Incendies : La part de responsabilité de l’homme
Par Tamba CAMARA
Bamako, 28 fév (AMAP) L’année dernière s’est achevée sur des incendies. Ils ont causé des morts, des blessés et des dégâts matériels importants. Les cas qui ont marqué les esprits sont ceux du marché de bois de la zone Ex-Imacy à Hamdallaye, d’un entrepôt de la zone industrielle, de l’usine de Diago à Kati, près de Bamako et de la rue marchande à l’ACI 2000, dans la capitale malienne.
Selon les statistiques de la Protection civile, durant la même année, il y a eu 1 429 cas d’incendies dans tout le Mali qui ont fait 29 blessés et 4 décès. Sans compter les nombreux dégâts matériels. En trois ans, il y a eu au total 16 morts dans les incendies.
Le 19 novembre 2022, débutait ce qu’on pourrait appeler une série d’incendies à Bamako et ses environs. Ce jour là, très top le matin, un énorme incendie est parti d’un magasin du marché de bois de la zone Ex-Imacy à Hamdallaye, un quartier de Bamako. Le feu a tout ravagé sur son passage. Il ne restait que des cendres de bois, des carcasses de véhicules et des kiosques métalliques abîmés. Il n’y a pas eu de perte en vies humaines mais les dégâts matériels ont été importants.
Au passage de notre équipe de reportage, nous avons appris que les soldats du feu ont mis 4 heures pour circonscrire cet énième incendie au marché du bois. D’après nos informations, les branchements illicites d’électricité seraient à l’origine de cet incendie.
Quatre jours après, le téléphone sonne encore dans la caserne des pompiers de Bamako-coura. Le feu a pris dans un vaste entrepôt de barils d’huile et de pneus dans la zone industrielle en Commune II du District de Bamako. Encore une fois, ni les alertes ni la promptitude des pompiers n’ont empêché les flammes de consumer trois magasins. Ce n’est qu’après 8 heures de lutte que les agents de la protection civile sont parvenus à freiner la propagation du feu avant de le maitriser totalement.
Le 6 décembre dernier, c’était le tour de l’usine de production de l’eau minérale «Diago» à Kati. Le feu a ravagé des conteneurs de cartons d’emballage entreposés dans l’enceinte de l’usine. Puis vient l’incendie du 26 décembre qui a consumé une centaine de stands de la rue marchande dans la zone ACI-2000.
LA FAUTE À L’HOMME – À en croire les uns et les autres, tous ces cas d’incendies sont dus à l’activité humaine. Y-a-t-il des pyromanes qui opèrent en toute impunité? Faut-il remettre en cause les installations ? Pour en savoir davantage, notre équipe de reportage s’est entretenue avec le sous-directeur des Opérations de secours et d’assistance (SDOSA) de la Direction de la protection civile, le lieutenant-colonel sapeur-pompier Bakary Dao.
De l’avis du colonel, l’incendie est souvent lié à l’activité humaine. « De façon générale, explique-t-il, les feux ont des fréquences liées à la périodicité saisonnière. » Cependant, il admet que ces dernières années, cette périodicité des incendies en ville ou en campagne n’est pas toujours respectée. Le phénomène est presque devenu notre quotidien. «Nous avons une période d’éclosion d’incendies au Mali mais c’est perturbé ces derniers temps. La preuve est qu’en novembre et décembre 2022, on a eu trois grands incendies dont deux à Bamako et un à Kati. Donc, le phénomène n’est pas dû seulement à la période. Il est dû aussi à la cause humaine dont la malveillance», détaille le lieutenant-colonel sapeur-pompier Bakary Dao.
En outre, notre interlocuteur explique la nuance entre un grand feu et un incendie. L’incendie, définit-il, est un feu violent non maitrisable dans le temps et dans l’espace. Cet incendie, dit-il, est causé soit par l’homme, la nature et la technologie. «Le développement est lié à la technologie qui est le plus souvent source d’incendie», dit-il. « Par contre, un grand feu est un incendie qui a un pouvoir de propagation très rapide et pouvant occasionner des dégâts importants », explique le lieutenant-colonel Dao. D’après lui, il existe quatre classes de feu à savoir, les classes A en rapport au papier, les B pour les hydrocarbures, les C pour le gaz et les D (rare) pour les métaux.
Sur la périodicité saisonnière des incendies ou des grands feux, l’officier de la Protection civile cite les mois de février à mai pour la fréquence des incendies d’origine électrique (usines, marchés, voitures, stations-services, citernes). Et pour les mois de juin à décembre, ce sont des incendies mineurs comme les feux domestiques. Les causes, selon le spécialiste, sont naturelles (foudre, tornade, intempérie), humaines (accident, imprudence, négligence, malveillance, sabotage, crime) et technologiques.
Le responsable de la SDOSA précise que la saison chaude est favorable aux grands incendies à cause de la forte chaleur (surchauffage, court-circuit, installations vétustes etc.) Cependant, le colonel Dao précise que les incendies les plus fréquents à Bamako sont dus, en grande partie, à l’activité humaine. « La mort par asphyxie ou par brûlure, la blessure par brûlure, les destructions des biens, de l’écosystème et la pollution de l’air, des sols, de l’eau sont quelques conséquences des incendies », fait savoir le chef sapeur-pompier.
GESTES PRÉVENTIFS – « Nous devons prendre des précautions, respecter les mesures règlementaires pour nous protéger et sauver nos biens », conseille le lieutenant-colonel Dao. Il explique que le témoin de l’éclosion d’un incendie doit évacuer les personnes susceptibles d’être victimes (enfants, personnes à mobilité réduite, vieillards) par les issues de secours tout en utilisant l’extincteur à disposition en visant la base du feu. Les personnes à secourir doivent sortir en rampant. Cela, sans oublier de disjoncter le compteur électrique et appeler les services de secours au 80 00 12 01.
Pour le lieutenant-colonel Dao, la Direction générale de la Protection civile dispose de moyens, avec la récente réception de 20 véhicules d’intervention dédiés, pour mieux lutter contre les incendies. Mais pour soutenir ces investissements de l’Etat, il invite la population, singulièrement les investisseurs, au respect strict de la prévention.
«On ne doit pas installer des usines, entrepôts, dépôts, entreprises, rue marchande sans tenir compte des mesures de prévention. Dans la règlementation, on doit avoir un poteau d’incendie à tous les 200 m», dit-il. Avant de regretter l’insuffisance de poteaux d’incendies et la non implication des maires dans la gestion de ces feux.
Selon le responsable de la Protection civile, il y a environ 158 poteaux d’incendie pour toute la ville Bamako. Si certains de ces poteaux sont mal installés. D’autres ne fonctionnent pas du tout.
TC/MD (AMAP)