Biodiversité et sécurité alimentaire : Pesticides, une menace pour les abeilles
Par Makan SISSOKO
Bamako, 31 mai (AMAP) «Lorsque les abeilles disparaitront de la surface du globe, l’Homme n’aurait plus que quatre années à vivre» a écrit Albert Einstein dont la citation réapparait dès que la question de la surmortalité des abeilles revient dans le débat public. Elle témoigne de l’importance vitale des abeilles dans la vie des êtres humains.
Ces insectes jouent un rôle crucial dans la reproduction des fleurs en transportant le pollen d’une fleur à une autre, favorisant ainsi la production de fruits, de légumes et autres cultures. En conséquence, la disparition des abeilles aurait des répercutions drastiques sur la biodiversité, l’agriculture et l’alimentation humaine. Environ un tiers de la production alimentaire mondiale dépend de la pollinisation par les abeilles et d’autres insectes pollinisateurs. C’est pourquoi il est urgent de protéger les abeilles et leur environnement pour préserver notre production alimentaire et la biodiversité de notre planète.
Au-delà de leur importance pour la biodiversité, les abeilles sont également exploitées par les humains pour leur potentiel de production de miel et de cire d’abeille. Aliment naturel sucré et nutritif apprécié par les humains depuis des milliers d’années, le miel est aussi utilisé dans de nombreux produits alimentaires et cosmétiques.
La cire d’abeille, elle, sert dans la construction des alvéoles de leur ruche. Elle est couramment utilisée dans les produits de soins de la peau, dans la fabrication de bougies, de produits de polissage, de cosmétiques et des médicaments pharmaceutiques. Elle est également utilisée dans la production de produits alimentaires tels que le fromage, le chewing-gum et les bonbons.
Abdrahamane Kouyaté possède quatre sites d’exploitation apicoles sur une superficie totale de 85 hectares dans le village de Zantiguila, Commune rurale de Sanankoroba. Avec 400 ruches de miel, sa production trimestrielle est estimée à une tonne de miel. Il explique que l’apiculture est une activité qui est très liée à l’agriculture et à l’élevage. Et de poursuivre que les abeilles se nourrissent des feuilles et des fleurs des plantations. « C’est pourquoi, dit-il, l’agriculture est importante pour la production du miel aussi bien que les abeilles pour l’augmentation de la productivité des cultures. »
L’apiculteur souligne que les abeilles contribuent beaucoup à l’équilibre de l’écosystème. «Elles sont des pollinisateurs importants pour de nombreuses plantes. En collectant le nectar des fleurs pour produire du miel, les abeilles transportent le pollen d’une fleur à l’autre, aidant ainsi les plantes à se reproduire et à se propager», explique-t-il.
À en croire Kouyaté, l’apiculture est une activité très rentable qui nourrit son homme.
RÉDUCTION DE 30 A 33% – « En la matière, l’Association pour le développement de l’apiculture moderne (ADAM) soutient les apiculteurs. Nous achetons des ruches subventionnées avec l’ADAM avec une réduction de 30 à 33%. Ce qui nous permet de bénéficier de l’assistance d’une équipe pour installer des ruches dans nos champs», révèle-t-il. Précisant que quand les abeilles se nourrissent suffisamment à l’aide des plantes à fleurs, comme le melon, la pastèque, la papaye et les légumes, elles parviennent à remplir leurs ruches entre 60 à 90 jours. Cet agriculteur affirme que le miel est la principale source de nourriture des abeilles. Et dans nos sociétés, il est utilisé depuis des milliers d’années comme édulcorant naturel et comme remède pour de nombreux maux.
Dans l’apiculture, les producteurs gagnent en miel, en cire et en production agricole. Quant à notre apiculteur, il récolte aussi la cire d’abeille. À l’intérieur du pays, Abdrahamane Kouyaté vend son litre de miel à 3 000 Fcfa contre 6 000 Fcfa à l’extérieur. «La cire d’abeille est aussi un avantage dans la production du miel. Le kilo de cire est vendu entre 1 000 à 15 00 Fcfa. Avec une tonne de miel, je peux avoir environ 500 kilos de cire. Je vends la moitié de ma cire pour garder le reste que je réutilise dans les ruches pour attirer les abeilles avec l’odeur», dit-t-il. Pour récolter la cire, l’apiculteur retire les cadres de rayons de la ruche. Les cadres sont ensuite placés dans un extracteur de cire, qui la sépare des restes de miel et de pollen. La cire est ensuite fondue et filtrée pour éliminer les impuretés.
Par ailleurs, l’agro-apiculteur soutient que l’utilisation des pesticides contribue à réduire drastiquement la population des abeilles. «L’utilisation des produits dans les champs sont extrêmement néfastes pour les arbres, les insectes et les humains. Raison pour laquelle, je n’utilise jamais de produits chimiques dans mon champ», révèle le paysan. Abdrahamane Kouyaté invite, à cet effet, les autorités à mettre en place un service dédié à la valorisation des abeilles.
CENT TONNES DE MIEL – À notre passage au siège de l’ADAM, dans la Zone industrielle, au quartier Bougouba, ses membres fabriquaient des centaines de ruches de couleur blanche dénommée « Ruche Kenya» (du nom du pays qui les confectionne) et d’autres matériels apicoles au profit des apiculteurs.
Créée en 2009, l’Association a organisé de nombreuses formations sur la transformation et l’exploitation du miel. Elle compte aujourd’hui une dizaine de membres répartis sur toute l’étendue du territoire national. Par an, sa production est estimée à plus de 100 tonnes de miel.
Son président, Mamadouba Keïta, souligne que la plupart de la production est vendue sur place aux étrangers qui exportent les produits. «Nous souhaitons arrêter cette exportation pour essayer d’ajouter de la valeur à nos produits, créer des emplois et de la richesse dans le pays», souligne-t-il.
En ce qui concerne son aspect traditionnel, Mamadouba Keïta soutient que les abeilles contribuent à soigner notamment le paludisme et des maladies respiratoires. Et elles protègent les arbres contre des maladies qui, à leurs tours, contribuent au renforcement du système écologique.
Mamadouba Keïta compare l’apiculture à l’élevage des animaux compte tenu de son intérêt vital. Il déplore le fait qu’aujourd’hui, le secteur soit frappé de plein fouet par l’utilisation abusive des pesticides dans l’agriculture. Ce qui réduit la population des abeilles au Mali d’environ 45%. À cela s’ajoute les effets néfastes des changements climatiques.
Ces facteurs, selon lui, feront que dans dix ans, les populations des abeilles disparaitront quasiment de notre territoire si rien n’est fait par rapport à la sensibilisation sur l’utilisation des produits chimiques.
Les abeilles et les autres pollinisateurs, tels que les papillons, les chauves-souris et les colibris sont de plus en plus menacés par les activités humaines. Pour attirer l’attention de tous sur le rôle clé que jouent les pollinisateurs, sur les menaces auxquelles ils sont confrontés et sur leur importante contribution au développement durable, les Nations unies ont déclaré le 20 mai Journée mondiale des abeilles.
MS/MD (AMAP)