Musique : Ballaké Sissoko, héros discret de la kora

Par Youssouf DOUMBIA

Bamako, 30 avr (AMAP) L’une de nos virtuoses maliennes de la kora, Ballaké Sissoko, livre un nouvel album. Intitulé « Djourou » ou la corde en bamanankan, ce opus est le fruit de sa collaboration avec huit autres interprètes et instrumentistes. Il s’agit de Salif Keita, Oxmo Puccino (France-Mali), Sona Jobarteh (Gambie), Camille, Feu ! Chatterton, Patrick Messina et Vincent Segal de France. Avec ces deux derniers, il interprète la « Symphonie Fantastique » de Berlioz. Un exemple de la façon dont le joueur de kora connecte magiquement son instrument à vingt et une cordes avec d’autres instruments.

Ballaké Sissoko et Vincent Segal ont fait se rencontrer la kora et le violoncelle depuis bien longtemps : leur amitié a donné lieu à deux albums, Chamber music (2009) et Musique de nuit (2015), enregistrés à Bamako où Vincent Segal rend régulièrement visite à Ballaké Sissoko.

« Quand je veux jouer avec quelqu’un, confie le Malien, je dois d’abord comprendre son fonctionnement, construire une amitié : c’est mon premier repère. Et ça demande du temps. » Enregistré à Angoulême dans le studio du contrebassiste de jazz Kent Carter, At Peace rassemble de fait autour de lui des compagnons de longue date et de confiance.

Outre Vincent Segal, on retrouve ainsi Aboubacar « Badian » Diabaté, dont le phrasé de guitare (principalement sur une 12 cordes) et la faconde sans esbroufe sont colorés par son expérience première de joueur de ngoni ; l’essentiel et discret Moussa Diabaté, son complément idéal à la guitare 6-cordes ; et Fasséry Diabaté, dont les subtils traits de balafon figuraient déjà sur les albums Tomora et Chamber Music.

Réunis sur les titres Badjourou et Kalata Diata, les cinq hommes signent une musique qui s’illustre par la sophistication des motifs et des prises de parole. Un art du tissage et de la conversation, qui se poursuit jusque dans les morceaux aux configurations plus resserrées : les deux duos kora-guitare, Boubalaka et N’tomikorobougou, formidable échange de 10 minutes entre Badian et Ballaké, saisi à la volée dans la cour de la maison de ce dernier à Bamako ; le duo kora-violoncelle Kabou ; et la lumineuse reprise en trio d’Asa Branca, le standard du Brésilien Luiz Gonzaga, qui invite tendrement le baião nordestin en territoire mandingue.

Dans les albums Chamber Music (2009) et Musique de nuit (2015), notamment, il a entamé un dialogue subtil avec le violoncelliste français Vincent Segal. Pour le projet 3MA, il a également conversé avec le oud arabe de Driss El Maloumi et la valiha malgache de Rajery.

Le nouveau défi qu’il s’est lancé sur le label No Format est encore plus ambitieux : créer un disque, Djourou, qui convoque pas moins de huit invités, aux styles tous différents. « La kora est née en Afrique, mais elle peut voyager partout, résume Ballaké Sissoko dans les bureaux de son label parisien. Je voulais inviter des amis, partager des idées, sans pression. »

« Je suis dans plusieurs collaborations », confie le fils du célèbre Djéli Mady Sissoko qui a débuté à l’Ensemble instrumental. Ce qui lui permet de jouer avec cinq groupes en France, deux en Italie, un en Grèce et un dernier aux États-Unis. Car dans le milieu professionnel, la kora est un instrument très sollicité. C’est donc une question de programmation. Son agenda est chargé jusqu’en 2021, avec des concerts, des ateliers, des enregistrements, des festivals, d’autres prestations.

Depuis 2002, il participe, avec quelques-uns des plus grands professeurs de musique traditionnelle du monde entier, aux masters classes du célèbre musicien grec Ross Daly.

En 2019, Ballaké Sissoko a été récompensé, en compagnie de Oumou Sangaré, par le Prix Aga Khan de Musique dans la catégorie « Contributions remarquables et durables en faveur de la musique ». Quelques années avant, son album «At Peace» a reçu en novembre 2012 le Grand Prix de l’Académie Charles Cros de France dans la catégorie « Musiques du Monde ».

YD (AMAP)

 

Pratiques coloniales/L’indigénat: entre brimades et infantilisation

ean-Louis Sagot Duvauroux à Zakoïré ( Bazi Haoussa) dans les années 1970

Dr Ibrahim MAIGA

Venue en Afrique au nom de la « Civilisation », la colonisation n’a été finalement que l’illustration d’une exploitation économique sur fond de ségrégation absolue. Tel était le fondement de l’indigénat, ce « droit spécial » uniquement applicable aux seuls sujets français. Les pratiques étaient si abjectes et loufoques qu’il faut bien se demander si la grande révolution de 1789 était universaliste dans ses aspirations.

Mon ami Nouhoum Kéita est natif de Faléa dans le Cercle de Kéniéba. Il m’a raconté, au gré d’une conversation fortuite, comment son grand père et certains de ses amis « ont fait tomber », dans un marigot, le Blanc qui venait de réquisitionner les bras valides ; les plus vigoureux du village, pour son transport dans un hamac. Le déplacement était organisé à la chaîne. Le chef de village fournit les hommes ; les gardes entretiennent le sens de la marche à la cravache ; le Blanc n’avait qu’à se vautrer dans son « filet » pour une journée de 15 à 20 kilomètres. Les porteurs pouvaient être au nombre de quatre ou six. Ils ne portaient pas que le Blanc ; ils transportaient aussi leur nourriture pour la durée de la corvée.

Alors, me dit Nouhoum, dans une gestuelle très rythmée, mon grand-père et son escouade qui avaient mûri leur stratagème, se sont mis à parler un malinké aussi dense que la pâte d’arachide. C’était la trame du complot auquel, bien sûr, le Blanc n’a rien compris. Les gardes qui assuraient sa sécurité aussi n’ont rien vu venir car les porteurs, pour les semer, avaient accéléré incidemment le pas. Sur le marigot qui était guéable, ils ont subitement lâché prise et voilà le « toubabou ké » dans l’eau avec tous ses attributs de souveraineté : sa tenue de commandement et son casque colonial, tous de couleur blanche. C’est quand l’infortuné commis a hurlé, croyant qu’il allait se noyer, que les gardes se sont rendu compte que de leur méprise. Leur forfait perpétré, les porteurs ont enjambé le fleuve Falémé pour se retrouver au Sénégal et pour longtemps. C’était-là une forme de résistance.L’historien Bakary Kamian rapporte une anecdote du même genre. Ici, il s’agit d’un administrateur basé à San. Il ne pouvait souffrir que son sommeil soit perturbé par le croassement des batraciens des mares environnantes. La solution qu’il trouva était d’armer les jeunes avec des bâtons. Ceux-ci passaient la nuit au bord des mares à faire du tapage pour contenir la musique des animaux aquatiques. Le supplice durait tout l’hivernage. Le sommeil de « Baba Commandant » était à ce prix.

Les administrateurs coloniaux n’étaient pas les seuls dans ce vaudeville. Il y avait les gardes, les goumiers et les interprètes, des auxiliaires d’une grande servilité envers le colon. Chargés de la collecte de l’impôt, ils assuraient également la transmission des messages dans la chaîne de commandement. Almahadi Ag en était un dans le Cercle de Gao. L’homme était notoirement connu pour sa brutalité. Il avait aussi un penchant pour les belles femmes, au point que dans les chansons au clair de lune, il avait sa partition. C’était connu de tous que si Almahadi devait passer la nuit dans un village, il ne pouvait « dormir » seul. Lorsqu’il avait des villages à harceler pour le paiement de l’impôt et l’organisation des réquisitions, il les mettait en série de sorte à venir passer la nuit dans le village où il a prévu d’agrémenter sa nuit avec l’une des plus belles femmes repérées. Ce jour-là, il fit sa « tournée » et vint à camper dans un village.

Il demanda du lait frais dans sa tanière. Ses hôtes se sont empressés de lui donner satisfaction en y ajoutant leur ‘arme de guerre’. Dans le lait fraichement obtenu, ils ont fait remuer la queue de la vache, de sorte à obtenir un liquide hautement purgatif. Dès que Almahadi a fini de boire son lait, il a fini aussi avec la paix ; contraint de prendre ses quartiers dans la broussaille du fait de la diarrhée soudaine qui s’est emparée de lui. Et honteux, il a fini par prendre son chameau et chercher illico sa route. Ne voulait-il pas passer la nuit en galante compagnie ? Ces anecdotes ne traduisent que le côté loufoque de l’entreprise coloniale.

LES REQUISITIONS = L’indigénat devint dès lors l’instrument indispensable de l’économie politique coloniale. Les réquisitions, cette forme brutale d’accaparement de la force de travail des colonisés sur des chantiers qui n’étaient pas les leurs en étaient un des piliers. C’était la règle et s’y soustraire était passible d’une peine d’emprisonnement qui pouvait atteindre vingt-cinq jours. Les amendes pouvaient culminer à cent cinquante francs. Souleymane Traoré a mené des études socio-économiques lors de l’aménagement des terres agricoles pour le compte de l’Office du Niger, dans la nouvelle zone irriguée de Mbéwani.

Il a particulièrement travaillé sur l’ancien canton de Pogo. Une partie de ses résultats est consignée dans l’ouvrage intitulé « L’État face à la décentralisation à l’Office du Niger : la dynamique foncière dans le Kala » (Point Sud, Bamako, 2004). Voici ce que lui a dit le chef de village de Pogo : « Autrefois, le départ pour le colonat se faisait par la force ; nous forçions les gens à partir. Les misérables partaient, en revanche ceux qui avaient les moyens nous donnaient quelque chose pour éviter le départ de leurs enfants. Chaque village devait fournir un nombre déterminé. Comme c’était à nous de rassembler les hommes, nous épargnions nos gens et nos protégés d’un départ dans le colonat ». Il ajoute : « à l’époque des travaux forcés, quand les Blancs exprimaient le besoin de mobiliser 20 hommes, le « Cesigui » ou l’intermédiaire entre l’administration et le chef de canton, en réclamait 30.

Les 10 hommes supplémentaires étaient un moyen pour la Chefferie de rançonner les populations. » Il poursuit : « À Fièbougou, un jeune homme a été mobilisé à la veille de son mariage. Malgré toutes les imprécations, nos gens n’ont pas accepté que le jeune homme passe la seule nuit de noce avec sa nouvelle fiancée. Il a été conduit par la force, et a passé plus de six mois sans voir sa future épouse. » Ici se trouve les jalons de la corruption des sociétés africaines. Hampâté Bâ nous en dit plus dans « L’étrange destin de Wagrin » quand il parle de l’immense pouvoir de l’interprète : « Je suis […] l’interprète du commandant. Je suis son œil, son oreille et sa bouche. Chaque jour, je suis le premier et le dernier auxiliaire qu’il voit. Je pénètre dans son bureau à volonté. Je lui parle sans intermédiaire. Je suis Racoutié qui s’assied sur un banc en beau bois de caïlcedrat devant la porte du commandant blanc. Qui parmi vous ignore que le commandant a droit de vie et de mort sur nous ? Que ceux qui l’ignorent sachent que ma bouche, aujourd’hui, Dieu merci, se trouve être la plus proche de l’oreille du commandant. » (Bâ 1973 : 51)

LES SÉQUESTRATIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDIQUES – Bénédicte Brunet-La Ruche et Laurent Manière dans « De l’exception » et du « droit commun » (Presses de l’université de Saint Louis, Collection Travaux de recherche, 2014), ont rapporté des faits relatifs à l’aberration coloniale au Dahomey en 1918. Un homme, écrivent-ils, a été réquisitionné pour une prestation. Non content, parce que s’estimant victime d’un abus, il s’en prend violemment à son chef de quartier qu’il invective de manière grossière.

Le commandant de Cercle de Ouidah, se saisit de l’affaire et sanctionne le vindicatif à une peine de 8 jours de prison pour « propos irrespectueux » en application du Code de l’indigénat. Les choses auraient pu s’arrêter là. Mais un mois après, et alors même que l’homme avait purgé sa peine, le lieutenant-gouverneur du Dahomey, effectuant un contrôle administratif a postériori, se rend compte que le commandant de cercle s’était fourvoyé dans l’appréciation et la qualification des faits. En réalité, le Code de l’indigénat ne condamne que les propos irrespectueux d’un Africain envers un « représentant européen de l’autorité ». Pour le fait incriminé, il eût fallu faire passer l’infortuné devant le tribunal de cercle ; il relevait de la justice indigène ! Le Code de l’indigénat est un ensemble de règlementations qui accorde aux administrateurs coloniaux le droit d’appliquer aux populations autochtones des sanctions disciplinaires de tout type.

UNE MONSTRUOSITÉ JURIDIQUE – L’indigénat sera reconnu d’une grande utilité pour l’administration coloniale. Le Pr A. Girault qui a rédigé un manuel de législation coloniale retient qu’il s’agit d’un « moyen de répression souple, commode, rapide qui évite de recourir à des procédés plus rigoureux ». Olivier Le Cour Grandmaison dans le « Droit colonial et code de l’indigénat » essaie de comprendre la fonctionnalité de ce code absurde.

Il écrit : « Quand bien même il déroge aux lois fondamentales de la République, le « régime disciplinaire » précité – sont visés le Code de l’indigénat, l’internement, le séquestre et la responsabilité collective – doit être apprécié à l’aune exclusive de son efficacité. En ces matières, la fin poursuivie – la défense de la « présence française » comme on l’écrit alors – justifie tous les moyens fut-ce au prix de l’instauration d’un ordre juridique « monstrueux » qui se signale par des pouvoirs exorbitants et « arbitraires » conférés au gouverneur général chargé de prononcer les peines propres aux « indigènes. »

Et pour bien juger de cette situation, il faut s’affranchir des principes hérités de la Révolution dont on découvre qu’ils font l’objet d’une application fort restrictive puisqu’ils ne valent ni pour tous les lieux, ni pour tous les hommes. » Ce n’est donc pas une surprise quand le même auteur soutient que « le pouvoir suprême » en Outre-mer doit être confié à un « personnage » -le gouverneur – capable de « briser toutes les résistances qui viendraient à se produire. »

La République en toute légalité avait établi une coutume ; coutume elle-même issue de l’ancien régime (L. Rolland et P. Lampué. Précis de législation coloniale, Paris, Dalloz, 1940, § 201, p. 151). Bien après la grande révolution de 1789, l’article 109 de la « Loi fondamentale de la Seconde République » faisait de l’Algérie et des (autres) colonies un territoire français. La même loi dit que ce « territoire français » restait régi par « des lois particulières jusqu’à ce qu’une loi spéciale les place sous le régime de la présente Constitution. »

C’est ce régime transitoire qui est devenu définitif sous l’emprise de « l’expression d’un principe » qui produit des effets sur un siècle dans les colonies. C’est bien aussi ce qu’avait soutenu, Pierre Dareste (Traité de droit colonial, Paris, 1931, p. 233) dans la pure tradition de la logique formelle du droit que « Les lois métropolitaines ne [s’étendent] pas de plein droit aux colonies qui [sont] régies par une législation propre ».

 

TÉMOIGNAGE
Jean-Louis Sagot a enseigné les lettres au lycée Prosper Kamara de Bamako dans les années 70. Altruiste, il s’est lié depuis au Mali qui est devenu l’un des grands centres d’intérêt de sa création artistique et intellectuelle. Il a connu cette histoire des hamawis déportés à Ansongo. Son témoignage est une pièce de première main, lue sur sa page Facebook, le 16 avril.

À nouveau une chronique passionnante et fouillée du Dr Ibrahim Abdoulaye Maïga, anthropologue et historien, dans le supplément culture de l’Essor, le quotidien malien de référence. Cette histoire porte sur la cruelle répression qui s’était abattue sur un mouvement de résistance à la colonisation dont la singularité était qu’elle s’ancrait dans un refus ferme mais pacifique de soumettre son esprit et sa foi à la volonté de l’occupant. Elle me touche à plusieurs titres.

J’avais échangé sur ces faits avec notre regretté père Abdoulaye Assadékou, dans les années 70 où j’allais régulièrement passer des vacances dans le village de Zakoïré (Bazi Haoussa/Ansongo). J’ai écrit une pièce librement inspirée du personnage du Chérif Hamahoullah dont on prépare à Bamako la création.

J’ai souvent franchi la route creusée dans la roche à la sortie de la ville par les déportés hamallistes au prix de la vie d’une grande majorité d’entre eux. Honneur à eux et à leur courage ! Ils sont un exemple pour les enfants du Mali et pour les enfants de France, ceux en tout cas qui aiment la liberté et l’élévation spirituelle.

Je me permets d’ajouter en témoignage une photographie du temps où j’ai appris ces événements, dans la cour d’une famille qui est devenue mienne il y a près de 50 ans, celle de mon ami Harouna, de notre père Abdoulaye, de notre maman Mariama. L’histoire rapportée par le Dr Ibrahim Maïga nous fait ressentir combien nous gagnons tous au dépassement du vieux monde et à l’invention d’une fraternité sans frontière. Et le soleil se lève chaque matin…

 

RECONNAISSANCE CONFRATERNELLE

Notre article paru dans la rubrique « PRATIQUES COLONIALES » de L’Essor du 12 mars 2012, sous le titre « Tombouctou : La déportation, l’internement et la mort de Aline Sitoë Diatta en 1944 ».

La déportation, l’internement et la mort de Aline Sitoë Diatta » a retenu l’attention de notre confrère « Sud Quotidien du Sénégal, dans son édition N° 8382 du Samedi 24 – Dimanche 25 avril 2021, sur les pages 8 et 9. Le journal « mondafrik.com » a également mis le même article sur son site du jour.

 

 

Avec l’album «Kôrôlen»: Toumani Diabaté sur orbite pour un 3è Grammy

Par Moussa BOLLY

Bamako, 30 avr (AMAP) Il en rêvait : partager un album sur lequel la kora communie aisément avec la musique classique ! Et Toumani Diabaté, la légende de la Kora, vient de concrétiser ce rêve avec son nouvel album réalisé avec l’orchestre symphonique de Londres (The London Symphony Orchestra/Royaume uni).

«Kôrôlen» est une œuvre de six titres (Hainamady Town, Mama Souraka, Elyne Road, Cantelowes Dream, Moon Kaïra et Mamadou Kanda Kéita) disponible sur toutes les plateformes de téléchargement depuis le 23 avril 2021. Et ils sont nombreux les critiques qui pensent que cet opus peut se tailler un Grammy Awards.

«Kôrôlen» (un clin d’œil au passé, aux traditions voire aux racines), selon le teaser de l’opus, a été commandé par le Barbican Centre de Londres (Angleterre) et produit par «World Circuit». En dehors de Toumani Diabaté, on y retrouve également des musiciens maliens bien connus, dont feu Kassé Mady Diabaté, dont la sublime voix résonne nostalgiquement sur «Mamadou Kanda Kéita», et Lassana Diabaté (balafon).

Le titre générique, «Kôrôlen», résume bien cette œuvre de très belle facture avec d’anciennes mélodies africaines qui fusionnent avec des arrangements symphoniques occidentaux pour créer un son que des critiques classent comme «un magnifique afro-néo-classique». «Cet album est si frais et si original qu’il ne devrait avoir aucune difficulté à plaire à la fois aux amoureux de l’Afrique et sa musique traditionnelle, ainsi que de nouveaux classiques et de la musique d’ambiance…», a commenté un critique anglais.

Le roi voire la légende de la mythique kora fait scintiller cet album par des gammes inédites naviguant entre tradition et modernité. Comme nous l’écrivions au début, cette expérience concrétise un vieux rêve de Toumani Diabaté dont la quête a toujours été d’ouvrir «une porte universelle à la kora afin que les gens n’écoutent plus ses sensationnelles sonorités comme celles d’une musique seulement traditionnelle». Sur «Kôrôlen», il relève brillamment ce défi d’honorer ce «passé qui croise le présent pour ouvrir la voie au futur».

Cette quête explique sans doute ces nombreuses et brillantes collaborations avec des monstres sacrés ou sa participation à des projets de divers horizons comme Taj Mahal, Björk, Béla Fleck, Damon Albarn, Ketama, Roswell Rudd, Afrocubism (2010), Playing for Change, Silkroad Ensemble, Sing me home (2016) et récemment Lamomali (2017)…

On n’oubliera pas surtout les deux superbes albums réalisés avec le regretté Ali Farka Touré. Il s’agit de «In the Heart of the Moon» (2005), et «Ali and Toumani» (sorti le 25 février 2010), deux chefs d’œuvre récompensés par le Grammy Awards du «Meilleur album traditionnel». Mais, avec «London Symphony Ochrestra», Toumani franchit certainement un cap plus audacieux dans sa volonté de toujours s’ouvrir aux musiques d’inspirations diverses. Et le résultat est visiblement à la hauteur des attentes puisque cette œuvre suscite déjà les éloges des premiers critiques qui l’ont entièrement écouté.

«La musique est si merveilleusement belle ! J’ai déjà joué un morceau dans mon émission de radio et j’ai hâte d’entendre l’album complet afin d’en jouer davantage», confesse un animateur australien. Et selon les premières réactions, «Kôrôlen» met encore Toumani Diabaté sur orbite pour un 3e Grammy Awards de sa carrière.

Considéré comme l’un des plus grands joueurs de kora de tous les temps, Toumani Diabaté est né en 1965 dans une famille de griots, il est le fils de Sidiki Diabaté, reconnu dans toute l’Afrique de l’Ouest pour être le roi de la kora. En digne héritier, Toumani s’est fait une réputation mondiale avec sa kora toujours avide d’expériences atypiques !

MB (AMAP)

Aéroport international président Modibo Keita de Bamako : Au rythme des crises et de la Covid-19

Les passagers à l’arrivée attendent sur les points de séparation avant de remplir les formalités de police

Reportage : Oumar SANKARE

Bamako, 28 avr (AMAP) Il est 20h, la circulation routière habituellement dense à cette heure, est fluide. De la route quittant Kalaban à l’Aéroport international président Modibo Keita- Sénou de Bamako, la capitale malienne, des boutiques se préparent à fermer et un groupe de sportifs de début de soirée marchent à pas rapides le long de la route. A quelques kilomètres de là, sur un édifice, une espèce d’arche, suspendu sur la 2 x 2 voies de l’aéroport est inscrit « Bienvenu à Bamako», en différentes langues. Tout au long de la route, des groupuscules de marcheurs, coureurs ou autres personnes soulevant des altères s’affairent et transpirent.

Au check-point, une petite file d’attente, les voitures, après inspection, sont autorisées à accéder à l’aéroport. Le vent souffle de tous les côtés. Une ou deux voitures se suivent dans le plus grand calme jusqu’au parking.

L’aéroport dispose de trois parkings. Un premier réservé aux personnalités et diplomates. Le deuxième, pour le personnel et les taxis partenaires de l’aéroport. Et le troisième, destiné aux voyageurs et leurs accompagnateurs. A la sortie de chaque parking, se trouve un grand dispositif de lavage des mains avec savon liquide à profusion. Les différents parkings sont presque vides. Le parking numéro 3, c lui des voyageurs et accompagnateurs, d’ordinaire rempli ne compte qu’une vingtaine de voitures, ce soir. « D’habitude, on accueillait une centaine de voitures. Très souvent, on manquait de places et on avait de la peine à caser le flot de véhicules », dit un agent de la sécurité des stationnements.

L’aéroport international président Modibo Keita-Senou comprend deux terminaux. Le Terminal qui, jadis, recevait les vols civils, est aujourd’hui destiné aux services militaires de la Mission intégrée multidimensionnelle des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA). Le Terminal 2, nouvellement construit, reçoit tous les vols et frets civils.

A l’entrée des deux terminaux, des groupes de personnes, qui pour accompagner, qui pour accueillir, un proche, attendent, On discute, on échange. Quelques rires par-ci, par-là, D’autres s’embrassent et sautent dans les bras des uns les autres. Ce spectacle fait presque oublier les mesures barrières. Au milieu de cette effervescence, des militaires européens poussent leur charriot. Ce sont des militaires de la MINUSMA, ou de l’opération française « Barkhane » et autres.

Notre autorisation de visite concerne uniquement le Terminal 2. Cependant, chaque voyageur est tenu de faire peser ses bagages et les faire filmer au Terminal 1, avant de se rendre au Terminal 2.

A l’entrée de Départ du Terminal 2, des voyageurs, en file indienne, présentent leur test covid, obligatoire, aux agents de santé. Après vérification de ce sésame, l’un des agents prend la température à l’aide d’un thermomètre en forme de pistolet, suivi de l’usage du gel hydro alcoolique. Chaque voyageur suit obligatoirement cette procédure.

Selon Sory Ibrahima Diarra, agent de l’Aéroport du Mali (ADM), le test covid obligatoire « est source de dispute, très souvent ». « De nombreux passagers perdent leur test avant d’arriver ici. Nous sommes obligés de les renvoyer chez eux, Seuls ceux ou celles qui possèdent leur test valide sont autorisés à passer », explique-t-il.

Il arrive, aussi, que certains essayent de tricher le avec le système. Pour faire face à de tels cas, l’ADM, reçoit des données de l’Institut national de recherche en santé publique (INSP), ce qui permet de filtrer et détecter les fraudeurs. En plus, du dispositif Covid-19, une disposition Ebola et d’autres maladies épidémiques, sont en place, avec l’aide des services sanitaires, depuis la découverte du premier cas en République de Guinée. Chaque lundi, une réunion covid, dirigée par le coordinateur Mohamed Lamine Diabaté, se tient avec les partenaires de l’aéroport.

Au même-moment, le commandant Moulaye A. Haidara, de la police de l’Aéroport, s’approche d’un groupe de personnes. Le ton s’élève. Il calme la situation, après quelques échanges. Plus tard, Il dira qu’il s’agissait d’un diplomate européen. Ce dernier refuse de porter son masque, d’où son interpellation par la sécurité. Le diplomate, enlève un masque bleu PPE d’un carton de son sac à main, comme pour montrer qu’il en possède plusieurs. Après avoir porté le masque, il est autorisé à poursuivre la procédure.

Les voyageurs sont, ensuite, guidés vers le deuxième point de contrôle. Cette fois-ci, il s’agit de contrôle des documents de voyages. Sur le sol, à distance respectable, des points sont marqués à chaque mètre. Ces points rouges sur lesquels sont inscrits « Respectons les mesures barrières », indiquent où chacun doit se tenir, afin de passer, à tour de rôles, aux box de vérification. Ici, aussi, le commandant Moulaye A Haidara, interpelle deux voyageurs et leur indique où se tenir. « Certains ne savent pas lire et on est obligé de les suivre à chaque étape. D’autres refusent de coopérer et disent qu’on les dérange. Pire, certains disent ne pas croire à l’existence du coronavirus».

Le Mali traverse une crise multidimensionnelle (politico-sécuritaire) depuis 2012 marquant le pays au rouge sur les cartes dans les différentes Chancelleries. Certaines déconseillent fortement la destination Mali à leurs citoyens, d’autres, comme l’ambassade des Etats-Unis d’Amérique, émettent fréquemment des messages d’alertes pour signaler les risques d’attentats terroristes.

De quoi décourager touristes et investisseurs. A cela, s’ajoute, depuis un an, la pandémie de coronavirus qui a paralysé l’économie mondiale. Les avions, de part le monde, sont restés cloués au sol. L’aéroport International président Modibo Keita de Bamako a aussi vu ses activités baisser.

« L’aéroport Du Mali est resté fermé du 20 mars 2019 au 25 juin 2020 pour raison de Covid », rappelle Sory Ibrahima Diarra. Cependant, les vols de rapatriements d’étudiants et travailleurs maliens coincés à l’étranger étaient autorisés. Ces retours ont été obligatoirement suivis d’isolement dans un hôtel. Les vols entre le Maroc et le Mali sont suspendus, depuis le 24 mars, pour raison de cas élevés de contamination au Maroc. Cette suspension devrait être levée le 12 avril.

Le troisième point de contrôle, est le Poste d’inspection filtrage (PIF). Ici, on passe à travers un détecteur de métaux, en enlevant ceintures, chaussures, montres… Pour le commandant Haidara, ce contrôle est nécessaire, pour s’assurer qu’aucun objet dangereux ne rentre dans l’avion. Après cette minutieuse fouille, les voyageurs sont autorisés à passer à l’étape suivante.

Dans la salle d’embarcation, les mesures de distanciation sociales sont respectées, même s’il n’y a pas une grande affluence. Seule une dizaine de personnes sont assises dans le grand hall d’embarquement. Entre trois chaises, celle du milieu est marquée par une croix indiquant « Respecter les mesures barrières ». Traduction : personne ne doit s’asseoir là.

Dans la salle d’embarcation, des boutiques de tout genre. Selon Aboubacar Touré, de la direction commerciale de l’ADM, la majorité des étagères sont vides dû au manque d’affluence de clients, depuis le début de la pandémie. Tout comme les boutiques, les restaurants de l’aéroport sont pratiquement déserts et exemptés de frais de location, afin de les aider, un gant soit peu, à tenir le choc.

Concernant les vols à l’arrivée, le processus est moins long. Nous assistons aux différentes étapes suivies par les passagers d’un vol d’Air Mauritanie qui a atterri à 23h. Tous les passagers sont tenus de présenter un test Covid valide « au risque de se faire renvoyer dans le pays du vol d’origine sur le champs», assure le chef de la police de l’aéroport.

Un groupe d’environ huit hommes et femmes, en blouse blanche, procède à la vérification du test Covid et prennent la température de chaque voyageur. Ensuite, ils sont invités à utiliser du gel hydro alcoolique fixé à l’entrée d’une cabine de stérilisation. Chacun passe dans la cabine où une vapeur blanche, éjectée du haut, douche le voyageur. Deux box de stérilisation permettent d’accélérer le processus et surtout d’éviter un attroupement de passagers à ce niveau.

Après, les passagers prennent l’escalier pour descendre au niveau du service de la police de l’Air et régler les différentes formalités d’entrée sur le territoire national. Une fois cela fini, ils sont invités à aller réceptionner leurs bagages. Au niveau du tapis roulant, des signes au sol indiquent où se tenir, pour respecter la distanciation sociale. Mais, là encore, de nombreux passagers ignorent les indications sur le sol. Une équipe de la police de l’air, s’approche d’eux et les sensibilisent. Certains coopèrent immédiatement tandis que d’autres ignorent ou trainent les pas.

Un document sur les statistiques de trafic aérien de l’Aéroport international président Modibo Keita-Senou, auquel nous avons eu accès, permet de voir à quel point l’aéroport a été par la pandémie. Selon les données compilées par la direction commerciale, le premier trimestre de l’année 2020, pour les arrivées et départs, donnait 1.582 vols en janvier, 1.910 en février et 1,210 en Mars. Immédiatement après cela, le nombre de vols est divisé par deux. Nous sommes en plein dans la crise sanitaire.

Au deuxième trimestre, il y a eu respectivement 638, 636 et 826 vols pour les mois d’avril, mai et juin. Les chiffres stagnent jusqu’au quatrième trimestre où il y a une légère augmentation, avec 112 arrivées + départs, au mois de novembre.

En terme de nombre de personnes, arrivées et départs confondus, au premier trimestre 2020, 71371 ont été recensées, avec 3165 personnes en transit. A partir de là les chiffres décroissent pour atteindre respectivement 8253, 6789, 6935 personnes pour les mois de Mars, Avril, Mai et Juin. A cela, il faut ajouter qu’il n’y a eu aucun transit (0) durant tout le deuxième trimestre. Cependant, à partir du troisième trimestre le taux de fréquentation augmente progressivement jusqu’au mois de Décembre 2020. 53008 personnes, arrivés et départs confondus, ont été enregistré avec 782 personnes en transit.

Seul, le fret n’a pas été impacté, selon les données à notre disposition.

OS (AMAP)

 

Fake news sur les réseaux sociaux : Des proportions inquiétantes

Par Mohamed TOURÉ

Bamako, 30 avr (AMAP) L’ancien Premier ministre malien, Ousmane Issoufi Maïga, l’ancien défenseur de le’quipe nationalke de football « Les Aigles », Adama Coulibaly, la cantatrice Mah Kouyaté N°1… la liste est longue comme un bras, des personnalités publiques maliennes qui partagent désormais un point commun. Toutes ont vu, ces derniers mois, les annonces de leur fausse mort devenir virales sur les réseaux sociaux. Ces informations mensongères circulent à la vitesse de la lumière sur Facebook ou encore WhatsApp et sont largement propagées par les internautes qui ne semblent pas mesurer les conséquences du partage des informations. De l’anecdotique fausse rumeur relayée via les plateformes, aux réelles tentatives de manipulation de l’opinion, la palette du phénomène est large dans notre pays.

Ainsi, le 16 décembre 2020, une nécrologie erronée annonçant le décès de « Police », l’ancien « roc » de la défense centrale de l’équipe nationale de football, faisait le buzz sur Facebook. « Triste : le vrai policier s’est éteint », titrait notamment un article largement partagé par plusieurs pages sur le réseau social sans vérifications. Les réactions spontanées de proches ou de personnes ayant pris le temps de faire des vérifications ont démenti la fausse nouvelle.

La fréquence de leur succession pourrait relever d’une coïncidence, mais la récurrence des fausses informations met en lumière un problème réel dans l’espace médiatique au Mali. Celui des « fake news » (fausses nouvelles en anglais). Il devient si criard qu’il urge de le « circonscrire », de l’aveu de plusieurs acteurs nationaux du secteur des médias que nous avons approchés.

« La notion de fake news, l’acceptation qu’il faut en avoir actuellement, c’est une fausse information qui, dans 90% des cas, est donnée de manière délibérée et englobe aussi un but précis », explique Gaoussou Drabo, journaliste et ancien ministre de la Communication du Mali. Il attire l’attention sur les subtilités lexicales, afin de mieux cerner le problème des fausses informations et précise l’importance de la nuance entre les fake news et les informations non avérées que peut donner un journaliste sans intention de nuire.

« Ce n’est pas une fausse information donnée de bonne foi. Un journaliste peut donner une fausse information pour s’être trompé de bonne foi », relève l’ancien directeur de l’Agence malienne de presse et de publicité (AMAP). La notion de fake news recouvre tout ce qui a une charge négative et qui peut nuire à l’honorabilité d’une personne, aussi bien à l’ordre public qu’à la sérénité sociale. Ces informations, savamment distillées, peuvent avoir des conséquences désastreuses. Dans le sillage de la pandémie de la Covid-19, nombreuses sont les publications sur de faux remèdes. Des mesures prétendument efficaces contre le virus ont aussi inondé les réseaux sociaux.

UN PROBLÈME GLOBAL – « Les fausses informations sont publiées dans le monde entier et le Mali ne suit que la dynamique globale », estime Gaoussou Drabo. « Il n’y a pas une explication spécifique à la récurrence des fake news au Mali. Ce qui se passe au Mali est la réplique exacte de ce qui se passe dans les autres pays du monde », tranche-t-il. Néanmoins, il existe certains facteurs pouvant expliquer l’explosion effrénée des informations douteuses, voire fabriquées, sur les réseaux. « La facilité d’utiliser les nouvelles technologies, à mettre dans l’espace public, aussi bien des images, des photos que des propos, fait que tout le monde s’intitule porteur d’une opinion ou porteur d’une information », souligne l’ancien ministre.

La libération de la parole publique apportée par les réseaux sociaux se révèle un terreau fertile à la prolifération de certaines fake news. C’est également l’avis de Salif Diarrah, journaliste, directeur de publication de Maliactu.net et chargé de cours de web-journalisme à l’Ecole supérieure de journalisme et des sciences de la communication (ESJSC). «Tout le monde se croit journaliste de nos jours parce que quiconque a les outils pour partager l’info le fait. Alors que tout le monde n’est pas habilité à informer», explique-t-il. Les réseaux sociaux participent donc à banaliser la pratique du journalisme. «Le journalisme ne se résume pas seulement à donner l’information », indique Salif Diarrah. Le travail journalistique englobe tout un processus, dont la collecte, la vérification, c’est-à-dire, un traitement de l’information avant sa diffusion». Les fabricants des fausses informations se basent, aussi, sur les sensibilités et fantasmes du public comme l’attrait de certains pour les théories du complot. «Les fake news sont souvent plus rapides que la bonne information parce qu’il y a souvent du sensationnel et de l’extraordinaire derrière. La tentation de partager est plus grande chez les internautes quand ils tombent sur ce type de nouvelle», analyse Salif Diarrah.

Dans ce domaine, l’inspiration est poussée toujours plus loin. Les motivations et les stratégies ne manquent pas pour monter des histoires de toutes pièces. Selon Lassina Niangaly, journaliste au site Lejalon.com, «les fake news les plus fréquentes au Mali sont les images (photos ou vidéos) sorties de leur contexte réel ou les fausses déclarations pour porter atteinte à la crédibilité des personnalités ou pour annoncer leur décès».

Quid des motivations ? Elles ne manquent pas pour fabriquer les fausses nouvelles. Certaines personnes «diffusent de fausses nouvelles pour avoir plus de partages ou pour faire la publicité de certains produits sur les réseaux», avance Modibo Fofana, président de l’Association des professionnels de médias en ligne (Appel-Mali). Il révèle l’existence «de groupes spécialisés dans la diffusion de fausses nouvelles avec comme motivation de manipuler l’opinion publique par rapport à certains sujets».

Les fake news sont, ainsi, de redoutables armes de combat dans l’arène politique. «Lorsqu’il y a une concurrence politique, par exemple, il peut y avoir un recours délibéré aux fake news pour dévaloriser un adversaire, le mettre dans une position embarrassante ou pour lui créer une mauvaise réputation. Là, la fake news est utilisé de manière délibérée comme arme dans le domaine de la politique, de l’économie et du social», explicite Gaoussou Drabo. A ce niveau, la désinformation peut atteindre des proportions dépassant largement l’anecdotique info fantaisiste.

Une forme de fausses informations qui seraient orchestrées par des acteurs étatiques, notamment contre d’autres Etats, souvent, plus faibles, n’est pas inconnue des organismes internationaux. En 2017 déjà, une déclaration commune avec d’autres structures du rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté d’opinion et d’expression, David Kaye, alertait sur «la prévalence croissante de la désinformation et de la propagande dans les médias traditionnels et sociaux, alimentée par les Etats et les acteurs non étatiques».

VÉRIFICATION DES FAITS – Des initiatives commencent à émerger en vue d’endiguer le phénomène. Le premier recours dans la lutte contre les fausses informations réside dans le retour aux bases du journalisme, à travers l’indispensable vérification des faits. «La réponse est donnée dans le monde occidental et c’est le fact-checking : la vérification des faits. Beaucoup de journaux font du fact-checking, ils ne peuvent pas répondre à toutes les rumeurs mais essayent de démanteler et déconstruire les rumeurs les plus dangereuses», explique Gaoussou Drabo.

Le fact-checking se pratique timidement dans les médias maliens. La voie est tracée par une poignée de sites d’information qui en ont fait leur crédo. «Nous comptons quatre sites qui font du fact-checking : Benbere, Mali Actu, Le jalon, Malivox», énumère Modibo Fofana. Le jalon.com a initié un projet de vérification de faits dénommé MaliCheck qui a servi, selon ses initiateurs, en un an, à vérifier une centaine de fausses informations distillées sur les réseaux au Mali. «Nous avons jugé opportun de lancer cette initiative parce que le Mali est en crise depuis 2012 et la diffusion de fausses informations s’amplifie en temps de crises», soutient Lassina Niangaly, co-fondateur du site.

La vérification nécessite une démarche professionnelle et un travail de fond. «Le fact-checking n’est pas facile à faire parce qu’une rumeur est facile à faire, mais c’est difficile de démontrer qu’elle est fausse. Il faut apporter une masse de contre-informations extrêmement importante», argue Gaoussou Drabo. Pour lui, ce «combat est difficile, mais inévitable pour la presse. Et si les hommes de presse ne réagissent pas par rapport au phénomène, ils seront complètement dépassés par l’avalanche des fake news».

Le travail des journalistes doit, aussi, s’accompagner d’efforts de sensibilisation auprès du public. «Le premier réflexe pour un internaute qui tombe sur une information devrait être de savoir qui a donné cette information ? Où est-ce que la personne a trouvé l’information ? De quelle source vient l’information ? Sur les réseaux sociaux, il est, aussi, important de savoir la crédibilité de celui qui donne l’info», conseille Salif Diarrah. Il soutient que la lutte contre les fake news passe par l’élaboration d’un «arsenal juridique qui permettra de saisir les gens qui procèdent à la diffusion de ce genre de nouvelles».

Les insuffisances dans la règlementation en la matière sont également décriées du côté de l’Association des professionnels des médias en ligne. «Il n’y a pas une loi qui régit le secteur de la presse en ligne au Mali. En l’absence d’une loi spécifique, la loi sur la cybercriminalité a été adoptée. Cette loi a été prise de manière unilatérale et n’épargne même pas les journalistes. Elle interdit, par exemple, l’utilisation de l’image d’une personne sans son consentement. Or, un journaliste peut avoir besoin d’utiliser l’image d’une personnalité publique pour illustrer un article», souligne Modibo Fofana, qui regrette «un vide juridique au niveau de la presse en ligne». «Il existe des sites d’informations basées à l’extérieur du Mali mais qui publient des informations sur le Mali. Ces sites traitent l’actualité au Mali, mais n’ont pas d’adresse au Mali et ils sont basés à l’extérieur. On ne sait même pas quelles sont les personnes derrière ces sites», confie Modibo Fofana.

VIDE JURIDIQUE – Le magistrat Arouna Keita, directeur des affaires juridiques et du contentieux à l’APDP (Autorité de protection des données à caractère personnel), confirme que les fake news ne sont pas pris en compte par la loi n° 00-046 du 7 juillet 2000 portant régime de la presse et délit de presse au Mali. «Il y a urgence dans le cadre de la révision de la loi sur la presse qu’on puisse réprimer les fausses informations. à l’heure actuelle au Mali, la loi sur la presse ne prend pas en compte la répression des fake news», relève Arouna Keita qui explique que l’actuelle loi légifère spécifiquement sur les fausses informations qui ont pour objet de troubler l’ordre public ou qui touchent au moral des soldats.

«Une fake news peut juste dire que telle personne est décédée. Mais cela n’a pas forcément pour objet de troubler l’ordre public», fait remarquer Arouna Keita. « Aussi, insiste-t-il, la loi de 00-046 de 2000 encadrait la presse écrite et audiovisuelle or le numérique est une autre réalité ». «Il faut que les autorités soient plus regardantes. Par exemple, une information sur Facebook, avec deux milliards d’utilisateurs, est susceptible d’avoir plus d’audiences qu’une information de la presse papier qui est locale ou nationale», indique le magistrat qui insiste sur la nécessité d’«une incrimination spécifique des fake news qui font beaucoup de mal aux personnes et même aux entreprises».

Arouna Keita note que la loi sur la cybercriminalité, également, ne légifère pas sur la question des fake news. «La loi sur la cybercriminalité renvoie plutôt à la loi sur la presse pour les questions de délit de presse », explique-t-il. « Par contre, la loi sur la cybercriminalité recouvre la publication d’ouvrages, de certaines images et les infractions via les réseaux sociaux. Elle traite des injures proférées par les biais des technologies de l’information», précise-t-il.

MT (AMAP)

 

Presse en ligne au Mali: Un fourre-tout assis sur un vide juridique 

Par Oumar DIAKITE

Bamako, 30 avr (AMAP) Au grand dam des vrais professionnels et au mépris de toutes règles, certains jeunes maliens, qui croit avoir le verbe facile, sans aucune formation journalistique ni base professionnelle, muni d’un Smartphone et d’un trépied, animent la presse en ligne. Facile ! D’autant plus qu’il n’existe pas de loi qui réglemente le secteur.

« Ce qui m’énerve, c’est le ballet des supports des vidéo-mans. J’ai de la peine à installer ma caméra…Certains d’entre eux font tous pour que leur micro, avec effigie, apparait sur l’ORTM (Ndlr, l’Office de radiodiffusion télévision du Mali, service public) …il faut trouver une solution à cet envahissement », explose un caméraman de l’ORTM. Notre confrère nous fait part de sa répugnance de ces nouveaux « journalistes » lors d’une rencontre à la Primature.

C’est une triste réalité. Nous le remarquons à chaque point de presse organisé à la Primature sur une décision importante de la vie de la nation. Les trépieds de la presse en ligne prennent la place de ceux des télévisions de notre pays. Comme ce fut le cas lors de l’avant dernier point de presse animé à la Primature sur la propagation de la Covid-19.

Ces WebTV, tout comme les web radios, inondent l’espace de la presse en ligne au Mali. Chacun détient sa propre télé ou radio sur le net. Pourtant, à l’Association des professionnels de la presse en ligne au Mali (APPEL-Mali), on ne compte que 39 sites professionnels d’information de la presse écrite en ligne. APPEL-Mali regroupe trois médias en ligne, appelés encore éditeurs de médias. Ces nouveaux canaux de communication sont la presse écrite en ligne sur des sites d’information, les WebTV qui sont, également, des télévisons mais diffusées via Internet. Il y a, aussi, les web radios qui commencent à prendre de l’ampleur dans le paysage médiatique du Mali.

Sous un soleil de plomb d’avril, avec un vent chaud et sec, le président d’APPEL-Mali, Modibo Fofana, dans son bureau à l’immeuble de l’Union des journalistes ouest-africains (UJAO) à l’ACI 2000, se montre peu satisfait du fonctionnement de la presse en ligne au Mali. A l’image de l’ Union des radios et télévisions du Mali (URTEL) et de l’Association des éditeurs de la presse écrite (ASSEP), l’association qu’il dirige, créée en 2015 mais opérationnelle en 2016, assure le rayonnement des médias en ligne au Mali.

DU TOUT-VENANT – Le président de l’Association des professionnels de la presse en ligne au Mali, Modibo Fofana, ne cache pas sa déception devant l’évolution en cours du secteur. Mais, il reste optimiste avec les objectifs que s’est fixés APPEL-Mali. Internet dans notre pays devient un fourre-tout avec les réseaux sociaux sur lesquels n’importe publie, « pour la simple raison que l’internet est ouvert à tout le monde », alerte-t-il.

Le président de l’Association des professionnels de la presse en ligne au Mali, Modibo Fofana

M. Fofana rappelle que l’un de leurs combats est de structurer le secteur de la presse en ligne pour une meilleure organisation. « L’information est réservée exclusivement aux seuls professionnels qui ont soit fait l’école de journalisme ou appris les sciences de l’information, soit le journalisme sur le tas mais avec un diplôme supérieur et, surtout, un niveau acceptable », prêche-t-il.

Il préconise une union sacrée des vrais professionnels du secteur pour très bien organiser le secteur dans sa progression. Selon M. Fofana, APPEL-Mali compte aujourd’hui 39 sites d’information écrite dont une quinzaine très actifs qui ont de bonnes et grandes audiences.

Ce sont seulement ces sites d’informations qui sont acceptés par APPEL-Mali en tant qu’entreprises de presse en ligne ayant une base qu légale. Ils travaillent dans la légalité car ces sites d’information détiennent un Numéro d’identification fiscale (NIF) et payent régulièrement les taxes mensuelles aux impôts. « C’est pourquoi, nous les considérons comme des sites sérieux œuvrant dans la légalité », justifie Modibo Fofana, ajoutant que tous les sites acceptés par APPEL-Mali travaillent dans ce sens.

L’APPEL-Mali a sur sa table quatre demandes d’adhésion à l’étude au niveau de sa Commission de validation, indique M. Fofana.

En réalité, créer un site sur le net ne demande pas un effort. C’est pourquoi, il existe plus de cent sites sur le net. Mais pour plus de sérénité et de professionnalisme, APPEL-Mali a fixé des conditions d’adhésion. « Sur le net, on peut créer un site gratuitement, mais pour les sites professionnels il faut avoir 1.000 ou 2.000 euros », révèle-t-il.

Assétou Fofana, une activiste sur le net, ne va pas dans la même direction que l’Association des professionnels de la presse en ligne au Mali. Notre interlocutrice a sa propre manière de faire du journalisme. Elle s’estime plus libre dans ses productions qui lui rapportent beaucoup. « Souvent, mon compte YouTube peut me rapporter près d’un million de francs CFA. Ce sont le buzz qui m’intéresse », se réjouie-t-elle.

Pourtant, le journaliste est celui qui sait faire le tri entre un article publiable ou non, estime Modibo Fofana se faisant le chantre du professionnalisme du secteur. « Au moins que les intervenants sur le net maitrisent le traitement de l’information, tout en respectant l’éthique et la déontologie du journalisme. Mais malheureusement, dans notre pays, tout le monde se dit journaliste. C’est pourquoi, on a souvent des dérapages déontologiques dans la presse en ligne au Mali », se désole Modibo Fofana.

HEBERGEMENT – Pour créer un site d’information, la première des choses serait d’acheter un nom de domaine. Le domaine est équivalent au titre d’un journal papier. Et ce domaine doit être hébergé sur un serveur. « C’est-à-dire que tu crées un site mais le nom de domaine ne t’appartient pas. L’hébergement ne t’appartient. C’est la même chose comme le compteur d’Energie du Mali (EDM). On prend le compteur en son nom mais il appartiendra toujours l’EDM, le président de l’APPEL-Mali.

« Chaque mois ou chaque année, poursuit Modibo Fofana, on paie les frais de location de ces noms de domaine ». Au Mali, l’hébergement des sites professionnels coûte entre 80.000 à 1.000.000 de Fcfa par an. Les sites d’information doivent aussi payer des frais pour rester plus visibles sur les réseaux sociaux.

Pour le directeur de publication du site Afrikinfos-Mali, Ousmane Ballo, l’hébergement est une question claire. « Les frais sont connus ainsi que le début et la fin de l’abonnement. A la fin de l’abonnement, le site sera mis hors du réseau si le site n’est pas à jour dans le paiement », précise-t-il.

Toutefois, les problèmes se trouvent plutôt au niveau des webmasters. D’après lui, certains webmasters sont moins clairs avec les promoteurs de sites et l’hébergeur. M. Ballo signale que les promoteurs de sites d’information ignorent les aspects techniques et le langage informatique que seuls les webmasters maitrisent.

Ils gèrent les sites avec l’hébergeur en cas de difficulté ou en termes de sécurité. « Très souvent, ils tiennent qu’on leur paye ces interventions ». Ainsi, les webmasters font une facture commune rajoutant le prix de l’hébergement pour, à leur tour, payer l’hébergeur. Ce qui fait qu’on est, parfois, floué par ces webmasters dans une situation d’opacité totale », accuse le promoteur du site d’information Afrikinfos-Mali. Il enfonce le clou : « certains webmasters peuvent créer un problème sur le site, afin d’avoir de se faire rémunérer à chaque intervention ».

Quant à l’Agence des technologies de l’information et de la communication (AGETIC), Ousmane Ballo souligne que cette structure ne gère pas tous les sites. Les sites ‘.com’ ; ‘.net’ ; ‘.info’ sont très, généralement, gérés en France ou au Canada. Selon lui, c’est tout récemment que l’Agetic a récupéré les sites .ml pour le gérer à distance. Parce que c’est un serveur qui appartient à l’AGETIC mais est logé ailleurs.

Selon les explications du président d’APPEL-Mali, Modibo Fofana, au Mali, les domaines de la majorité des sites d’information sont hébergés ailleurs. Cependant, certains promoteurs commencent à créer leur propre serveur pour loger leur site.

VIDE JURIDIQUE – Contrairement à la presse classique, aucune loi ne règle le secteur de la presse en ligne au Mali. C’est l’une des difficultés que relève les responsables du secteur. « Malheureusement, regrette Modibo Fofana, avec l’adoption du texte sur la cybercriminalité, certains hommes de Droit commencent à faire une confusion entre journaliste de la presse en ligne et cyber-criminel ». Ainsi, à l’absence d’une loi spécifique, les hommes de Droit appliquent automatiquement le Code pénal ou la loi sur la cybercriminalité. « En cas d’infraction, un journaliste de la presse en ligne peut être considéré comme un cybercriminel. Un problème  sérieux auquel nous sommes confrontés », déplore le président de l’APPEL-Mali.

« Si j’ai un cri de cœur, déclare-t-il, c’est de dire qu’il est très urgent d’adopter une loi pour la presse en ligne. Car, aujourd’hui la technologie n’attend pas ». Et d’ajouter que certains pays voisins ont déjà adopté une loi. Pour lui, cette transition est la meilleure période pour réglementer le secteur de la presse en ligne au Mali.

S’y ajoute la problématique des fake news, « fausses informations ». Les professionnels de la presse en ligne estiment que ces fausses informations sont devenues le cancer des réseaux sociaux. « Des gens, qui n’ont jamais fait de l’information, jamais été à une école de journalisme et n’ont pas appris les b.a.ba du métier, achètent un smartphone, un trépied pour l’exercer. Subitement, ils se déclarent journalistes », dénonce le président de l’Appel-Mali. Ajoutant que c’est « la raison pour laquelle, on a au Mali des activistes-journalistes, des chroniqueurs-journalistes… ».

Par ailleurs, les sites d’informations sérieux au Mali sont confrontés au problème de financement. Jusqu’à présent, la presse en ligne est considérée comme un canal d’information qui ne fait que relayer les articles des journaux papier. Elle n’est pas la première destination des annonceurs et autres publicitaires. Ceux-ci privilégient les journaux de la presse écrite plutôt que la presse en ligne. « Nous sommes toujours relégués au second plan alors qu’aujourd’hui, nous avons des entreprises qui emploient des journalistes. On a des charges fiscales, des rédactions à gérer, entre autres », signale Modibo Fofana.

Lignes éditoriales – Au Mali, les lignes éditoriales sont très généralement politiques. La presse en ligne ne fait pas exception. « Nous avons tous une ligne éditoriale tournée vers la politique parce que, jusqu’à présent, ce sont les politiques qui s’intéressent beaucoup à la publication des articles », reconnait le président de l’APPEL-Mali.

« Il y a des sites spécialisés, notamment dans le domaine culturel, sportif, environnemental, entre autres », note-t-il. Les autres sont tous dans l’information générale avec une ligne tournée uniquement vers la politique. « Parce que ce sont les politiques qui ont créé la presse au Mali. Et la presse n’arrive pas à couper le cordon ombilical avec les politiques », estime notre interlocuteur.

OD/MD (AMAP)

Tirages : Les journaux, mauvais marché pour imprimeurs

Par Oumar DIAKITE

Bamako, 30 avr (AMAP) La presque double centaines de journaux de la presse écrite au Mali sont fabriqués par seulement quatre imprimeries de la place. Le paiement du service de l’impression est tributaire de l’aide publique à la presse ou du revenu que les journaux tirent de contrats de prestations. Seule une dizaine d’organes détient sa propre imprimerie.

« La précarité de la presse écrite malienne se fait surtout très sentir au niveau du tirage. Nous arrivons, difficilement, à joindre les deux bouts grâce à l’indulgence de certains imprimeurs qui nous tirent à crédit, en espérant se faire payer sur l’aide publique à la presse et les rares contrats de prestations », avoue le directeur de publication du journal ‘L’Investigateur’, Daouda T Konaté.

Babouya Touré dont le kiosque est à Darsalam, à Bamako, est le principal revendeur-distributeur des journaux au Mali. Depuis 1989, il évolue dans ce domaine. M. Touré distribue, pratiquement, 60% des journaux.

Devenu très professionnel dans le milieu, Babouya Touré a investi dans une imprimerie. Aujourd’hui, il tire beaucoup de journaux, mais à quel prix ? « Depuis près sept ans, j’ai installé mon propre imprimerie. Donc, je suis à mon début. J’imprime plusieurs journaux de la place », révèle-t-il.

Selon lui, le tirage des journaux se passe dans un partenariat avec les promoteurs des organes. « Je fais les impressions à crédit. Si l’aide publique à la presse tombe ou si les contrats de prestations ou d’abonnement des journaux tombent, ils viennent s’acquitter de leur paiement pour le service. Certains font une déduction », explique Babouya Touré, ajoutant que le partenariat se passe sur la base de la confiance mutuelle.

Cependant, d’autres promoteurs abusent de la situation. Car, selon lui, certains disparaissent pendant de longtemps avant de payer les frais d’impression. Notre interlocuteur souligne qu’il fait tout, à la limite, pour ne pas tomber en faillite, pour aider les journalistes à produire leur publication. « Parce que, justifie-t-il, c’est grâce aux journalistes que son entreprise fonctionne ».

Par ailleurs, Babouya affirme qu’il y a peu d’imprimeries qui tirent la presse écrite dans la capitale malienne. Parce que, tout simplement, les imprimeurs trouvent que ça ne rapporte pas. Ainsi, présentement il n’y a que quatre imprimeries qui font le tirage de la presse. Ce sont : les imprimeries Babouya Touré, Renouveau, Soro-Print chez Makoro et enfin chez Diallo à Kalaban Coura.

En plus de ces imprimeries, signale Babouya Touré, certains organes possèdent leur propre imprimerie. Entre autres : le quotidien s=du service public ‘L’Essor’, ‘L’Indépendant’, ‘Le Combat’, ‘Indicateur du Renouveau’, le groupe Nouvel Horizon et Soir de Bamako, ‘Tjikan’,

Babouya Touré explique que le prix par tirage dépend du nombre de pages et surtout selon que la publication soit en couleur en noir blanc. « C’est un secret entre les journalistes et moi. Par exemple, si le journal fait huit pages, 500 exemplaires, la Une et la Dernière page en couleur, il est tiré à 70.000 Fcfa tout frais conclu », dit-il. Lui, l’imprimeur, il achète le papier d’impression chez un fournisseur de la place. «  Le papier d’impression est cher. Auquel, il faut ajouter le coût de l’électricité et la rémunération des travailleurs, sans parler des frais d’entretien des machines et la location du local », énumère-t-il dans la rubrique des charges et dépenses.

Tout comme Babouya Touré, l’imprimerie du groupe Renouveau affirme aussi soutenir les organes de la presse écrite pour leur parution. Le gérant, Mamadou Sogoba, indique qu’aujourd’hui, il est impossible de demander aux journaux privés maliens de tirer au comptant. « Il faut les aider pour qu’ils puissent faire des publications. Ainsi, quand ils parviendront à signer des contrats de partenariat avec des structures ou autres, ils viendront payer les impressions », confie M.Sogoba, en confirmant que cela se passe avec des risques. «  Car, certains journalistes disparaissent sans payer notre argent. Parce qu’ils n’ont pas eu de rentrée d’argent ». « Ce n’est pas du tout facile. Mais on accepte. Nous sommes des partenaires », note-t-il.

PRECARITE TOTALE ! En réalité, selon les professionnels du milieu, la presse malienne ne paie pas. Selon les deux imprimeurs, partenaires des organes de presse écrite, le problème est en quelque sorte lié aux patrons de presse. « Car, témoignent-ils, rares sont les responsables de journaux qui paie leurs journalistes pendant qu’eux-mêmes mènent un train de vie enviable. « Ce sont ces journalistes qui, se lancent, à leur tour, dans la création de leur propre organe ». « Nous, à notre niveau, on est obligé de leur donner un coup de main, en tirant leurs premiers numéros et en attendant qu’ils reçoivent l’aide publique à la presse ou l’argent de leurs contrats de prestation », disent-ils.

« Toutefois, depuis deux ans, l’aide publique à la presse diminue considérablement. Et il y a aussi de moins en moins de contrats de prestation avec les départements ministériels et autres structures de l’administration malienne. Alors que les ressources des organes de presse proviennent de ces deux sources », révèlent nos interlocuteurs.

Pour le secrétaire à l’information de l’Association des éditeurs de la presse écrite (ASSEP), Ousmane Dao, la vente est insignifiante dans les recettes des publications. « Beaucoup d’organes ne se rendent jamais chez le distributeur pour faire le décompte des ventes. Parce que nous savons tous que la vente ne rapporte rien », dit-il.

Le secrétaire à l’information de l’ASSEP reconnait que la presse malienne, d’une manière générale, est en train de sombrer dans la précarité sur plusieurs points. « A l’occasion du 03 mai prochain, nous envisageons de mener des actions dans le cadre des initiatives de dimension sociale de notre corps de métier », annonce-t-il.

Selon Ousmane Dao, cette presse est très faiblement couverte sur le plan social et sanitaire. « Il n’est pas rare de voir, par moment, des cris de cœur appelant au secours d’un confrère ou consœur qui a besoin d’être évacué à l’étranger pour des soins », déplore-t-il.

Pour faire face à cette précarité, préconise le secrétaire à l’information de l’ASSEP, « il est indispensable, aujourd’hui, compte tenu du rôle déterminant que la presse joue, de lui apporter une aide publique conséquente.

M. Dao penche pour l’indexation de l’aide publique à la presse sur le budget national. « Parce que, rappelle-t-il, la presse a un rôle important à jouer dans la démocratie ». « Il faut indexer l’aide publique à la presse au budget national, dans ce cas, nous bonifierons un pourcentage qui va nous permettre, chaque année, de bénéficier de plus de ressources publiques de la part de l’Etat», propose-t-il, tout en suggérant d’organisant l’octroi de cette aide sur la base de critères que les organes de presse doivent, obligatoirement remplir.

L’environnement de la presse au Mali est aussi délétère, faute de l’application de la Convention collective signée depuis plus de dix ans. Cette application tarde à se faire parce que, selon l’ancien vice-président de la Maison de la presse, Alexis Kalambry, la convention est biaisée. « Normalement, une convention collective est une négociation tripartite entre des travailleurs, des patrons et l’Etat. La Convention collective, qui a été signée, n’a fait l’objet d’aucune négociation de la part de qui que ce soit », dénonce M. Kalambry.

Selon lui, c’est comme un acte politique et syndical. Il précise que cette convention collective n’est connue d’aucun patron de presse, d’aucun gouvernement. « Naturellement, cela rend difficile son application parce que personne ne s’y reconnait », explique-t-il.

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Encadré : Le petit monde des revendeurs

D’après Babouya Touré, le principal revendeur-distributeur de journaux au Mali (il distribue, pratiquement, 60% des publications), qui depuis 1989évoulue dans ce domaine, on compte 80 revendeurs principaux dans la capitale malienne (ceux qui sortent très tôt, le matin de bonne heure). Tous ces revendeurs tiennent soit un kiosque à journaux ou une pancarte à journaux.

En plus de ceux-ci, il y a d’autres sous-revendeurs. Ces derniers prennent les journaux avec les principaux revendeurs. Le pourcentage est divisé entre eux : 15 à 20%, sur chaque journal, revenant au revendeur.

« La vente des journaux n’apporte presque rien. Je n’ai rien à gagner aussi dans la distribution. Mais, les promoteurs des journaux sont mes collaborateurs. Je profite parfois des contrats d’abonnement que j’arrive à négocier avec certaines structures de l’administration », confie Babouya Touré, précisant qu’il a été connu grâce à la distribution des journaux.

OD/MD (AMAP)

Lignes éditoriales dans la presse malienne : Le règne du parti-pris très intéressé

Par Oumar DIAKITE

Bamako, 30 avr (AMAP) A part le quotidien du service public ‘L’Essor’, au Mali, la presque totalité des organes de presse écrite écrit en fonction des opportunités financières. Peu de rédactions agissent par conviction.

Au Mali, on compte un seul organe étatique, le quotidien national ‘L’Essor’. En plus de l’information, cet organe œuvre beaucoup plus dans la communication institutionnelle. Tous les autres organes de la presse écrite demeurent dans le secteur privé. Les professionnels de la presse, eux-mêmes, l’admettent : ces journaux sont souvent partagés et ont choisi leur camp entre le pouvoir en place et l’opposition, Dans tous les cas, ils sont très généralement partisans.

Difficilement, on parvient, aujourd’hui, à faire la part des choses des lignes éditoriales dans la presse écrite au Mali. Quelle que soit la nature de la publication, s’agissant de lignes éditoriales, selon l’ancien vice-président de la Maison de la presse, Alexis Kalambry, « beaucoup de journaux sont des officines d’agence de communication ». « C’est-à-dire qu’on ne sent pas une conviction rédactionnelle », insiste-t-il.

Sans vouloir s’étendre sur le sujet, M. Kalambry ajoute qu’au Mali, on « écrit en fonction des opportunités financières ». « Il n’y a pas beaucoup de rédaction où on sent vraiment qu’il y a des convictions qui conduisent à cracher sur certains argents », argue-t-il.

Cette situation s’illustre par la ruée vers les marchés de n’importe provenance. Les hommes politiques, les opérateurs économiques, les leaders religieux et même des officiers supérieurs des Forces armées maliennes arrivent à manipuler certains journaux au Mali. Ces organes affichent leur caractère commercial. Chacun y cherche « sa part sur le marché ».

Les structures ayant compris le scenario élargissent leur contrat d’abonnement à tous les organes de la place. Même à ceux qui ne sortent que par moment. «Nous avons eu un contrat avec l’Institut national de prévoyance sociale (INPS), la Caisse malienne de sécurité sociale (CMSS), à la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM). Il faut être compétent et savoir démarcher les partenaires ou tu fermes boutique…», se réjouit A. Touré, un jeune directeur de publication.

Pour lui, ce n’est pas pour rien que presque tous les jeunes directeurs de publication circulent en véhicule. « Je n’ai pas de ligne éditoriale. Je peux dénoncer parfois au bénéfice de la population mais, très généralement, j’écris en faveur de mes avantages », reconnait-il sans tergiverser.

Pour S. Doumbia, promoteur d’un journal hebdomadaire, chaque journaliste de la presse privée cherche à protéger ses relations (ses bailleurs), « c’est-à-dire la personne qui te soutient financièrement ».

Logiquement, estime le secrétaire à l’information de l’Association des éditeurs de la presse écrite (ASSEP), Ousmane Dao, « les lignes éditoriales des journaux dépendent d’eux-mêmes ». « C’est vrai qu’à partir de certaines lignes, on a tendance à étiqueter certains journaux qui seraient favorables à l’opposition et d’autres à la majorité qui, aujourd’hui, n’existe pas avec la Transition en cours », estime M. Dao. Par contre, note-t-il, l y avait des lignes éditoriales fixes sous le régime d’Ibrahim Boubacar Kéita, ancien président. « Par exemple, sous l’ancien pouvoir, certains journaux étaient réguliers à dire tout ce qui n’allait pas. Rarement, on voyait dans ces journaux de bonnes choses du régime », dit Ousmane Dao. Avant d’admettre, cependant, que certaines publications ont varié dans leur ligne éditoriale, en fonction de ce qui se passe dans le pays.

OD/MD (AMAP)

 

Dossier Presse écrite au Mali (1) : Plus de 250 titres à parution régulière et irrégulière

Par Oumar DIAKITE

Bamako, 30 avr (AMAP) Depuis une dizaine d’années, les organes de presse écrite prolifèrent au Mali. En plus du quotidien du service public, ‘L’Essor’, le Mali compte neuf quotidiens, près de deux-cents hebdomadaires, une quinzaine de bi-hebdomadaires, un bimensuel, vingt-sept mensuels, un bimestriel. Officiellement, ce sont les titres enregistrés à l’Association des éditeurs de la presse écrite (ASSEP) ou au Groupement patronal de la presse écrite (GROUPE), deux grandes structures syndicales regroupant la presse écrite au Mali.

Selon Modibo Diaby, secrétaire à l’information du GROUPE constitué de plus d’une quinzaine de journaux de la presse privée, parmi ces publications, il y a quatre quotidiens, deux bi-hebdomadaires et des hebdomadaires. « Les quotidiens, précise-t-il, sont ‘Les Echos’, ‘L’Indépendant’, ‘Info-Matin’, et ‘Le Républicain’. Alors que les bi-hebdomadaires sont ‘Le Challenger’ et ‘Le journal 22 Septembre’.

Ces journaux arrivent à respecter la périodicité de leur parution, contrairement à d’autres membres du Groupement patronal, à l’image de Bamako-Hebdo.

De son côté, l’ASSEP refuse des titres aujourd’hui. Selon son secrétaire à l’information, Ousmane Dao, plus d’une trentaine de journaux attendent que la Commission d’adhésion statue sur leur cas. « Nous avons plus d’une trentaine de demandes d’adhésion à l’étude au niveau de l’ASSEP », dit M. Dao. Selon lui, c’est le nombre élevé d’adhérents qui a certainement abouti a l’adoption de certains critères dont le respect condition l’adhésion à l’ASSEP. Car, aujourd’hui selon ses statistiques, l’Association faitière compte plus de deux-cents journaux membres dont cinq quotidiens, onze bi-hebdomadaires, plus de cent cinquante six hebdomadaires, un bimensuel, vingt-sept mensuels et un bimestriel.

Selon son secrétaire à l’information, les journaux quotidiens affiliés à l’ASSEP sont, entre autres,  ‘Le Pays’, ‘L’Indicateur du Renouveau’, ‘Le Combat’, ‘Nouvel Horizon’ et ‘Soir de Bamako’. ‘L’Investigateur’ est un bimensuel alors que le bimestriel est Protection sociale de l’Association des éditeurs de la presse écrite. La liste est loin d’être exhaustive.

Il faut noter que parmi ces nombreux titres affiliés à l’ASSEP, seulement une quarantaine arrive à se maintenir et à paraître régulièrement. Les autres paraissent, au gré des évènements, de leurs possibilités financière et, surtout, lorsqu’ils ont, ce qu’on appelle ici, « un marché ». « Quoiqu’il en soit, ces journaux paraissent quelques fois dans l’année pour bénéficier du paiement de rares contrats d’assistance média ou d’abonnement qu’ils arrivent à négocier », indique notre interlocuteur.

PROLIFERATION IMPOSEE ! « Cela a été comme une révolution. Et a commencé sous le régime de l’ancien président, Ibrahim Boubacar Kéita. C’est une véritable prise de conscience. Les jeunes journalistes ont réalisé qu’ils sont exploités par les différents patrons de presse. Il fallait se libérer de ce joug d’exploitation des aînés… », dit Daouda Konaté, directeur de publication d’un hebdomadaire de la place, pour tenter d’expliquer la prolifération des organes de presse écrite au Mali. Notre interlocuteur pointe du doigt les premiers directeurs de publication pour n’avoir pas correctement rémunéré leurs journalistes ou, du moins en leur imposant un traitement de misère.

Chaque journaliste, sachant qu’il peut décrocher un contrat de partenariat de plus deux millions de Fcfa par an, a voulu voler de ses ailes, en lançant son propre titre. « Même des stagiaires créent leur journal. Je peux vous citer certains de ces directeurs de publications qui n’ont pas fait trois ans de pratique du métier de journalisme avant de lancer leur propre organe », peste Mme Coulibaly, promotrice d’un journal quotidien qui peine à respecter la périodicité de sa parution « par manque de personnel ». Ses journalistes l’ayant quitté pour être leur propre patron.

En effet, pour créer son propre journal, il faut juste quelques pièces à fournir qui ne demandent pas trop de dépenses financières particulières. La loi demande un casier judiciaire, un diplôme d’étude supérieure, une attestation prouvant que le demandeur est journaliste, une demande de création de titre adressée au procureur du tribunal où le siège du journal sera installé, entre autres.

L’ancien vice-président de la Maison de la presse du Mali et non moins directeur de publication du bi-hebdomadaire ‘Mali Tribune’, Alexis Kalambry, impute la prolifération des organes presse écrite aux hommes politiques. M. Kalambry estime, d’abord, que les politiques ont soutenu le boom des journaux, en n’oubliant pas de l’exploiter à leur profit afin de mieux défendre leurs intérêts et atteindre leurs objectifs. « Ce sont les hommes politiques qui, n’ayant pas réussi à instrumentaliser les premiers journaux, ont encouragé la création de titres », accuse-t-il. Ajoutant que « la 2ème raison est la facilité de la création d’un journal au Mali ». L’ancien vice-président de la Maison de la presse indique que la troisième raison du fléau est à rechercher dans notre histoire politique récente. « Puisque, justifie Alexis Kalambry, le quotidien national ‘L’Essor’ est resté longtemps le seul titre.

« Avec l’ouverture démocratique, la création de titre est devenue un acte démocratique qu’il fallait faciliter le plus possible», analyse-t-il pour expliquer les raisons qui ont vraiment conduit les titres à proliférer.

OD/MD (AMAP)

Covid-19 au Mali : Quelque 8467 guérisons, 481 décès sur 13815 cas enregistrés, jeudi

Bamako,  29 avril (AMAP) Quelque 8467 personnes sont guéries de la Covid- 19, 481 décédées sur un nombre total de 13815 cas enregistrés au Mali avec les 35 nouveaux cas décelés, sur l’ensemble du territoire national jeudi, a appris l’AMAP de source proche des services sanitaires.

L’Institut de santé publique (ISP) précise que les 35 nouveaux cas ont été enregistrés dans les régions de Kayes, Koulikoro, Sikasso, Mopti et le district de Bamako.

Les services sanitaires qui invitent les populations au calme et au respect des mesures de prévention, déclarent par ailleurs, que 2310 personnes -contact font l’objet d’un suivi quotidien.

KM (AMAP)

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