Par Fatoumata M. SIDIBE
Bamako, 27 mar (AMAP) Le fleuve Niger, appelé Djoliba dans son tronçon à Bamako, constitue un élément important du paysage dans la capitale malienne. Trois ponts (pont des Martyrs, pont Fahd, pont de l’amitié Sino-malienne) l’enjambent dans sa traversée de la capitale. Son lit et ses berges sont exploités par de nombreux citadins pratiquant des activités génératrices de revenus : pêche, maraîchage, extraction du sable. Ce qui fait du Djoliba une source de revenus pour des habitants de Bamako.
Les berges de ce cours d’eau peuvent offrir mieux, si elles sont bien aménagées. En la matière, les initiatives ont de la peine à prospérer, laissant ainsi les déchets régner en maître et engloutir les opportunités pour ceux qui ont le sens des affaires.
En effet, l’aménagement des berges du Niger ne peut-être qu’une aubaine non seulement pour l’économie de la capitale, mais aussi pour le bien être des humains et de la faune aquatique. Le cadre est idéal pour l’implantation de restaurants et autres lieux de distraction.
Aujourd’hui, les actions anthropiques ont érodé la beauté naturelle du fleuve. Lundi 18 mars, Zan Diarra arrose ses plantes sur les berges, près de la Place cinquantenaire. Il remplit directement son arrosoir dans le fleuve et vient humidifier ses planches de patate. Le passionné du maraîchage a vu les déchets coloniser les berges, année après année. Des aménagements auraient pu, à son avis, arrêter ce désastre. « De belles constructions sur les berges seraient rentables pour le fleuve et pour l’Etat », dit-il. Non loin de lui, un visiteur, qui a souhaité garder l’anonymat, contemple le fleuve. Le souhait de ce riverain est de voir l’Etat aménager, comme c’est le cas dans certains pays, des espaces verts pour la détente. « La proximité avec le fleuve procure un micro climat agréable dont raffole les clients », renchérit un chef cuisinier que nous avons rencontré dans son restaurant, construit sous forme de bateau sur les berges.
Le long du fleuve est un espace regorgeant d’énormes potentialités, mais il est délabré en plusieurs endroits de la ville. Selon l’ancien ministre de l’Urbanisme et de la Politique de la ville et ancien Premier ministre, Moussa Mara, les berges du fleuve doivent être utilisées pour plusieurs activités au lieu de les laisser à l’état sauvage. Moussa Mara précise que notre fleuve est comme un fossé laissant passer l’eau, les gens y jettent des ordures et il accueille les eaux usées. Alors qu’il peut être un espace de loisirs et de bien-être pour les citadins. « Quand j’étais ministre, nous avions un vieux projet d’aménagement du lit du fleuve en perspective pour le rétrécir et le rendre plus profond et plus navigable. Ce projet envisageait l’aménagement des berges par la construction d’immeubles pour rendre la ville de Bamako attrayante», se souvient l’ancien chef du gouvernement.
Il a vu un projet similaire au cours d’une mission au Maroc et souhaitait voir la même chose à Bamako. Les Marocains lui avaient d’ailleurs signifié leur disponibilité à aider à la réalisation de son souhait.
1 500 MILLIARDS DE REVENUS – De retour au pays, l’ancien ministre de l’Urbanisme et de la Politique des villes n’avait pas tardé à engager des études pour enfin monter un avant-projet dont le coût était évalué à 1.000 milliards de Fcfa. « Jamais dans l’histoire du Mali, on a eu un projet de cette taille. Il allait générer 1 500 milliards de revenus », précise M. Mara.
Selon lui, en remblayant le fleuve, le lit se rétrécit, ce qui le rend plus joli, plus profond et rempli. Des voies de la circulation routière étaient prévues sur le long des deux rives, de Sébénikoro à Moribabougou et de Kalaban-coro à Missabougou. Des espaces de loisirs comme un parc d’attraction et des espaces verts y seraient aussi construits.
e projet pouvait, en outre, s’élargir sur le recyclage des déchets liquides et l’aménagement des dépôts de déchets solides. Moussa Mara regrette de voir ce projet rangé dans les tiroirs alors qu’il l’avait présenté au président de la République d’alors. Celui-ci avait même souhaité que la présidence prenne le dossier en charge, en raison de son importance.
L’Agence du bassin du fleuve Niger (ABFN) a pour missions principales la sauvegarde du fleuve Niger, la protection des berges contre la dégradation, la dépollution des lits de ses affluents et de son cours d’eau principal. Le directeur général adjoint de cette Agence, Moussa Diamoye, rappelle qu’ils mettent en place un mécanisme financier de perception de redevances auprès des organismes préleveurs et pollueurs du fleuve Niger.
En d’autres termes, il s’agit de mettre à contribution ceux qui polluent ou qui utilisent le fleuve à des fins commerciales.
Le Dga de l’ABFN fait savoir qu’ils ont porté en 2019 un projet d’aménagement des berges du fleuve dans les zones urbanisées de Bamako qui faisait 22 km, de Kalanbabougou à Sotuba. Il s’agissait de réduire la section du fleuve Niger dans le District, parce qu’il y a beaucoup de constructions dans les servitudes. « Les gens qui ont des maisons dans cet espace sont dans le cadre de l’agression du fleuve», dénonce-il au passage.
« L’Agence a eu des partenaires pour réaliser le projet mais l’accompagnement que le partenaire a souhaité de l’État pour prendre certaines préoccupations n’a pas été pris en compte », regrette-t-il.
« Un projet similaire était porté par l’Agence de cessions immobilières (ACI) et la direction nationale de l’urbanisme. Quand Mohamed Aly Bathily est devenu ministre des Domaines et des Affaires foncières, il a essayé de mettre ces trois projets ensemble pour n’en faire qu’un et depuis lors, c’est son département qui s’en occupait », nous apprend M. Diamoye.
Et de souligner que le dernier acte concret qui a été posé dans le cadre de ce projet remonte à 2019. Un communiqué du Conseil des ministres a évoqué la durée du projet, soulignant qu’il allait contribuer à protéger le fleuve et donner un nouveau visage à la capitale.
En effet, il était prévu la construction de boutiques à usage commercial de grand standing et la création d’activités touristiques avec des bateaux pour générer des ressources. « À ce jour, précise Moussa Diamoye, l’Agence a pu réaliser quelques kilomètres d’aménagements mécaniques et biologiques des berges dans quelques régions. » « Depuis un certain temps, poursuit-il, l’Agence se bat pour que toute attribution de concession de parcelles qui devrait être faite dans les abords du fleuve requiert l’avis de l’ABFN pour voir son l’impact sur l’eau et sur les riverains. » Mais dans son action contre ceux qui occupent les servitudes du fleuve, elle est limitée «car en général, ce sont des personnes qui détiennent des titres fonciers délivrés par des administrations du pays.»
FMS/MD (AMAP)