économie nationale», indique Ousmane Diabaté, 2e adjoint au maire, chargé des routes, confirmant que les camions en provenance de la Mauritanie et du Sénégal passent par là car le tronçon Samé est accidentogène.
Sotigui Niaré, 1er adjoint au maire, rappelle que le lancement des travaux à Safo remonte à novembre 2017. « Le peu qui a été réalisé est déjà dégradé», déplore-t-il.
Le ministère des Transports et des Infrastructures rejette, lui aussi, la faute sur les riverains. «Les populations refusent de libérer les emprises de la voie entravant toute progression du travail. L’entreprise burkinabè sur ce chantier a fait faillite car elle louait des engins à coup de millions», révèle Mohamed Ould Mamouni, chargé de communication au ministère des Transports et des Infrastructures. Contacté, le ministère en charge des Domaines n’a pas répondu à nos sollicitations.
OS/MD (AMAP)