Reportage : Oumar SANKARE
Bamako, 28 avr (AMAP) Il est 20h, la circulation routière habituellement dense à cette heure, est fluide. De la route quittant Kalaban à l’Aéroport international président Modibo Keita- Sénou de Bamako, la capitale malienne, des boutiques se préparent à fermer et un groupe de sportifs de début de soirée marchent à pas rapides le long de la route. A quelques kilomètres de là, sur un édifice, une espèce d’arche, suspendu sur la 2 x 2 voies de l’aéroport est inscrit « Bienvenu à Bamako», en différentes langues. Tout au long de la route, des groupuscules de marcheurs, coureurs ou autres personnes soulevant des altères s’affairent et transpirent.
Au check-point, une petite file d’attente, les voitures, après inspection, sont autorisées à accéder à l’aéroport. Le vent souffle de tous les côtés. Une ou deux voitures se suivent dans le plus grand calme jusqu’au parking.
L’aéroport dispose de trois parkings. Un premier réservé aux personnalités et diplomates. Le deuxième, pour le personnel et les taxis partenaires de l’aéroport. Et le troisième, destiné aux voyageurs et leurs accompagnateurs. A la sortie de chaque parking, se trouve un grand dispositif de lavage des mains avec savon liquide à profusion. Les différents parkings sont presque vides. Le parking numéro 3, c lui des voyageurs et accompagnateurs, d’ordinaire rempli ne compte qu’une vingtaine de voitures, ce soir. « D’habitude, on accueillait une centaine de voitures. Très souvent, on manquait de places et on avait de la peine à caser le flot de véhicules », dit un agent de la sécurité des stationnements.
L’aéroport international président Modibo Keita-Senou comprend deux terminaux. Le Terminal qui, jadis, recevait les vols civils, est aujourd’hui destiné aux services militaires de la Mission intégrée multidimensionnelle des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA). Le Terminal 2, nouvellement construit, reçoit tous les vols et frets civils.
A l’entrée des deux terminaux, des groupes de personnes, qui pour accompagner, qui pour accueillir, un proche, attendent, On discute, on échange. Quelques rires par-ci, par-là, D’autres s’embrassent et sautent dans les bras des uns les autres. Ce spectacle fait presque oublier les mesures barrières. Au milieu de cette effervescence, des militaires européens poussent leur charriot. Ce sont des militaires de la MINUSMA, ou de l’opération française « Barkhane » et autres.
Notre autorisation de visite concerne uniquement le Terminal 2. Cependant, chaque voyageur est tenu de faire peser ses bagages et les faire filmer au Terminal 1, avant de se rendre au Terminal 2.
A l’entrée de Départ du Terminal 2, des voyageurs, en file indienne, présentent leur test covid, obligatoire, aux agents de santé. Après vérification de ce sésame, l’un des agents prend la température à l’aide d’un thermomètre en forme de pistolet, suivi de l’usage du gel hydro alcoolique. Chaque voyageur suit obligatoirement cette procédure.
Selon Sory Ibrahima Diarra, agent de l’Aéroport du Mali (ADM), le test covid obligatoire « est source de dispute, très souvent ». « De nombreux passagers perdent leur test avant d’arriver ici. Nous sommes obligés de les renvoyer chez eux, Seuls ceux ou celles qui possèdent leur test valide sont autorisés à passer », explique-t-il.
Il arrive, aussi, que certains essayent de tricher le avec le système. Pour faire face à de tels cas, l’ADM, reçoit des données de l’Institut national de recherche en santé publique (INSP), ce qui permet de filtrer et détecter les fraudeurs. En plus, du dispositif Covid-19, une disposition Ebola et d’autres maladies épidémiques, sont en place, avec l’aide des services sanitaires, depuis la découverte du premier cas en République de Guinée. Chaque lundi, une réunion covid, dirigée par le coordinateur Mohamed Lamine Diabaté, se tient avec les partenaires de l’aéroport.
Au même-moment, le commandant Moulaye A. Haidara, de la police de l’Aéroport, s’approche d’un groupe de personnes. Le ton s’élève. Il calme la situation, après quelques échanges. Plus tard, Il dira qu’il s’agissait d’un diplomate européen. Ce dernier refuse de porter son masque, d’où son interpellation par la sécurité. Le diplomate, enlève un masque bleu PPE d’un carton de son sac à main, comme pour montrer qu’il en possède plusieurs. Après avoir porté le masque, il est autorisé à poursuivre la procédure.
Les voyageurs sont, ensuite, guidés vers le deuxième point de contrôle. Cette fois-ci, il s’agit de contrôle des documents de voyages. Sur le sol, à distance respectable, des points sont marqués à chaque mètre. Ces points rouges sur lesquels sont inscrits « Respectons les mesures barrières », indiquent où chacun doit se tenir, afin de passer, à tour de rôles, aux box de vérification. Ici, aussi, le commandant Moulaye A Haidara, interpelle deux voyageurs et leur indique où se tenir. « Certains ne savent pas lire et on est obligé de les suivre à chaque étape. D’autres refusent de coopérer et disent qu’on les dérange. Pire, certains disent ne pas croire à l’existence du coronavirus».
Le Mali traverse une crise multidimensionnelle (politico-sécuritaire) depuis 2012 marquant le pays au rouge sur les cartes dans les différentes Chancelleries. Certaines déconseillent fortement la destination Mali à leurs citoyens, d’autres, comme l’ambassade des Etats-Unis d’Amérique, émettent fréquemment des messages d’alertes pour signaler les risques d’attentats terroristes.
De quoi décourager touristes et investisseurs. A cela, s’ajoute, depuis un an, la pandémie de coronavirus qui a paralysé l’économie mondiale. Les avions, de part le monde, sont restés cloués au sol. L’aéroport International président Modibo Keita de Bamako a aussi vu ses activités baisser.
« L’aéroport Du Mali est resté fermé du 20 mars 2019 au 25 juin 2020 pour raison de Covid », rappelle Sory Ibrahima Diarra. Cependant, les vols de rapatriements d’étudiants et travailleurs maliens coincés à l’étranger étaient autorisés. Ces retours ont été obligatoirement suivis d’isolement dans un hôtel. Les vols entre le Maroc et le Mali sont suspendus, depuis le 24 mars, pour raison de cas élevés de contamination au Maroc. Cette suspension devrait être levée le 12 avril.
Le troisième point de contrôle, est le Poste d’inspection filtrage (PIF). Ici, on passe à travers un détecteur de métaux, en enlevant ceintures, chaussures, montres… Pour le commandant Haidara, ce contrôle est nécessaire, pour s’assurer qu’aucun objet dangereux ne rentre dans l’avion. Après cette minutieuse fouille, les voyageurs sont autorisés à passer à l’étape suivante.
Dans la salle d’embarcation, les mesures de distanciation sociales sont respectées, même s’il n’y a pas une grande affluence. Seule une dizaine de personnes sont assises dans le grand hall d’embarquement. Entre trois chaises, celle du milieu est marquée par une croix indiquant « Respecter les mesures barrières ». Traduction : personne ne doit s’asseoir là.
Dans la salle d’embarcation, des boutiques de tout genre. Selon Aboubacar Touré, de la direction commerciale de l’ADM, la majorité des étagères sont vides dû au manque d’affluence de clients, depuis le début de la pandémie. Tout comme les boutiques, les restaurants de l’aéroport sont pratiquement déserts et exemptés de frais de location, afin de les aider, un gant soit peu, à tenir le choc.
Concernant les vols à l’arrivée, le processus est moins long. Nous assistons aux différentes étapes suivies par les passagers d’un vol d’Air Mauritanie qui a atterri à 23h. Tous les passagers sont tenus de présenter un test Covid valide « au risque de se faire renvoyer dans le pays du vol d’origine sur le champs», assure le chef de la police de l’aéroport.
Un groupe d’environ huit hommes et femmes, en blouse blanche, procède à la vérification du test Covid et prennent la température de chaque voyageur. Ensuite, ils sont invités à utiliser du gel hydro alcoolique fixé à l’entrée d’une cabine de stérilisation. Chacun passe dans la cabine où une vapeur blanche, éjectée du haut, douche le voyageur. Deux box de stérilisation permettent d’accélérer le processus et surtout d’éviter un attroupement de passagers à ce niveau.
Après, les passagers prennent l’escalier pour descendre au niveau du service de la police de l’Air et régler les différentes formalités d’entrée sur le territoire national. Une fois cela fini, ils sont invités à aller réceptionner leurs bagages. Au niveau du tapis roulant, des signes au sol indiquent où se tenir, pour respecter la distanciation sociale. Mais, là encore, de nombreux passagers ignorent les indications sur le sol. Une équipe de la police de l’air, s’approche d’eux et les sensibilisent. Certains coopèrent immédiatement tandis que d’autres ignorent ou trainent les pas.
Un document sur les statistiques de trafic aérien de l’Aéroport international président Modibo Keita-Senou, auquel nous avons eu accès, permet de voir à quel point l’aéroport a été par la pandémie. Selon les données compilées par la direction commerciale, le premier trimestre de l’année 2020, pour les arrivées et départs, donnait 1.582 vols en janvier, 1.910 en février et 1,210 en Mars. Immédiatement après cela, le nombre de vols est divisé par deux. Nous sommes en plein dans la crise sanitaire.
Au deuxième trimestre, il y a eu respectivement 638, 636 et 826 vols pour les mois d’avril, mai et juin. Les chiffres stagnent jusqu’au quatrième trimestre où il y a une légère augmentation, avec 112 arrivées + départs, au mois de novembre.
En terme de nombre de personnes, arrivées et départs confondus, au premier trimestre 2020, 71371 ont été recensées, avec 3165 personnes en transit. A partir de là les chiffres décroissent pour atteindre respectivement 8253, 6789, 6935 personnes pour les mois de Mars, Avril, Mai et Juin. A cela, il faut ajouter qu’il n’y a eu aucun transit (0) durant tout le deuxième trimestre. Cependant, à partir du troisième trimestre le taux de fréquentation augmente progressivement jusqu’au mois de Décembre 2020. 53008 personnes, arrivés et départs confondus, ont été enregistré avec 782 personnes en transit.
Seul, le fret n’a pas été impacté, selon les données à notre disposition.
OS (AMAP)