Par Amadou GUÉGUÉRÉ
Bamako, 30 nov (AMAP) Les micros, petites et moyennes entreprises (MPME) éprouvent des difficultés à accéder au financement bancaire en raison des risques qu’elles représentent pour les préteurs. Pour contribuer à la dynamisation du financement de ces entreprises confrontées à des difficultés de trésorerie dans leur cycle d’exploitation, le gouvernement a adopté au Conseil des ministres du mercredi 26 octobre dernier, un projet de loi relatif à l’activité d’affacturage au Mali. Ce projet de loi permettra d’offrir des produits et services financiers variés, abordables, accessibles et adaptés aux besoins des MPME et des start-ups.
L’affacturage est une opération par laquelle l’adhérent (entreprise) transfère par une convention écrite avec effet subrogatoire, ses créances commerciales à l’affactureur (banque ou Système financier décentralisé : SFD) qui, moyennant rémunération, lui règle par avance tout ou partie du montant des créances transférées, supportant ou non, selon la convention des parties, les risques d’insolvabilité sur les créances cédées.
Il permet à l’adhérent de se procurer des fonds et constitue un moyen de recouvrement qui présente, entre autres avantages, l’optimisation de la trésorerie en réduisant l’impact des échéances de paiement, l’élimination du risque d’impayés.
Selon le rapport de présentation du projet de loi sur l’affacturage, il s’agit d’une technique couramment utilisée dans les pays développés. Le paysage de l’affacturage en Afrique est nettement dominé par l’Afrique du Sud (85%), le Maroc (10%) et l’Egypte (3%).
La part des pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) est encore bien plus faible. Le montant des ressources accordées au titre de l’activité d’affacturage dans notre espace communautaire représente à peine 0,4% du volume global des crédits bancaires qui était de 8.670 milliards de Fcfa en fin septembre 2021.
Au Mali, c’est l’Unité d’appui et de suivi de la stratégie de développement du secteur financier (UAS/SDSF), une structure du ministère de l’Économie et des Finances, qui est porteuse du dossier de l’affacturage. Selon son chargé des banques et marchés des capitaux, Aliou Samaké, l’esprit de cette loi part d’un constat qui est commun aux huit pays de l’UEMOA : 80 à 90% des entreprises de cet espace sous-régional sont des MPME. «Partant de ce constat, on s’est dit que soutenir financièrement ces entreprises, c’est in fine soutenir l’économie à 90%», analyse M. Samaké. « Ainsi, poursuit notre interlocuteur, la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a organisé en mars 2019 une concertation afin de présenter un projet de loi uniforme sur l’affacturage qui devrait régir de façon homogène les opérations d’affacturage effectuées au sein des pays de l’UMOA. »
Selon Aliou Samaké, le Mali doit insérer cette loi dans son ordre juridique. « Les prochaines étapes de ce processus, affirme-t-il, seront l’adoption de la loi par le Conseil national de Transition (CNT) et celle de son décret d’application. »
Le chargé des banques et marchés des capitaux de l’UAS/SDSF explique qu’une opération se réalise par l’adhérent qui est une MPME et l’affactureur qui est soit une banque ou un SFD à travers la signature d’un contrat d’affacturage. Ce contrat définit les factures qui peuvent être pris en compte.
Aliou Samaké précise que « le SFD, avant d’avancer de l’argent à l’adhérent sur la base de ses factures, doit se faire une idée de la solvabilité des clients dont les factures doivent faire objet d’un affacturage. »
En outre, il souligne que les conditions de créance, surtout en termes de délai, ne sont pas modifiées. «Quand il y a transfert de créance, tous les droits liés à la créance sont aussi transférés à l’affactureur. C’est ce qu’on appelle la subrogation des droits», laisse-t-il entendre. Et d’ajouter que l’affacturage donne droit à une commission pour l’affactureur.
MOBILISATION DES CREANCES – Parlant des avantages de l’affacturage pour les MPME, le chargé des banques et marchés explique que l’opération dégage l’entreprise de recouvrement. «Dans les entreprises, souvent, il y a un agent qui est chargé du recouvrement. Avec l’affacturage, si les créances sont cédées à l’affactureur, la fonction recouvrement est réduite, comme une peau de chagrin», dit-il.
Pour les banques, l’avantage est que cela vient augmenter le produit net bancaire. «Plus une banque fait des prestations, elle encaisse des commissions. Ce qui diversifie les services financiers offerts», affirme-t-il.
L’affacturage va, également, permettre à l’entreprise (adhérent) de mobiliser ses créances auprès d’un SFD (affactureur) en attendant que les échéances de paiement n’arrivent.
Aïssata Naba Coulibaly, directrice (CEO) d’Affacto group, une fintech spécialisée dans le financement et l’accompagnement des PME-PMI, est convaincue que cette loi va soulager les entreprises. «L’affacturage n’était pas réglementé dans l’espace UEMOA. La BCEAO a essayé de recadrer les bords. Aujourd’hui, pour faire de l’affacturage, il faut être une banque… Il faut essayer de synthétiser l’activité pour que les professionnels puissent le faire et que ça soit surtout réglementée de sorte à aider les PME-PMI», dit notre interlocutrice.
Ces entreprises font, en effet, face parfois à des mandats qui tardent à être payés. L’affacturage permet de les accompagner «pendant ce laps de temps où les factures ne sont pas payées», selon Aïssata Naba Coulibaly.
En outre, la directrice d’Affacto group souligne que cette loi va faire connaitre l’affacturage au Mali et dans les autres pays où elle a été promulguée. « Déjà, dit-elle, une grande majorité des PME-PMI n’est pas bancarisée. Même celles qui sont bancarisées n’ont pas forcément accès au crédit. Et, l’affacturage est la solution à ce problème, parce qu’il peut servir à financer les entreprises qui sont dans le formel ou un peu dans l’informel», commente-t-elle.
Aïssata Naba Coulibaly demande à l’État de les accompagner. «Quand on parle de facture, on parle aussi de mandats de l’État parce que ce sont aussi des factures. Donc, on peut accompagner aussi les opérateurs de l’État en finançant leurs mandants, en attendant que l’État nous rembourse», indique la CEO d’Affacto group.
AG/MD (AMAP)